Ray Dalio, traduction Thomz a écrit :
L’économie est telle une machine. Fondamentalement, c’est même une machine relativement simple - et pourtant largement incomprise.
Ma description n’a que peu en commun avec celle que font de nombreux économistes. Ce sera donc a vous de décider si ce que j’écris a un sens ou non. Je commencerai par les bases avant de techniciser mon explication.
LES FONDAMENTAUX
Une économie est simplement une somme de transactions.
Une transaction requiert un acheteur qui dépense de l’argent (du cash ou du crédit) et un vendeur qui offre un bien ou un service. Un marché regroupe tous les acheteurs et vendeurs d’un même bien ou service. Une économie regroupe toutes les transactions effectuées sur tous les marchés.
Donc, bien qu’habituellement complexifiée et technicisée a outrance, l’économie n’est guère qu’un zillion de choses simples additionnées.
Pour chaque marché et chaque économie, si vous connaissez le montant total d’argent (cash et crédit) dépensé et le montant total de biens ou services vendus, alors vous savez tout ce qu’il y a savoir.
Ainsi, pour prédire l’évolution d’un prix, il suffit de savoir - ou de prévoir - quel sera le montant total d’argent a disposition des acheteurs et la quantité totale des biens ou services a disposition des vendeurs.
C’est aussi simple que cela.

Partant de ce postulat, tout changement de l’activité économique est du soit a un changement dans le montant d’argent disponible sur un marché en particulier, soit a un changement dans la quantité de biens ou services vendus sur ce meme marché.
Les changements du coté des acheteurs (argent disponible) ont habituellement des conséquences plus significatives que les changements du coté des vendeurs (biens ou services disponibles).
Pour simplifier la suite de notre démonstration, nous diviserons les acheteurs entre le secteur privé (ménages et entreprises) et le secteur public (gouvernements et banques centrales).
LE SYSTEME CAPITALISTE
[S’ensuit une description synthétique de la société capitaliste et libérale ainsi que de ses conditions d’existence]
Dans la société capitaliste, une contraction du capital (argent disponible) entraîne logiquement une contraction de l’économie.
Ces contractions peuvent survenir pour deux raisons, connues sous les noms de récession et de deleveraging.
Les récessions sont habituellement bien comprises car fréquentes et "palpables", alors que les deleveragings, plus rares, sont généralement incompris. Les deux sont très différents.
Une récession est due a une contraction du capital dans le secteur privé, qui survient généralement lorsque les politiques de la banque centrale sont trop strictes (souvent pour combattre l’inflation). La récession se termine le jour même ou ces politiques se détendent ("easing").
Un deleveraging, en revanche, est une contraction de l’économie due a une contraction du capital réel (credit and equity) qui survient lorsqu’il manque des fournisseurs en capital (quand personne n’a d’argent ou quand personne n’a confiance, ou souvent les deux) et lorsqu’il il y a un manque de "receveurs" de capital (quand personne ne peut générer une croissance suffisamment satisfaisante).
Durant un deleveraging, les dettes des créditeurs ("receveurs") deviennent intenables, car trop élevées par rapport aux revenus tirés de leur capital - et les politiques monétaires ne parviennent plus ni a réduire le coût de la dette ni a relancer le crédit. [note de thomz: comme aujourd’hui!]
[S’ensuit une description assez technique des taux d’intérêts, de leur impact sur la masse monétaire et sur la formation et l’accumulation de capital].
Les deleveraging cessent généralement avec 1/ une restructuration de la dette, 2/une augmentation de la masse monétaire qui permet aux créditeurs de payer leur créanciers, 3/ une redistribution significative des richesses, 4/ un secteur privé qui réduit ses dépenses au strict minimum de survie, 5/une augmentation marquée du risque (retour de la confiance) qui rétablit l’économie du capital (prêt et emprunt) sous sa forme originelle et 6/des taux d’intérêt nominaux gardés sous le taux nominal de croissance.
Tant que ces six conditions ne sont pas réunies, le deleveraging continue.
Une récession peut etre rectifiée par une banque centrale qui en allégeant les taux d’intérêts peut a nouveau rendre attractive la formation de capital, alors que les deleveratings requièrent eux des transformations plus structurelles.
C’est pourquoi les récessions sont souvent courtes (quelques mois) alros que les deleveragings durent plus longtemps (habituellement dix ans ou plus).
C’est le degré d’implication des gouvernements qui permet a l’observateur de savoir si il affronte une récession ou un deleveraging.
Durant un deleveraging, les banques centrales "impriment" de colossales masses d’argent qu’elles utilisent pour acheter les produits financiers qui compenseront le declin du crédit dans le secteur privé - alors que ces actions sont inexistantes durant une récession.
LES TROIS GRANDES FORCES
Je crois que les trois grandes forces qui dirigent l’économie sont 1/ la productivité, 2/ les cycles de la dette long-terme et 3/ les business cycles [note the thomz: désolé, pas trouve mieux comme traduction!]
[S’ensuit une brève illustration de ces forces a l’oeuvre dans la société capitaliste]
La productivité est en augmentation continue car "indexée" a notre niveau scientifique, qui lui-même ne peut aller qu’en augmentant, le socle de connaissances original s’élargissant toujours plus.
Ceci me permet d’ailleurs d’être relativement confiant quant au "retour sur piste" de l’économie un jour prochain - souvent plus prochain qu’on ne le pense.

Les variations autour de la moyenne sont principalement dues aux contractions et expansions du crédit selon les cycles longs (50 a 75 ans) et courts (5 a 8 ans). [note de thomz: ici, net parallèle 1929/2008].
Je remarque que habituellement lorsque l’on parle de cycles soudainement les sourcils se froncent. Permettez-moi donc de préciser ma pensée.
[note de thomz: le passage ci-dessous est un MUST-READ!]
Un cycle n’est rien d’autre qu’une séquence logique d’évènements qui se répète selon un schéma établi par "les règles du jeu". Il ne s’agit donc pas d’ésotérisme ni de fantaisie, mais de logique.
Si vous comprenez le jeu du Monopoly, alors vous comprenez tout de l’économie capitaliste et de ses cycles.
Au Monopoly, tout le monde démarre en cash puis se met a acheter des hôtels. Ce sont ceux qui ont le plus d’hôtels qui gagnent le plus d’argent. C’est pourquoi tous les joueurs veulent construire le plus d’hôtels possible.
Donc, plus le jeu progresse plus il y a d’hôtels, et moins il y a de cash; jusqu’au point d’accumulation maximale, ou les joueurs se retrouvent avec pléthore d’hôtels mais pénurie de cash.
C’est a ce moment précis que l’on touche le pic du cycle.
Quand vient le moment de payer les frais (cases adverses, factures, crédits, etc.) les joueurs sont dépourvus du cash nécessaire. Pris a la gorge, ils se retrouvent contraints de vendre leurs hôtels a des prix discount.
Donc, si au début du jeu la propriété est reine, a la fin c’est le cash qui est roi. Ceux qui gagnent au Monopoly sont tout simplement ceux qui ont le bon mix au bon moment.
Maintenant, et pour pousser encore plus loin l’analogie, imaginez comment fonctionnerait le jeu si la banque pouvait faire des prêts et recevoir des dépôts.
Les joueurs emprunteraient pour construire plus d’hôtels et placeraient leur surplus de cash a la banque pour gagner un intérêt.
La banque aurait donc en sa possession encore plus de cash a prêter, ce dont elle ne se priverait pas - puisqu’elle y gagne! La machine tournerait a pleine vapeur.
Mais alors, voici ce qui arriverait: plus d’argent serait emprunté des le départ par des joueurs avides afin d’accumuler rapidement du capital (hôtels et épargne); le montant d’argent du (la dette) augmenterait alors plus vite que le montant d’argent existant. Ainsi se formerait une bulle. Nous aurions le meme cycle que celui énoncé plus haut, mais en encore plus dramatique.
Pour survivre les joueurs en viendraient a s’endetter toujours plus, et ce n’est alors qu’une question de temps avant la banqueroute finale.
Ruinés, les joueurs quitteraient le plateau de jeu… avant de remettre les compteurs a zero et de commencer une nouvelle partie.
Si le Monopoly fonctionnait ainsi, vous auriez une parfaite représentation de notre économie telle qu’elle fonctionne aujourd’hui dans nos sociétés capitalistes.