1 #2751 13/01/2019 16h40
- Scipion8
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Cornelius a écrit :
Certes, mais le problème est que vous avez un objectif ambitieux et que la seule mesure concrète que vous proposez en représente le centième…
Beaucoup de gens sont d’accord pour réduire les rémunérations de Ch. Jouanno, des parlementaires, mais les quatre-vingt-vingt-dix-neuvième autres centièmes requièrent des mesures qui hérisseront beaucoup des manifestants qui réclament plus de services publics: je ne pense pas qu’on puisse régler le problème seulement par une meilleure "efficience". Une telle diminution de la dépense publique implique des mesures impopulaires d’une tout autre ampleur que celles qu’a déjà prises E. Macron (stabilisation des effectifs de la fonction publique, poursuite du gel du point d’indice et désindexation de certaines prestations) qui ont déjà mis le feu au poudre.
Une solution pour améliorer les services publics sans vider les caisses de l’État serait de revenir sur les 35 h pour les fonctionnaires (je suis fonctionnaire) mais là encore, ce n’est pas du tout, du tout, dans les revendications.
Vous connaissez mieux que moi ces ordres de grandeur et surtout vous avez une vision internationale que peu d’entre nous possèdent. Je serais curieux (très sincèrement) de savoir comment si des pays dont la situation budgétaire était comparable à celle de la France ont pu baisser la dépense publique en respectant les principales revendications des gilets jaunes telles qu’elles ressortent des premiers cahiers de doléance et des premières consultations internes sur tel ou tel rond-point (par exemple baisse de l’âge de la retraite, augmentation des pensions de retraite, augmentation du nombre d’établissements de service public hors des métropoles, maintien du temps de travail, protection des salariés [privé+public] au moins équivalente voire accrue]).
Pardonnez-moi de vous solliciter encore une fois mais je ne fréquente aucune personne intéressée par ces questions dans ma vie quotidienne, j’en profite! Et je serais vraiment curieux de savoir ce que vous en pensez. Car les propos de B. Cœuré que je mentionnais dans mon précédent message semblent quand même éloignés des propositions des gilets jaunes.
1) Commencer par réduire les dépenses somptuaires au sommet de l’Etat ne va certes pas suffire pour redresser les comptes publics, mais c’est une étape absolument nécessaire si l’on veut réformer l’Etat. La volonté de réforme est totalement inaudible lorsqu’elle est portée par des gens qui se goinfrent au sommet de l’Etat - car c’est bien comme cela qu’ils sont perçus par le peuple. Comment demander aux gens de faire des efforts, des sacrifices, quand on ne fait absolument rien pour donner l’exemple ? Cela condamne dès le début toute volonté de réforme.
Il y a dans notre République de nombreux "fromages", plus ou moins connus publiquement, que l’on se repasse d’une génération à l’autre dans notre haute fonction publique. Les jeunes énarques qui arrivent avec une volonté louable de réforme n’y touchent pas, puisqu’ils en profiteront plus tard. Il faut y mettre fin. Un plafond de rémunération (10k€?) applicable à l’ensemble de la fonction publique, sans exception, me semblerait utile (je crois que quelqu’un le proposait dans les files sur le "grand débat").
L’obésité de la représentation politique (en nombre et, s’agissant des parlementaires, en rémunération) est aussi ressentie comme une provocation pour ceux qui galèrent. Je n’y vois absolument aucune justification.
2) Pour permettre un véritable allègement de la fiscalité globale, une réforme de l’Etat suppose a priori une redéfinition de son champ d’intervention et des changements dans le statut de fonctionnaires. Je ne suis ces questions qu’en amateur, j’avais travaillé le sujet plus sérieusement il y a 15 ans en révisant le concours de l’ENA.
Il y a donc 15 ans, les sujets que nos professeurs à Sciences Po, jeunes inspecteurs des finances, nous présentaient, c’était notamment :
- l’introduction de mesures de performance dans la fonction publique
- le benchmarking avec des pays qui ont réussi à profondément réformer leur sphère publique, tout en gardant un bon niveau de services publics (Canada, Suède, Pays-Bas…)
- des règles automatique de discipline fiscale (au-delà des règles de Maastricht)
15 ans plus tard, la situation budgétaire n’a pourtant cessé de se dégrader, et l’oppression fiscale qui en résulte de s’aggraver. A l’époque mes profs jeunes énarques idéalistes se plaignaient du manque de volonté politique pour réformer l’Etat - j’imagine que ça n’a pas changé…
En tout cas, si on regarde les pays à tradition "sociale" qui ont réussi à profondément réformer leur sphère publique (par exemple la Suède), ce qui me semble clair c’est que (i) ils ont complètement redéfini leur champ d’intervention et (ii) ils ont changé de la statut de la fonction publique, en le rapprochant des principes du secteur privé (critères de performance, pas d’emploi garanti à vie).
3) On peut réformer l’Etat sans enclencher une "guerre" avec les fonctionnaires. Bien sûr que de telles réformes susciteraient des oppositions et des protestations - mais pas par ceux qui manifestent aujourd’hui. Perso je pense qu’une réforme de l’Etat, avec les modifications statutaires à mon sens indispensables, peut se faire de façon profitable pour les fonctionnaires.
Pour les domaines d’où l’Etat se retirerait ou réduirait ses effectifs, le non-remplacement des départs à la retraite peut permettre une évolution progressive. Par ailleurs, des modifications du statut des fonctionnaires pourraient s’accompagner de revalorisations salariales, par exemple une part variable selon des critères de performance.
Il est faux de penser que c’est une tâche insurmontable : il s’agit de réduire la dépense publique de 6-7 points de PIB (56.5% actuellement, contre 41% en moyenne dans l’OCDE), donc de la ramener au niveau où elle était il y a encore 15-20 ans. Perso je suis convaincu que la décentralisation, par exemple, a été une source de gaspillages, dont le résultat a là encore été encore plus d’oppression fiscale via les taxes locales.
4) ll faut bien sûr faire le tri parmi les revendications des Gilets jaunes : nombreuses sont celles qui ne seraient pas soutenables économiquement. Mais perso je suis convaincu que (i) en montrant l’exemple au sommet de l’Etat sur l’élimination des dépenses somptuaires, et (ii) en rendant la voix au peuple (par référendum, par exemple) sur un certain nombre de sujets où l’opinion majoritaire n’est pas entendue depuis des années, on rendrait beaucoup de choses possibles en termes de réformes.
Je rejoins totalement M. Coeuré sur le caractère insoutenable de la politique budgétaire en France, qui conduit à (i) l’oppression fiscale et (ii) la mise sous pression croissante des dépenses utiles de l’Etat par une charge de la dette de plus en plus lourde (et qui serait bien pire avec des taux d’intérêt "normaux"). Cela dit, M. Coeuré ne s’exprime pas sur la façon d’atteindre une situation plus soutenable (ce n’est bien sûr pas son rôle, puisque c’est une question éminemment politique).
Simouss a écrit :
Du coup les extrémistes c’est quelle proportion des 0,1 à 0,2% de français qui manifestent actuellement et se revendiquent représentants du peuple ?
As t’on déjà accordé autant d’audience à une fraction aussi ténu de la population ?
Force est de reconnaître que les Gilets jaunes bénéficient d’un large soutien populaire, beaucoup plus large que le pouvoir actuel, malgré les débordements. Au-delà du nombre de manifestants, ce mouvement est le symptôme d’une crise de notre démocratie : il serait dommage de ne pas la mettre à profit pour réformer et améliorer les choses : "Never let a good crisis go to waste."
M. Macron a lui même été élu par une fraction bien ténue de la population, sur la base d’ambiguïtés et, à mon avis, de mensonges : les promesses sur le pouvoir d’achat, sur une supposée "alternance", sur une moralisation de la vie politique, ont volé en éclat, les unes après les autres, au fil des affaires et des provocations. Je pense que la "fraction ténue" actuellement la mieux écoutée est le petit millier de très généreux donateurs de M. Macron, pendant sa campagne électorale ;-)
Sur les questions clefs, il suffirait de donner la parole au peuple par référendum. Pourquoi craindre la démocratie directe, si les partisans du pouvoir sont majoritaires ?
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