Bonjour.
En tant que cinquantenaire et traversant les vagues des crises existentielles depuis lors (ce sentiment étant fort subjectif et pouvant ne pas du tout être ressenti par certains, et à outrance par d’autres, les réalités "objectives" de la vie heurtant le vécu subjectif et l’influençant), je pense que vous êtes "normal".
Cela dit, j’ai un chemin absolument inverse que la plupart d’ici: je me suis attelé à la question du sens de l’existence, dès ma jeunesse, et je bataille depuis pour descendre dans l’incarnation.
Mais votre trouble porte un nom dans la liste des maladies spirituelles répertoriées dans la tradition chrétienne ancienne: ça s’appelle l’acédie. Genre plus rien n’a de goût.
Je souscris pleinement au discours de Flower et Bernard2K.
En fait vous avez pu contrôler votre vie…mais à un moment vous êtes sur la bordure du développement personnel et du développement spirituel…
Quand je parle "spirituel", je ne parle pas d’un monde angélique avec les volutes d’encens et les clochettes qui vous enivrent d’un sentiment céleste loin des turpitudes de ce monde: je parle de la dimension de notre existence qui en fait est libre des conditionnements identitaires qui nous habitent, et la plupart du temps nous cherchons à résoudre nos problèmes existentiels par le monde conditionné: avoir plus d’argent, avoir le ou la partenaire idéal, avoir du pouvoir, bref, être "plus".
Pour ma part, la perte m’a beaucoup plus appris que le gain (que je dois apprendre!), et dernièrement encore où l’expérience du RSA de couple est une expérience sociale hardcore mais intéressante: ce n’est pas désirable de galérer, ça n’épanouit pas, ça fait souffrir le corps et l’esprit. Mais par contre je sais ce que ça fait dans la chair et je ne crois pas que je voudrai critiquer qui que ce soit dans cette condition désormais.
Et pour moi la seule vraie voie c’est le lien, la relation. Construire son autonomie peut être construire un roc, une forteresse pour se protéger des autres. Est-ce vivre?
Pour ma part j’ai fait le deuil des voyages lointains, depuis longtemps, des "trucs de riches"…par contre ce week end, allant acheter une cuisinière un peu loin, une nuit en pleine forêt dans notre vieux camion sous la pluie, puis balade en montagne tranquille le lendemain, portable en panne, vie organique au plus naturel et sans technologie, retour aux biorythmes de base…se rappeler la respiration, son corps qui marche, sa densité, voir combien les peurs sont construites juste par de la pensée, et se laisser nourrir par l’énergie vibrante de la nature….c’est ça la vie…
Et si on galère financièrement, je suis content d’avoir choisi de vivre à côté de la montagne car pour moi c’est zone résiliente, sauvage, non domestiquée.
A 24 ans suite à dépression, et pertes, j’ai commencé la méditation zen…cela m’accompagne.
Je lis beaucoup ici parler de la méditation comme retour à l’instant présent, mais j’ai juste envie de rappeler que ce n’est pas un outil anodin, sinon on le réintègre dans un système de consommation de mieux-être.
La vraie méditation n’est pas forcément confortable, on a même constaté que ça pouvait relancer des sentiments d’anxiété…car ça fait juste remonter qui l’on est vraiment, et si on veut le bien-être sans changer sa structure de vie, et bien les problèmes perdureront…
D’où dans toutes ces traditions, des préceptes, d’attention à ses pensées, son esprit, son lien avec les autres et l’environnement, et aussi le fait de développer de l’altruisme.
Car au bout de soi et de son développement personnel, il y a l’autre…et pour moi c’est la limite entre développement personnel et spirituel: se rappeler que la nature véritable de notre être est inscrite en lien avec un univers entier, et qu’on ne vit pas que pour soi.
Pour ma part, j’ai eu un enfant il y a bientôt 23 ans…il est arrivé sans avoir été "décidé"…et en fait ce "dérangement" m’a poussé à aller plus loin toujours en moi et encore maintenant. MAis quand je vois ce qu’il devient, je crois que ça n’a pas été pour rien, même si c’est lui qui agit de plus en plus sa liberté. Mais j’ai le sentiment d’avoir planté de bonnes graines. Si j’avais pu choisir, je n’aurais jamais rien fait, car la peur du monde, la peur de ne pas être libre, la peur de tout.
Les crises sont là pour nous précipiter là où nous n’oserions aller, et c’est très différent d’un risque cadré comme faire du parachute ou du canyoning: les zones inaccomplies de notre être attendent, en jachère, qu’on les cultive un jour, et parfois il faut que tous les champs autour crament pour qu’on les regarde à nouveau.
On peut passer une vie à s’édifier pour en fait fuir des peurs d’enfant encore actives, une vie à se compenser.
Et un jour il faut s’asseoir et regarder qu’on est en fait faillible, mais que c’est dans notre immense fragilité qu’on est en fait très fort, car là réside notre humanité.
On peut rentrer dans toutes les cathédrales. Mais si on n’utilise pas la cathédrale pour son lien entre ciel et terre et pour contacter le grand boss, elle ne servent à rien, les cathédrales! Et on peut faire la même expérience dans un ermitage de campagne. Bien sûr mon image concerne surtout qui est croyant dans une tradition chrétienne, mais on peut la transposer partout.
Pour mon anniversaire, récemment, j’ai voulu aller à l’abbaye d’En Calcat dans le Tarn, car je savais qu’ils avaient un projet écolo et aussi du dialogue interreligieux avec le zen…j’ai voulu rester aux vêpres parce que j’aime bien l’ambiance (je ne vais jamais à la messe même si je ne suis pas fâché avec Dieu et suis ordonné dans la tradition zen soto et suis des enseignements taoîstes)….j’ai été saisi de tout mon être par la pensée-sentiment, que j’étais dans ce monde pour faire l’expérience de la totalité.
Alors je finirai par une question: votre expérience de la totalité se résume-t-elle à une compilation de performances sportives, culturelles, touristiques, bref une accumulation de biens matériels ou pas?
Ou pouvez-vous trouver en vous la voie pour ressentir que cette totalité de qui vous êtes, existe déjà là, et n’a besoin de rien d’autre que de votre existence pour exister? Ceci peut être un chemin d’une vie entière, et je continue pour ma part de creuser.
Bien cordialement à vous et à toute la communauté.