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S’il est un terme qui revient dans presque chaque contribution, c’est celui de "réforme" ; on comprend en filigrane que beaucoup de contributeurs estiment que notre pays n’a pas connu assez de réformes et qu’il est urgent d’en mettre en oeuvre de nouvelles, si possible des "réformes structurelles" comme les prône l’Institut Montaigne.
Sans remonter jusqu’à Luther et Calvin, les pères de la Réforme au XVIème siècle, il n’est pas inutile de remettre en perspective ce que furent les "réformes" au cours des 50 dernières années.
A l’époque des soixante-huitards barbus et chevelus, la "réforme" ne pouvait aller que dans le sens du progrès social et sociétal : plus de droits pour les citoyens comme pour les salariés, moins de temps de travail, plus de salaires, abandon progressif des règles du carcan judéo-chrétien. Même des gouvernants conservateurs au plan des moeurs comme de l’économie, tels Pompidou ou Giscard, durent concéder ainsi de nombreuses "réformes" car le PCF était puissant et les gens avaient simplement envie de respirer : légalisation de la contraception puis de l’avortement, augmentations automatiques des salaires avec l’inflation, majorité et droit de vote à 18 ans. Il y eût même un parti "réformateur" dirigé par Lecanuet, un éphémère ministre des réformes en la médiocre personne de Jean-Jacques Servan-Schreiber.
Mitterrand élu, une nouvelle vague de "réforme" fût mise en oeuvre : 5ème semaine de congés payés, semaine de 39 heures, lois Auroux sur les droits syndicaux et la représentation des salariés, retraite à 60 ans, abolition de la peine de mort,…..on se prenait à nouveau à espérer que le programme dit des jours heureux élaboré par le Conseil National de la Résistance serait enfin mis en vigueur dans sa totalité.
C’est au cours du second septennat de Mitterrand que la sémantique commença à évoluer : Tonton ayant délibérément tourné le dos au socialisme pour construire une Europe libérale dans une économie mondialisée, les "réformes" effectuèrent un virage à 180° dans leur dimension économique. C’est ainsi que le terme "réforme" se mit à sous-tendre plus de travail pour moins de salaire, un âge de la retraite retardé avec une pension de plus en plus maigrichonne, une plus grande facilité à licencier ; en d’autres termes, toute bonne "réforme" économique devait sous-tendre la suppression des rigidités dont les économistes néo-classiques démontrent non sans sophismes qu’elles sont un frein à l’emploi. La seule "réforme" un tant soit peu positive pour les salariés fût la réduction du temps de travail à 35 heures, encore qu’elle fût pour une grande partie payée par les salariés eux-mêmes ; cette dernière "bonne réforme" remonte maintenant à 17 ans en arrière.
Au plan sociétal, il y a bien eu encore quelques "réformes" mises en oeuvre dans la mesure où elles ne coûtaient rien au budget de l’Etat. On note ainsi le mariage pour tous, qui réussit quand même à mettre dans les rues des millions de pisse-vinaigre ne supportant pas qu’un droit nouveau soit accordé à des personnes de "mauvaises moeurs".
En d’autres termes, quand on regarde ce que furent les "réformes" au cours de ces 25 dernières années, on peut comprendre qu’une large part du corps électoral ne se sente pas une vocation "réformatrice" et préfère de loin une certaine forme d’immobilisme.