L’activité de production qui était celle où se faisaient les marges des utilities électricité souffre beaucoup en Europe actuellement :
- Les cycles combinés gaz (les derniers investissements qui ont été mis en service massivement jusqu’à 2008-2009) tournent 1500 à 2000 h/an contre 5000 h prévu. Raison : différence entre le prix de marché de l’électricité et celui du gaz en Europe à ses plus bas historiques. Ces nouveaux investissements ont ainsi une contribution négative au résultat opérationnel des utilities.
- Le nucléaire reste rentable en coût marginal mais il y a de grosses craintes sur la pérennité des anciennes centrales (cygne noir de Fukushima) + sur l’éventuel rajout (important) de provisions pour démentèlement à passer suite aux 1ers retour d’expérience.
- Les steppes hydrauliques souffrent aussi car le delta sur le prix de l’électricité entre la pointe (jour) et l’off-pointe (nuit) est aussi à des mini historiques à cause de l’impact des nouvelles installations d’énergies renouvelables (solaire) qui fonctionnent toutes en même temps et plombent alors les prix de pointe.
- Donc seules les centrales charbon ont la même rentabilité qu’il y a 2 ans car le delta Prix élec - Prix charbon en Europe s’est maintenu. Le prix de marché de l’électricité a baissé en europe (baisse des consommations [industrielles notamment] -> meilleure équilibre offre-demande etc…) mais celui du charbon aussi, en raison de quantités excédentaires de charbon mises à l’export par les Etats-Unis depuis l’exploitation de leurs shales gaz
- Enfin , les producteurs avaient créé des EBE "artificiels" avec des quotas de CO2 qui leur avaient été attribués gratuitement. Depuis, non seulement le prix de ces quotas a été divisé 2 (donc potentiel de valorisation moindre), mais la réglementation a changé et les producteurs d’électricité, en tant qu’industrie la moins délocalisable, ont cette fois par effet boomerang hérité du pactole à l’envers et se retrouve être l’industrie la plus pénalisée en ce domaine à partir du 01/01/2013, date où ils devront alors acheter 100% de leurs besoins en quotas de CO2.
Donc les marges de production qui faisaient le résultat des utilities électricité jusqu’à 2008-2009 (comme par analogie, c’est l’activité d’exploration-production qui fait la marge des pétroliers plutot que le raffinage-distribution etc…) ont été sacrément rognées. Or, cette marge de production est la seule vraie variable. Et le mix énergétique du parc de production de Verbund est exposé à pas mal des problèmes que j’ai cités plus haut…
En effet, les marges des activités de transport-distribution (acheminement des électrons dans les "fils" des réseaux) sont quant à elles réglementés avec une commission de régulation qui acceptent les tarifs sur la base d’un TRI "maxi acceptable" à prouver par les gestionnaires de réseau.
Enfin, les marges de la fourniture (vente des "électrons" aux clients finaux) sont très basses (mais ça c’est le cas depuis qqs années déjà)
Les espoirs de retour à une meilleure rentabilité des actifs de production d’électricité reposent sur :
1. Pour les cycles combinés gaz, un alignement vers le bas des prix de gaz Européens grâce à l’export possible des gaz de schiste Américains à partir de 2015 (1ers terminaux de liquéfaction achevés, et jeu de balancier alors possible entre prix européens et américains)
2. Une remontée des prix de l’électricité sur les marchés boursiers européens (qui sont très volatils) grâce à des épisodes d’extreme tension (délestage, black out…) en période de forte contrainte climatique hivernale, qui redonnerait une impulsion haussière aux prix de l’électricité ("marge de sécurité" du système qui s’affaiblit)…ou même plus simplement une reprise économique changeant l’équilibre offre-demande par hausse des consommations
En effet, si en France les tarifs de ventes aux particuliers et entreprises sont peu dépendants des prix de marché (tarifs réglementés historiquement bas en raison du parc nucléaire etc…), la France est l’exception. En Europe, les offres de ventes aux clients sont majoritairement construites en "cost +" par rapport aux prix de marché de l’électricité.
3. Des changements de réglementation : créations de "mécanismes de capacité" pour rémunérer la puissance installée en parrallèle des marchés de l’énergie (qui rémunèrent eux l’énergie produite) afin d’assurer une sécurité électrique dans un contexte où d’une part ce n’est plus que l’Etat qui décide des investissement comme il y a 20 ans (sorte de Plan à très long terme) mais des entreprises plus ou moins privées, et où d’autre part les énergies renouvelables intermittentes troublent les mécanismes de marché mis en jeu jusque là.
Dernière modification par julien (21/07/2012 12h59)