Il y a quand même des protections importantes pour le citoyen-contribuable face au risque d’expropriation de fait par l’Etat :
1) La Constitution : Depuis 1971, le Conseil constitutionnel considère que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (et d’autres textes fondamentaux) font partie du droit constitutionnel. Article 17 de la Déclaration des droits : "La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité."
Quand bien même les démagogues succèderaient aux irresponsables à la tête de l’Etat, toute loi à visée confiscatoire qu’ils pourraient voter, devrait se conformer à ce principe constitutionnel inviolable (et si ce n’était pas le cas, évidemment toutes les stratégies d’évitement de l’impôt seraient légitimes et morales).
Outre le droit de propriété, une autre protection constitutionnelle contre la fiscalité confiscatoire est l’article 13 de la Déclaration des droits : "Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés."
Donc un impôt confiscatoire qui excèderait les "facultés" d’un contribuable serait inconstitutionnel.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel protège aussi le contribuable (il faut dire qu’avec la créativité fiscale de certains gouvernements, il y avait matière à définir certaines limites) : en particulier le Conseil constitutionnel apprécie l’effet confiscatoire d’une règle fiscale en la replaçant dans son contexte, c’est-à-dire en évaluant la superposition des différents impôts (car un impôt seul peut ne pas être confiscatoire, mais en combinaison avec d’autres…). En revanche, le Conseil constitutionnel ne définit pas précisément de seuil d’imposition à partir duquel un impôt est jugé confiscatoire (donc inconstitutionnel) : il semble que ce seuil puisse être assez haut…
2) La libre circulation des capitaux dans l’UE : l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) interdit les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres. Si l’Etat français décidait de mettre en place une fiscalité confiscatoire (malgré les protections constitutionnelles), il ne pourrait pas empêcher les citoyens-contribuables de mettre leur épargne à l’abri dans un autre pays de l’UE.
L’article 65 du TFUE prévoit des dérogations par les Etats à la libre circulation des capitaux, notamment "pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers", ou pour "des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique". Mais ces dérogations ne doivent pas constituer "une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux".
Dans la pratique, on a vu avec le cas des "mesures administratives" chypriotes en 2013 que des contrôles de capitaux au sein de l’UE étaient possibles. Mais - et c’est une protection importante - cela n’a été possible que parce que les Etats membres de l’UE ont unanimement soutenu ces mesures par l’Etat chypriote.
3) Le FMI : Dans la pratique, un Etat en grande difficulté financière va faire appel au soutien de la communauté internationale, via le FMI (sauf isolement politique complet). Et le FMI ne favorise pas une fiscalité confiscatoire : au contraire, la ligne habituelle du FMI consiste en un effort de rationalisation des dépenses publiques (car c’est là en général que le bât blesse) et une fiscalité favorable au secteur productif (les petites entreprises, notamment). Une fiscalité confiscatoire irait à l’encontre des intérêts des prêteurs internationaux et du FMI, en pénalisant la croissance donc à terme la faculté de l’Etat de rembourser sa dette.
Ces 3 niveaux de protection doivent a priori éviter au contribuable français une expropriation pure et simple en cas de désastre budgétaire. Cela dit, les contribuables grecs et les déposants chypriotes ont sans doute une perspective plus critique que moi… Perso, j’ai (par mon activité professionnelle) plusieurs comptes bancaires à l’étranger, et je n’hésiterais pas à y déplacer mon épargne si je constate que mes droits constitutionnels en France sont menacés - un scénario toutefois improbable, si la raison en matière budgétaire finit par prévaloir.