Igorgonzola a écrit :
vous devriez haïr ces gens qui mènent le pays à la ruine, et particulièrement le bas peuple hors des centres villes
Ce genre de propos illustre parfaitement plusieurs propos récemment tenus par Éric Le Boucher sur le triomphe de la rage et de la colère qui sont désormais objets de fierté, la modération étant conspuée comme relevant de la mollesse ou, plus souvent, de la lâcheté et de l’égoïsme. Voir par exemple l’extrait d’une émission (il y avait un éditorial mieux rédigé, mais je ne le retrouve pas):
https://twitter.com/Ccesoir/status/1651461169775890432
Pour moi qui suis la vie politique depuis une trentaine d’années, cette évolution est consternante, de même que la compréhension, voire la fascination qu’éprouvent de plus en plus de gens pour la violence physique.
Au sujet de l’état de la France, la vision qu’apportent des étrangers (ceux que je connais en tout cas!) amène à nuancer les accusations de nullité portées successivement contre Sarkozy, Hollande, Macron… De deux choses, l’une, en effet:
- on élit systématiquement des incompétents, ce qui n’est vraiment pas de chance quand un simple forum comme celui-ci regroupe des dizaines de personnes sachant parfaitement ce qu’il faut faire;
- il est devenu à peu près impossible d’aboutir à un consensus minimum quand les petites phrases, les polémiques, les opinions les plus clivantes sont constamment mises sur le devant de la scène politique, quand celui qui était jadis un adversaire politique devient un ennemi. À cet égard il est frappant de lire que si le nombre de Français pensent que les hommes politiques agissent contrairement à l’intérêt public varie à la hausse, mais assez peu, celui de ceux qui pensent qu’ils le font délibérément augmente considérablement. Comment faire quand tant de gens pensent littéralement que le pays est dirigé par des sadiques (j’ai connu une ou deux personnes travaillant dans des cabinets ministériels… cyniques, oui, sans doute un peu, sadiques, non)?
Plus profondément comment répondre aux aspirations majoritaires de la population, d’après ce qu’en disent les sondages:
- travailler moins et gagner plus;
- payer moins d’impôts et augmenter les moyens de la fonction publique (je dis: "les moyens", c’est comme cela que la question est posée, je sais qu’on va me dire "dépenser mieux", ce qui se défend, mais est toujours plus compliqué quand on se penche vraiment sur la situation);
- augmenter les coûts de production (baisse des aides aux entreprises, hausse des salaires, baisse du temps de salaire) et bloquer les prix de vente;
- entraver la construction d’immeubles collectifs et baisser le coût du logement;
etc.?
Chacun essaie dans la limite de ses moyens.
Évidemment on peut avoir un programme partant par exemple d’une ligne libérale, comme celui qu’esquisse Igorgonzola, qui est fondé intellectuellement, mais qui ne peut pas dépasser les 2 ou 3% qu’a faits Alain Madelin il y a quelques années… confortable mais peu efficace. Je ne conteste pas la justesse de vos propos mais le fait qu’ils sont condamnés à rester des voeux pieux (je peux comprendre, à 18-20 ans j’étais chevènementiste! autre chapelle politique qui n’aura jamais pu accéder au pouvoir). C’est un peu la même chose pour les propositions de Carignan, si vous voulez bloquer les universités pendant un an et faire démissionner votre ministre de l’enseignement supérieur au bout du compte, effectivement, proposez un test d’écrit éliminatoire à l’entrée, ce sera un excellent moyen d’arriver à vos fins (je suis pourtant d’accord: ce serait une excellente chose).
Enfin vous avez raison, Igorgonzola, de souligner que les positions qu’on défend, même quand on se prétend modéré, peuvent l’être en vertu d’un intérêt personnel. C’est possiblement mon cas, bien que j’essaie de ne pas tomber dans ce travers. De même j’avoue concernant les actions violentes ou du moins limite avoir plus de compréhension spontanée pour certaines causes (les agriculteurs par exemple, qui me semblent jouer leur peau sur telle ou telle mesure inconséquente adoptée par un ministre) que pour d’autres, ce qui n’est pas logique.
Je ne nie pas enfin des décisions mauvaises, voire catastrophiques prises concernant le nucléaire, la réforme du lycée et du baccalauréat, etc.