@JeromeLeivrek : C’est vrai que votre portefeuille ne se résume pas à du deep value : comme vous, je suis actionnaire de Ymagis et Xilam, mais avec une optique purement croissance, je ne les aurais pas achetées si je n’avais regardé que les multiples de valorisation.
Mes définitions (ou interprétations) perso du value et du deep value :
- L’investissement value, c’est de cibler systématiquement les entreprises qui sont moins bien valorisées que le marché (par exemple en termes de VE/EBITDA, prix / cash-flow etc.). Cela peut se faire de façon mécanique / quantitative avec un screener. Il est démontré que cette approche fonctionne historiquement (par exemple par Lakonishok / Shleifer / Vishny en 1994). C’est ce que fait par exemple W. Higgons, avec d’excellents résultats sur la durée.
- L’investissement deep value, c’est d’identifier des inefficiences de marché qui expliquent des sous-valorisations (ou "décotes") persistantes et significatives sur certaines actions. On se positionne sur ces valeurs en attendant que la "décote" se résorbe. Cette approche ne peut pas se faire mécaniquement et repose sur une analyse fine des dossiers. C’est que font avec succès notamment les Daubasses et vous-même (pour certaines de vos lignes).
Je n’ai pas de doute sur la stratégie value, et dans une certaine mesure elle m’inspire dans mon portefeuille actuel (qui comprend beaucoup de valeurs I&E) - même si mon approche de scoring multi-critères se rapproche sans doute beaucoup plus d’une approche GARP. (Avec le temps, je pondère davantage les critères croissance et rentabilité, et de moins en moins le critère valorisation - mais sur la durée c’est peut-être une erreur…)
En revanche, je suis plus sceptique sur l’approche deep value, car j’ai tendance à voir les marchés comme largement efficients dans le pricing du risque idiosyncratique. Pour des entreprises au-dessus d’une certaine capitalisation (ou flottant), ciblées par des investisseurs professionnels, j’ai du mal à croire qu’on puisse déceler dans le rapport annuel une subtilité comptable qui explique une inefficience de marché. Mon intuition, c’est qu’avec une telle approche (se croire plus malin que le marché), on finisse par occulter des éléments non-comptables qui expliquent pourquoi une entreprise est "faiblement valorisée" (mais en fait, pas vraiment). Dans tous les cas, cette approche me semble plus risquée que l’approche value quasi-mécanique d’I&E. (Par ailleurs, il est facile de construire rapidement un portefeuille value très diversifié, beaucoup plus difficile pour un portefeuille deep value.)
Cela dit, je reconnais que les 2 approches reposent sur la même idée (une certaine inefficience des marchés), et malgré mon scepticisme, je dois reconnaître de belles réussites dans l’approche deep value (les Daubasses, vous-même). Mon portefeuille actuel ayant déjà une composante value, pour mon nouveau portefeuille plus ambitieux, je m’intéresse donc au deep value comme une des stratégies à tester.
Je pense construire ce portefeuille deep value sur 10 lignes, initialement sur une enveloppe de 10k€, qui augmenterait à 100k€ si la stratégie me convainc (ce qui n’est pas gagné). La composition initiale ce pourrait être 5 Daubasses, 2 Projet Lynch, 3 lignes perso à dénicher (pas gagné non plus). Dans votre portefeuille actuel, ce sont a priori Gaumont et Cofidur (vos 2 premières lignes - et 2 dossiers que je n’achèterais pas avec mon approche actuelle) que je "copierais" probablement si je devais me lancer aujourd’hui.
S’agissant des fonds, je les utilise de 3 manières :
1) achat direct : HMG Découvertes, Sextant PEA, Quadrige Rendement, Dorval Manageurs Small Cap Euro, DWS Aktien Strategie Deutschland, H2O Multibonds, représentent au total environ 10k€, soit un poids négligeable dans mon portefeuille (il s’agit plutôt pour moi d’avoir des benchmarks en "live" pour mon choix d’actions).
2) inspiration dans les choix d’actions : dans mon screener maison, j’ajoute des "points de bonus" pour les actions détenues dans le top 10 de bons fonds (j’en suis une trentaine). Quantitativement, c’est de loin l’influence la plus importante des fonds sur mon portefeuille (et ça me permet de bénéficier de leur travail sans payer les frais de gestion).
3) réplication directe : Pour l’instant je n’ai pas essayé cette approche, mais Nor obtient de très beaux résultats (supérieurs à ceux d’I&E) en répliquant le top 5 d’I&E, donc je vais essayer cette approche dans mon portefeuille plus offensif (peut-être sur 10 lignes : top 3 I&E, HMG Découvertes, Keren Essentiels, et 1 ligne détenue par au moins 2 de ces fonds).
@Bibike :
1) Ok pour l’idée d’acheter les "survivants des bas de cycles". Mais là, on est vraiment à mon sens pas loin du haut du cycle, et I&E est tranquillement exposé à des valeurs qui peuvent se retourner vraiment violemment. Sur les précédents cycles économiques, de bonnes valeurs cycliques (du type Trigano par exemple) ont pu corriger de facilement plus de 50%, voire bien plus, en quelques mois.
Cela dit, Higgons a évidemment beaucoup plus d’expérience que moi pour gérer le cycle et doit savoir ce qu’il fait. Je suis simplement curieux de savoir comment Higgons va gérer les premiers signes du retournement économique : il largue tous ses Faurecia / MGI Coutier / Le Bélier (voire ALD et Aperam) d’un coup, ou bien il les réduit graduellement ? Je ne sais pas trop, mais en tout cas mon intuition me suggère plutôt de surpondérer les valeurs moins exposées au cycle économique quand on approche du haut du cycle - ce qui semble l’approche de HMG Découvertes, par exemple.
2) Sur les "mégots de cigare", ok, je reconnais que certains ont fait ou font de bonnes performances avec cette approche, et c’est bien pour ça que je vais m’y essayer (mais ça a intérêt de marcher, parce qu’étant sceptique sur cette approche, je n’hésiterai pas à la couper brutalement - même si je sais qu’il faut donner du temps à une approche deep value). Mais dans le même temps, il y a quand même eu des plantages spectaculaires, largement discutés ici (des investissements "bathyscaphe", comme dirait Bifidus).
En fait, cette approche est à peu près diamétralement opposée à ma propre philosophie d’investissement : au moment d’acheter une action, je me demande toujours : "est-ce la meilleure action que je peux acheter aujourd’hui ?". Donc je ne cherche pas vraiment des "daubasses" - mais plutôt des "bombasses", si je puis me permettre cette familiarité : des belles valeurs, en croissance, avec un savoir-faire reconnu, en essayant de ne pas les payer trop cher.
Mais pour ne pas mourir idiot, je vais m’essayer aux daubasses et autres mégots de cigare, on verra bien ce que ça donne.
3) Je considère que beaucoup investisseurs deep value prennent des risques inconsidérés en concentrant leurs portefeuilles excessivement : leur approche est naturellement risquée car ils parient sur l’éventuelle correction d’une supposée inefficience de marché. Mais en outre, le travail de "découverte" des (supposées) inefficiences prenant beaucoup de temps de recherche et d’analyse, ils finissent pas avoir un nombre restreint de lignes, dont ils tombent parfois "amoureux" (biais psychologique - le même quand on reste trop longtemps avec une personne, on peut perdre son objectivité). Donc diversifier un portefeuille deep value me semble effectivement important (c’est pour cela que je vais m’abonner aux Daubasses).
A priori je vais avoir 10 lignes (comme expliqué ci-dessus) sur ce portefeuille deep value, mais il faut bien replacer cette expérience dans le contexte de ma gestion globale de patrimoine (avec de grosses "couches" bien moins risquées déjà existantes). Si cela devait être mon seul portefeuille boursier, je serais beaucoup plus diversifié.
Par ailleurs, je ne perds jamais à l’esprit que les ETF existent et qu’une approche mécanique entièrement en ETF fournit d’excellents résultats sur la durée (l’approche proposée par Fructif). Donc toute approche plus risquée (comme le deep value) doit au minimum battre les ETF, ou alors il y a vraiment un problème et l’expérience doit être arrêtée.
@Gog : 1) Oui, le bois, les groupements forestiers sont une idée qui m’intéresse ! Je vais prochainement récupérer un petit bois appartenant à mon père et j’envisage de le mettre en exploitation, pour me faire la main. On verra.
2) Effectivement, le travail d’Investir75 sur le portefeuille conviction de fonds est très intéressant. J’ai juste 2 interrogations :
a) Perso je ne choisirais pas Moneta Micro Entreprises (trop exposé aux bigs caps à mon sens) et Sextant PEA (je n’aime pas trop leurs choix sectoriels), même si ce sont des bons fonds que je regarde régulièrement. Je préfère beaucoup HMG Découvertes, et peut-être Keren Essentiels (outre I&E, bien sûr).
b) Dans une optique de performance, le nombre de lignes n’est-il pas un peu trop important ? J’ai été frappé par les excellents résultats de Nor sur le top 5 I&E (en back-test et en réel). A priori j’envisage une stratégie légèrement plus diversifiée : 10 lignes.
3) Pour les aller-retours sur valeurs stables, idéalement je voudrais faire comme Bifidus, qui ajuste ses lignes en tenant compte des news (résultats etc.) et des mouvements de marché : il allège en cas de hausse injustifiée (pas de news), il renforce en cas de très bons résultats etc. Je ne connais rien à l’analyse technique, et j’ai des doutes sur sa pertinence (même si je n’exclus qu’elle puisse être parfois un complément d’information intéressant).
Mon idée est de tester cette approche sur des valeurs solides et stables (qui ont tendance à fluctuer gentiment sur la durée), et que je pourrais sans problème garder en portefeuille si jamais la tendance est négative : Air Liquide, Vinci, Total, AXA, SCOR, BNP Paribas (pas en période de crise, hein), peut-être 1 ou 2 belles foncières… Rien d’original, des lignes que j’ai déjà en portefeuille.
A terme, j’envisage 10 lignes de 10k€ chacune, que je pourrais alléger / renforcer par tranches de 2k€ (je n’ai pas envie de faire des aller-retours pour des clopinettes), en PEA. L’idée c’est de tester cette stratégie sur ces quelques valeurs, puis, si elle fonctionne pour moi, de l’importer sur mon portefeuille principal (de le "bifiduser", en quelque sorte).
J’ai un peu de mal avec les bonus cappés (et les produits dérivés, en général) : je vois que certains se débrouillent bien avec, mais pour moi ça me donnerait un peu le sentiment de perdre le sens de l’investissement boursier (accompagner des entreprises, sur la durée), en pariant sur des courbes à la place. ça ne me fait pas trop envie (comme les ETF), et je pense qu’on peut gagner beaucoup d’argent avec des actions, sans levier et sans machinerie complexe. Mais on verra bien, je n’exclus rien.
4) Oui, les stratégies momentum ETF sont populaires en ce moment. Moi ça ne me fait vraiment pas envie, car (a) le momentum tout seul me laisse sceptique (je trouve ça débile que ça puisse marcher, en fait - je garde une optique fondamentale même si je reconnais que le momentum peut apporter quelque chose), et (b) je n’aime pas les ETF (je n’aime pas acheter quelque chose que je ne peux pas évaluer), même si je les utilise un peu pour diversifier (j’ai des ETF Russie, Asie, or…).
Par ailleurs, Fructif lui-même utilise des titres vifs pour faire du small value momentum, avec d’excellents résultats (comme EviDent, notamment). Je vais donc plutôt me lancer sur cette idée (de façon concentrée : 10 lignes, avec rotation mensuelle ou trimestrielle, à voir).
5) S’il y a des chevauchements épisodiques entre les différentes stratégies, ce n’est pas grave (je n’ai pas vraiment de risque de concentration). Dans tous les cas, je vais suivre la performance de chaque stratégie, et la comparer à la fois avec les indices et avec mon portefeuille principal (ultra-diversifié et défensif).
6) Les fonds discrétionnaires = la gestion déléguée, c’est ça ? Pas convaincu par les résultats que je vois ici et là. A nouveau, la "contrainte Fructif" s’applique : si une stratégie chargeant des frais et/ou risquée fait moins bien que les ETF, elle doit être éliminée sans pitié.
7) Sur la psychologie et le suivi du portefeuille, je ne me fais pas d’inquiétude. Sur mon portefeuille actuel, je me suis "fait plaisir" par un stock-picking frénétique (250 lignes). Désormais je vais me calmer sur la multiplication des lignes (j’ai presque épuisé le stock de valeurs qui m’intéressent, de toute façon), et me concentrer à tester les différentes stratégies.
C’est vrai que ça fait beaucoup de lignes / enveloppes / stratégies différentes à suivre, mais ce n’est pas un problème pour moi, je fais ça depuis tout petit pour tout (résultats sportifs, électoraux…), pour me détendre. J’essaierai de mettre en place un suivi de portefeuille assez clair sur Excel.
8) Ma gestion de conviction, c’est mon portefeuille actuel (qui restera mon portefeuille principal) : un portefeuille très diversifié de valeurs de qualité (pour la plupart…), dont je pilote le beta au fil du cycle économique, en essayant de dégager un petit alpha au fil du temps.
C’est cette approche qui est la plus intuitive pour moi, celle avec laquelle je suis à l’aise psychologiquement. Mais cette approche ne permet (a priori) pas de battre les indices très nettement (alpha faible dû à la grande diversification). Donc le nouveau portefeuille que je mets en place désormais sera bien plus concentré : en gros 10 lignes pour chacune des 5 stratégies, soit 50 lignes pour une taille cible de 500k€ à un horizon de 3 ans (contre 250 lignes pour mon portefeuille actuel, avec la même taille cible). (La seule exception étant la poche contrarian / or : je dois diversifier les minières aurifères, secteur que je connais mal.)
PS : Désolé pour le nouveau roman, je voulais traiter toutes les questions, qui m’aident à organiser ma réflexion (merci !).
Dernière modification par Scipion8 (04/05/2018 12h28)