Yonz a écrit :
Ok, les mécanismes de solidarité sont le propre d’une société évoluée, dans laquelle s’est forgée la conviction que si le malheur s’abat sur quelqu’un il est légitime que les autres viennent à son secours. Même les libéraux sont d’accord avec ça, parce que cette sécurité favorise la prise de risque et en fin de compte sert le bien commun. Et aussi parce que chacun sait qu’un jour son tour peut arriver.
Mais certains pensent, et j’en fais partie, qu’on est allé trop loin, depuis assez longtemps, et que pas mal de gens ont perdu de vue le fait que l’Etat c’est Nous, et que les droits des uns sont les devoirs des autres. Ca rend certaines discussions ubuesques.
C’est vrai, l’état c’est nous.
Donc aussi ceux qui ont besoin de cette aide.
Pour les fréquenter de près, particulièrement dans le poste où je viens d’être embauché, je pense que ces personnes en ont une conscience bien bien plus lointaine que la votre.
Car trop de souffrance n’amène pas à plus de conscience, et il me semble que c’est à celui qui a plus de puissance, de moyens, de conscience, d’aller vers qui ne sait même plus ce que cela signifie. Et qui a une dignité totalement à reconstruire, et qui souvent ne sait même plus ce que signifie être autonome, et s’enferme dans son état, car il existe aussi quelque chose: la honte du regard des autres. Qui finit par devenir structurelle.
Les droits des uns seraient les devoirs des autres? La logique de ce raisonnement m’échappe quelque peu!
Cela me semble fort inégalitaire!
Pour moi les droits et devoirs ne se mettent pas en vis à vis: ils sont égaux pour tous, par exemple le logement décent, l’accès à la santé et l’éducation, la sécurité…et les mieux pourvus aident les moins pourvus, mais de façon à ce que ça ne les spolie de rien et n’entrave pas leur croissance personnelle.
Quant à ce que j’exprime dans ma prose, dont j’assume l’emphase, pour vivre et fréquenter la ruralité au quotidien depuis 2003 et encore plus 2005, bien sûr qu’il y a des bons côtés…de préférence à moins de 15-20 kms de l’agglomération la plus proche.
Au-delà, la visée des lunettes des pouvoirs publics semble sérieusement se brouiller.
Quand nous nous sommes installés, pour moi la campagne était un potentiel, je croyais en la volonté d’un développement écologique, etc…maintenant je ne crois qu’au fait de son propre travail, et à la campagne c’est un travail de bourri parfois.
Il suffit d’en voir la désertification, constante, les difficultés de soins, de transport pour les personnes un peu dépendantes ou précaires, l’effondrement de toute activité economique, donc de toute activité tout court, et l’énergie monumentale que demande d’injecter du vivant pour que ça ne sombre pas à partir du moment où vous ne voulez pas vivre seulement une campagne dortoir résidence secondaire.
Quand je sors le seau des toilettes sèches, parfois effectivement je rale, mais je ne me plains pas non plus: j’ai appris une certaine frugalité qui ne me déplaît pas. La vie de moine ne me fait pas peur.
Mais il est clair que nos pouvoirs publics n’investissent pas la ruralité: c’est soit une carte postale touristique, soit un dortoir de luxe, doublé d’une usine de production agricole, d’énergie eolienne et solaire, mais pas un lieu de vie.
Moi je parle de lieu de vie, et depuis que j’y suis je vois se déconstruire le suivi médical de proximité, les commerces locaux, les transports publics, les banques et assurances qui suppriment tous leurs petits bureaux, toutes ces petites choses qui font le quotidien.
Et ma région est une vraie ruralité enclavée, qui ne bénéficie pas de l’aura économique d’une grande ville. Symptôme parfait de la diagonale du vide où vous pouvez vous amuser à compter les maisons aux volets fermés en traversant les bourgs et certaines villes même de moyenne importance.
Personnellement je n’attends rien de l’état, j’ai bien souvent dû apprendre à faire sans lui, et c’était pas plus mal.
Mais je pense que certaines zones comme certaines personnes sont des impensés, faute de savoir que ça existe vraiment. Et il ne me semble pas déraisonnable que de penser que si l’on veut qu’un territoire vive, il ne s’agit pas tant de le faire vivre sous la perfusion d’assistanat le rendant dépendant des pouvoirs publics, que de lui donner l’aide qui pourrait l’aider à devenir autonome. Mais une autonomie de la périphérie est-elle souhaitée? J’en doute quelque peu.