Les récents développements de l’affaire Alstom m’ont fait (beaucoup) réfléchir.
Une nouvelle fois, la preuve est faite qu’on peut gagner quantité d’argent en partant d’un raisonnement complètement erroné. En d’autres termes, on peut s’enrichir sans le mériter le moins du monde.
Avec Alstom, le raisonnement erroné était d’acheter l’action car:
(1) l’entreprise nous était familière: c’est un "fleuron industriel français" (cf. le titre de la file sur le forum);
(2) nous savions (approximativement) que l’entreprise conçoit et commercialise des produits pointus: il y a un vrai savoir-faire;
(3) sur un graphe boursier, le prix est retombé à ce que les zozos charlatans andouilles escrocs analystes techniques appellent une "résistance" - ou autre terme pseudo-scientifique du même acabit.
Je suspecte nombre de petits porteurs - ici et ailleurs - d’avoir acheté l’action à 20€ en ce début de l’année (nonobstant les fondamentaux déplorables de l’entreprise) après avoir justement suivi ce process - le mot est fort; parlons plutôt d’impulsion.
L’offre de General Electric (parfaitement imprévisible à l’époque) tombe à pic: c’est le "coup de chance"!
Certains, naturellement diplomates, salueront la témérité récompensée. D’autres, plus cyniques, moqueront l’amateurisme soldé à moindres frais - même à profit.
Dans ses travaux de finance comportementale, Montier distingue quatre combinaisons possibles:
(1) Mauvais process, bon résultat: coup de chance.
(2) Mauvais process, mauvais résultat: justice romantique.
(3) Bon process, bon résultat: succès mérité.
(4) Bon process, mauvais résultat: adversité passagère.
Les présentations étant faites, c’est à présent l’heure des (douloureuses) confessions: je repasse sur mes différents investissements et je réalise que, moi aussi, je suis un indécrottable abonné de la première combinaison (mauvais process, bon résultat).
En d’autres termes: je suis un gland.
Au diable la gloire! Comme je l’ai écrit plus haut, j’ai toujours pensé que mes 320 points de "réputation" étaient parfaitement usurpés: le temps est venu de rétablir la vérité.
Examinons quelques-uns de mes "investissements":
Peugeot: contrarianisme borné; raisonnement de base parfaitement vide de substance: "le premier constructeur automobile francais ne peut valoir moins de deux milliards d’euros, etc."; fait fi du fait que l’entreprise est virtuellement en faillite complète (pour la troisième fois en cinq ans), qu’elle appartient entièrement à ses créanciers (et certainement pas à ses actionnaires), et que la valeur de son action est parfaitement incalculable, autant à l’instant présent qu’à un futur proche - puisque Peugeot ne cesse jamais d’en émettre.
Plus-value: 109%. Mauvais process, bon résultat: coup de chance!
Crédit Agricole: contrarianisme borné; acheté en seule réponse à la panique de l’époque (fin de l’euro, etc.); le process négligeait complètement la qualité de la gestion, la structure du bilan, la nature des actifs, l’exposition aux risques, etc. Bref, je n’étais pas en-dehors de mon cercle de compétence - mais à des années lumières de ce dernier.
Plus-value: 272%. Mauvais process, bon résultat: coup de chance!
Finmeccanica: rapide analyse type somme des parties (moins de vingt minutes); décision d’investissement immédiate; deux ans plus tard - en fait, la semaine dernière - re-rapide analyse somme des parties; réalise alors que ma première estimation de valeur était complètement fausse (erreur grossière); réalise que j’ai initialement exposé mon capital à un risque en ayant étudié moins de vingt minutes: j’aurais consacré davantage de temps à mes recherches pour acheter un frigo - ou même un livre sur Amazon.
Plus-value: 255%. Mauvais process, bon résultat: coup de chance!
Il y en a d’autres, mais j’arrête ici l’auto-flagellation.
Nassim Taleb, Fooled by Randomness, Chapitre Un a écrit :
"Lucky fools do not bear the slightest suspicion that they may be lucky fools - by definition, they do not know that they belong to such category. They will act as if they deserved the money. They string of successes will inject them with so much serotonin thay they will fool themselves about their abilities. One can notice in their posture: a profitable trader (the lucky fool) will walk upright, dominant style - and will talk much more than a losing trader".
Toute ressemblance avec votre humble serviteur ne serait (c’est évident) que pure et fortuite coïncidence.
Parlons peu, parlons bien: j’ai gagné comme j’aurais pu perdre. Ni mon mérite ni ma brilliance n’y sont pour rien. J’ai joué à la roulette russe, et ne dois qu’à une heureuse providence de ne pas retrouver ma cervelle étalée sur les murs - en moins folklorique: à mon compte de courtage d’être encore provisionné, et même en solde positif.
La marée montante remonte tout, même les coques de noix. Je ne dois ma félicité qu’à un marché exceptionnellement clément. Ce constat fait, les circonstances commandent une profonde et urgente remise en question.
Quelques investissements dont je suis fier du process: Blackberry, Sears Hometown & Outlet, Torstar, Qlogic et Xerox. Des situations simples (dans mon cercle de compétence), sur lesquelles j’ai mené un véritable travail d’investigation, dont j’ai compris les dynamiques financières et le profil du risque encouru.
Autre coïcidence: ce sont justement mes derniers investissements réalisés. Tout n’est pas perdu! C’est bel et bien en forgeant qu’on devient forgeron.
Voila pour ce bref aparté philosopho-financier. Qu’en conclure?
Première leçon: sur le court-terme, le professionnel se reconnait au process, l’amateur au résultat; sur le long terme, le professionnel se reconnait au résultat, l’amateur aux manquements (ou à l’inconsistance) du process.
Deuxième leçon: écouter les élucubrations d’un zozo aux 320 points de réputation sur un forum peut coûter cher, très cher.
Il faut penser par soi-même. Il faut mériter son pain. Surtout, il faut arrêter de croire n’importe qui (par exemple: Thomz) et de faire n’mporte quoi (par exemple: acheter Alstom ou une daube équivalente).
Dernière modification par thomz (10/05/2014 23h39)