Cette file est toujours aussi intéressante sur la psychologie qui s’y exprime.
J’y vois cependant quelques biais.
Quelqu’un dit qu’entre vaccin ou pas vaccin c’est aussi binaire qu’avoir une voiture ou marcher à pied. Je mettrai juste en garde contre tout raisonnement réducteur et binaire. Observant le monde médical de l’intérieur depuis 22 ans que je suis infirmier, dans la pratique rien ne fonctionne sans ce qu’on appelle de la nuance.
Entre rien et la voiture, on a aussi le vélo, le scooter, la moto, ou de bonnes chaussures de randos avec une tente de bivouac, ou le gîte si on préfère plus de confort, mais les choses ne sont pas aussi binaires.
Et la nuance ne s’exprime pas lorsque des actions pharmas font des hausses irrationnelles lors de la moindre annonce sur un vaccin. Cela s’appelle de la spéculation, tout comme pronostiquer qu’un vaccin sera efficace, ou pas, ou que le coronavirus fera tant de morts, ou pas.
Les vrais scientifiques que j’écoute me frappent surtout par la réserve de leurs conclusions, c’est à dire qu’ils insistent beaucoup pour dire qu’il y a plein d’inconnues et qu’il faut rester humble face à tout ça.
La seule chose qui me gêne dans tout ça, c’est qu’on réduit la médecine à des choix binaires dans une arborescence de décisions. Vaccin OK, pas vaccin pas OK. Toxico alcoolo mal bouffant je paye pas, les autres OK.
Perso j’ai des toilettes sèches et je paie l’assainissement collectif de ma commune dont je ne bénéficie pas, et ceci sur de nombreuses autres choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord.
Il m’est arrivé et m’arrivera encore de soigner plein de gens qui ont fait n’importe quoi de leur hygiène de vie, et je considère d’une que c’est mon boulot et que je suis payé pour ça, et de deux, qu’ils en paient dans leur vie assez cher le prix pour ne pas juger en plus. Il y a d’autres postes de gaspillage d’argent publics suffisamment présents (et cachés à nos yeux), et qui sont moralement discutables et souvent peu discutés. pour n’avoir pas besoin de renoncer à ce qui est aussi les deux dernières valeurs républicaines apposées aux frontons de nos bâtiments publics, l’égalité et la fraternité.
Ce qui me gêne le plus dans les politiques de santé depuis plusieurs années, c’est qu’elles écrasent l’individu sous le collectif, au nom duquel on peut dire n’importe quoi sans justification. Ou des justifications très émotionnelles et dans des visions court termistes. Cela n’aide en rien une approche raisonnée.
Et on perd depuis des années des outils, moyens, pour des approches de soins individualisées selon la spécificité de chacun, le cadre collectif servant à sous tendre cet objectif qui n’est plus tenu depuis longtemps.
Soigner les gens en : les invitant à rester chez eux et ne venir que quand ça s’aggrave… Ou quand ils viennent, en leur donnant seulement du Doliprane… Et en ne les admettant que quand ça commence à déconner grave, ne peut difficilement qu’aboutir à des dégradations dues à un non suivi en temps réel, comme beaucoup de récits que j’entends confirment de façon assez convergente. Tout ceci est lié à des "doctrines" de fonctionnement imposées par au-dessus, ainsi qu’à des manques de moyens. Ce sont les évolutions que je constate et qui produisent des effets délétères, simplement parce qu’il ne faut pas entraîner trop de dépenses, donc on soigne au minimum,notamment aux urgences, quand ce n’est pas "assez grave" (alors que ça ne veut pas dire que ça ne nécessite pas prise en charge sérieuse).
Quand j’entends sans cesse parler DU vaccin avec un article défini, comme seul horizon de pensée, je n’entends ni parler d’une meilleure organisation de la médecine libérale, des possibilités d’accueil en service de médecine, sans même parler de la réa qui n’arrive pas en première instance, des traitements médicamenteux et de leur hiérarchie d’indication au fur et à mesure de l’évolution des symptômes, et aussi de la différenciation avec les autres pathologies respiratoires possibles, qui, faut-il peut-être ne pas l’oublier, ont encore la possibilité d’exister, et d’être soignées. On a déjà pensé une réponse qui permet de ne pas trop causer du système de fond qui est complètement à remettre à flot et qui va mal. Et cette rhétorique me questionne vraiment. J’ai juste le sentiment qu’il ne faut rien changer et continuer comme avant. Sauf que…