Un article intéressant en italien : Contagi da Coronavirus, quante persone può contagiare un infetto - Corriere.it
La traduction google est suffisamment compréhensible.
Si j’essaie de résumer le sujet :
- il y a deux paramètres importants dans la propagation d’une épidémie : le R0, c’est à dire le nombre de personnes qu’un malade infecte autour de soi, et la durée d’incubation.
- modèle SIR : 3 groupes : Susceptibles (susceptibles d’être infectés), I comme Infectés, R comme Recovered, en bon français ça serait non pas Récupéré mais Guéri (avec immunité acquise).
Le problème, quand un agent pathogène est nouveau, c’est que les gens n’ont pas d’immunité contre lui, donc presque tout le monde fait partie du groupe S.
On ne peut empêcher une épidémie qu’en ayant un R0 < 1 : quand on atteint cela, un malade infecte moins d’une autre personne, donc le nombre de cas décroît.
La maladie Covid-19 semble avoir "naturellement" un R0=2,5.
A partir de là, il y a trois façons d’atteindre un R<1 :
- mesures drastiques évitant la contagion ;
- vacciner ;
- attendre que suffisamment de gens soient tombés malades, aient développé une immunité, et aient donc quitté le groupe S pour le groupe R. Le feu s’éteint alors par manque de combustible !
La première méthode nécessite… des mesures drastiques. Si les chiffres chinois ne sont pas trop bidonnés, ça semble bien fonctionner : vu la baisse du nombre de nouveaux cas, ça veut dire qu’ils ont réussie à obtenir un R0<1.
La deuxième méthode nécessite un vaccin, que l’on n’a pas encore. Ca permet de faire passer les gens à la case "immunisés" sans qu’ils aient dû tomber malades.
La troisième méthode nécessite de laisser les gens tomber malades, pour qu’ils deviennent immunisés, et alors le R sera inférieur à 1 à cause du manque de gens disponibles pour tomber malades. Or, avec 55 % des testés positifs qui ont dû être hospitalisés, en Italie, (45 % hospitalisation normale et quasi 10 % en soins intensifs), on voit bien le problème : les hôpitaux vont être rapidement débordés. En plus, avec 2 à 4 % de mortalité, il est n’est pas très moral de laisser les gens tomber malades car ça fait d’autant plus de morts…
Voilà donc pourquoi les autorités prennent des mesures drastiques : si possible, enrayer l’épidémie (R<1) ; sinon, au moins, étaler dans le temps le nombre de malades pour éviter de trop surcharger les hôpitaux.
Sur les mesures drastiques, il y a deux inconvénients :
1) elles sont drastiques. La Chine est un pays organisé et "aux ordres". Combien d’autres pays dans le monde son capables de mettre cela en oeuvre ? Combien de pays sont vraiment capables d’atteindre un R0<1 par la mise en place de telles mesures ?
2) Le groupe S reste disponible pour être réinfecté. A l’heure actuelle, 80000 personnes ont été infectées en Chine (selon les chiffres officiels), il reste donc un réservoir de "S" de 1,38 milliards de gens moins 80000. Autrement dit, presque autant qu’il y a 2 mois. Autrement dit, en termes de prévention de la récidive, rien n’est fait. Il suffit d’un cas "en liberté" (soit l’un des cas restants en Chine, soit un cas réimporté) et tout repart avec un R0=2,5 à partir de ce cas. Il faudra alors instaurer à nouveau autour de ce nouveau foyer des mesures drastiques pour faire tomber le R0 en dessous de 1, afin de circonscrire l’épidémie. Faire cela était encore du domaine du possible quand l’infection était très peu répandue en dehors de la Chine. Maintenant, avec l’extension actuelle, il est illusoire d’espérer qu’il n’y aura pas de retour d’infection de l’étranger, donc les mesures drastiques ne pourront plus vaincre la maladie, seulement la ralentir.
En résumé, le mot d’ordre est désormais : endurer la pandémie qui est inéluctable ; mais tout de même en limiter la diffusion (par des mesures d’hygiène et des mesures drastiques de quarantaine) pour 1) limiter le nombre de morts 2) éviter de surcharger les hôpitaux.
Tout cela en attendant le vaccin, qui est désormais la seule façon d’atteindre un R0<1 sans nécessiter que beaucoup de gens tombent malades pour qu’ils soient ensuite immunisés.
Au total, cela permet de répondre à des questions fréquentes :
- "ce n’est pas pareil qu’un rhume ou une grippe ?" Non, car les gens sont déjà immunisés contre les rhumes et les grippes qui circulent déjà. Non, car rhume et grippe n’envoient pas environ la moitié de leurs cas à l’hôpital, donc ne risquent pas de provoquer une crise sanitaire sans précédent par surcharge des hôpitaux. Et enfin : non, car rhumes et grippes ne causent pas 2 à 4 % de mortalité.
- "c’est la panique qui est le plus à craindre". Ben non, d’une part la peur ne tue pas alors que le virus si ; d’autre part, la peur est la seule façon de faire accepter aux gens les mesures d’hygiène et de quarantaine qui sont à leur tour la seule façon d’éviter que tout le monde tombe malade en même temps, etc.
- "on a bien réussi à endiguer d’autres épidémies" comme le SRAS et l’Ebola. Certes, mais cela s’explique, notamment par des mesures drastiques, par un R0 plus faible ou par un temps d’incubation plus court, ou par l’ensemble de ces facteurs. Concernant l’endroit où le virus émerge, la densité de population doit aussi jouer un rôle, ainsi que sa propension à voyager et à accueillir des voyageurs. On pourrait tout aussi bien citer d’autres épidémies qui n’ont pas été endiguées et ne se sont arrêtées que parce que suffisamment de personnes avaient été malades pour que l’immunité acquise soit largement présente dans la population. De toute façon, il ne sert plus à rien de parler de cela : il suffit de regarder l’évolution de la carte du Johns Hopkins pour voir que la possibilité d’un endiguement évitant la pandémie, c’est du passé. Maintenant on peut seulement parler de la limiter et d’en atténuer les conséquences néfastes.
-"y’a qu’à laisser passer la maladie, on tombera malade et on sera immunisé". Ce n’est pas une bonne solution car, d’une part tous ces gens malades en même temps vont surcharger les hôpitaux (bis repetita), d’autre part il faut au moins freiner le nombre de cas pour limiter le nombre de morts en attendant le vaccin. Je vais prendre des chiffres sortis du chapeau : si les mesures drastiques permettent que seulement 1 % de la population mondiale tombe malade d’ici que le vaccin soit disponible et que le taux de mortalité est bien de 2 %, il y aura environ 2 % x 1 % x 7 milliards = 1,4 million de morts. Si on laisse la maladie se répandre librement, possiblement jusqu’à 10 ou 20 ou 50 % de la population mondiale… je vous laisse calculer. D’où la nécessiter de limiter la propagation, en attendant le vaccin.
Autre argument en faveur d’éviter la libre circulation de la maladie : si une grande partie de la population tombe malade en même temps, il y a quand même un gros risque de désorganisation totale de la société et des services publiques. Les techniciens en charge de la centrale nucléaire d’à côté, moi je préfère qu’ils ne soient pas tous malades en même temps. Pas vous ?
- "la mortalité est sans doute bien plus faible que 2 %, car le nombre de cas asymptomatiques et non détecté est sans doute très élevé". Possible. Mais les Italiens ont testé très largement (43000 tests réalisés) et seulement 14 % des tests étaient positifs : il semblerait qu’on ait là un pays où les tests aient été réalisés très largement… au point qu’on leur a reproché de surestimer le nombre de cas. Et pourtant, ils ont 4 % de mortalité. Faudrait savoir… Si, même en testant largement, même en surestimant le nombre de cas (disent certains), on tombe sur 4% de mortalité, c’est le vrai chiffre de la mortalité n’est certainement pas du côté de 0,1 % comme la grippe. Il y a des variations dans les chiffres de mortalité publiés (disons entre 1,6 et 4 % selon les sources), mais ça reste globalement cohérent pour dire que le chiffre est de l’ordre de 2 %, et en tout cas bien supérieur à celui de la grippe saisonnière.
Il est fort possible que tout ne soit pas parfaitement rigoureux dans tout ce que j’ai écrit, mais j’espère humblement avoir contribué à une meilleure compréhension du sujet.
Dernière modification par Bernard2K (08/03/2020 10h44)