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1 #1 16/02/2023 12h39
- Nicofil
- Membre (2016)
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Afin de faire gagner du temps à ceux qui envisagent de transmettre une société civile à leurs enfants, je rassemble dans ce post (qui pourra être mis à jour suite aux réponses reçues) une synthèse concernant les principales options et optimisations identifiées. N’hésitez pas à compléter/commenter cette analyse.
1. CONTEXTE
Suite à la création l’année dernière de 2 SC IS au contenu identique, j’ai étudié les modalités de transmission de ces SC à mes 2 enfants mineurs (une SC pour chacun des enfants). En pratique, ma femme et moi sommes actuellement les 2 seuls associés et des crédits ont été souscrits pour loger dans chaque SC des parts de SCPI en pleine propriété ainsi que de l’usufruit de parts de SCPI selon le schéma déjà bien connu du forum. Les résultats sont mis en réserve chaque année jusqu’au remboursement des crédits.
L’objectif est de transmettre l’ensemble des parts ordinaires de ces SC, en conservant les quelques parts de préférence octroyant la majorité des droits de vote à ma femme et moi (majorité suffisante pour qu’elle demeure en cas de décès de l’un des parents). Afin d’optimiser l’opération, et notamment les frais engendrés par l’opération ainsi que la consommation des abattements, les parts seront cédées rapidement – c’est à dire tant que le capital à rembourser à la banque reste proche de son maximum. Cela permettra également de contenir le risque que ce capital à rembourser soit soudainement réduit à néant (et donc la valeur de la transmission bien plus importante) du fait de l’assurance crédit en cas d’accident de la vie me concernant.
2. MÉCANISME DE DONATION
a) Dans le contexte décrit ci-dessus, il convient d’écarter la transmission via don manuel, qui aurait l’avantage de ne pas avoir à passer par un notaire mais génèrerait un risque de contestation de l’acte, en plus d’une donation qui serait revalorisée au moment du décès du donataire (ce qui annihilerait intérêt de l’opération car la SC se sera d’ici là fortement valorisée puisque le crédit aura été remboursé).
b) De même, une donation partage en pleine propriété est également écartée afin de conserver la possibilité de bénéficier de l’ensemble des dividendes (les statuts des SC prévoyant classiquement une distribution des dividendes proportionnellement à la participation au capital).
c) La piste la plus souvent évoquée consiste en une donation partage de la nue-propriété des parts ordinaires (conservant la pleine propriété des parts de préférence). Dans ce cas de figure, deux pistes d’optimisation sont à envisager :
- Effectuer les donations en nommant les parents tiers administrateur des enfants, conformément à l’article 384 Code civil, afin d’écarter la règle de l’administration légale et donc le Juge aux Affaires Familiales dans la gestion future de la SC.
- Prévoir un droit de retour conventionnel en cas décès de l’enfant avant le donataire.
En théorie, une telle donation ne requiert pas l’accord du juge des tutelles mais je comprends que certains notaires sont frileux (mais pas tous – cf. par exemple par exemple celui-ci). Si vous êtes notaire en région parisienne ou connaissez un notaire à l’aise avec ce type de donations, n’hésitez pas à faire signe !
d) Enfin, une dernière alternative très rarement évoquée pourrait s’avérer intéressante : la donation à terme des parts ordinaires, ceci en NP si l’on souhaite optimiser les frais et abattements. Il s’agit pour rappel d’une donation immédiate dont la délivrance est simplement reportée au terme déterminé dans l’acte (qui peut correspondre au décès du donataire ou à tout autre événement, par exemple l’anniversaire des 30 ans des enfants). Les avantages d’une telle donation sont :
- De laisser aux parents la pleine propriété de la SC jusqu’au terme (tout du moins en apparence vis à vis des tiers car en réalité cette propriété est grevée d’une créance au bénéfice des enfants), ce qui signifie que si les statuts étaient déjà adaptés aux objectifs de transmission il ne sera pas nécessaire de les mettre à jour et que les procédures administratives associées (annonce légale, greffe, RBE) ne seront pas non plus nécessaires.
- D’éviter par conséquent certaines complications associées à la donation d’une SC endettée (par exemple réticences du notaire en cas d’enfant mineur et/ou de la banque en fonction des conditions contractuelles).
- [selon un arrêt du TGI de Mulhouse stipulant que "le fait générateur de l’ISF est le jour de la manifestation de l’intention libérale"] Si la donation à terme se fait en pleine propriété, de faire sortir de l’IFI des parents la valeur des parts détenues par la SC une fois que les enfants seront sortis du foyer fiscal des parents (au détriment de l’IFI des enfants s’ils devaient y être soumis un jour).
Inconvénients à une donation à terme :
- Les enfants n’étant pas associés, les CCA ne pourront pas leur être transmis aussi facilement qu’avec une donation partage : transmission impossible si ces comptes sont rémunérés (afin de ne pas porter atteinte au monopole bancaire) et contrôle du remboursement des CCA (par convention de blocage ou via les statuts) qui pourrait potentiellement être réfuté par un juge saisi par les enfants.
- Plus complexe qu’une donation partage, les frais de notaire pourraient être supérieurs.
- Les parts de la société ne pouvant être démembrées avant le terme, en cas de versement de dividendes aux parents par prélèvement sur les réserves, ceux-ci ne seront pas considérés comme un quasi-usufruit et ne généreront pas de dette envers les enfants (qui aurait sinon été déductible de l’actif successoral).
3. LE CAS DES COMPTES COURANTS D’ASSOCIÉ (CCA)
4 pistes sont envisageables :
a) Ne rien faire et donc conserver les CCA au bénéfices des parents (ils seront à intégrer dans la succession en cas de décès des parents avant leur remboursement).
b) Préalablement à la donation des parts sociales, intégrer les CCA au capital de la SC et ainsi générer de nouvelles parts à transmettre aux enfants.
c) Effectuer une donation (partage ou à terme) des CCA (en NP ou PP), de façon concomitante à la donation des parts sociales.
d) Effectuer une donation manuelle des CCA, avec pacte-adjoint rédigé postérieurement à la date de donation.
Du fait de la plus grande complexité administrative et des frais induits par les options b et c, l’option d semble généralement préférable. Cette dernière option permet notamment :
- D’utiliser les abattements de transmission le plus en amont possible, tout en limitant l’impact sur le patrimoine réellement disponible des parents.
- [si la donation est en pleine propriété] D’organiser le remboursement des CCA aux enfants selon leurs besoins et sur décision du gérant. Le remboursement des CCA étant par défaut exigible à n’importe quel moment, pour en limiter la liquidité il conviendra que les CCA transmis soivent au préalable soumis à une convention de blocage précisant que toute demande de remboursement devra être communiquée au gérant, qui décidera unilatéralement du remboursement immédiat ou non (à moins que les statuts ne prévoient déjà cela pour l’ensemble des CCA).
- D’éliminer les frais de notaire.
4. FRAIS LIÉS À LA DONATION DES PARTS SOCIALES
5 types de frais ont été identifiés :
a) Les droits d’enregistrement applicable à la cession de parts sociales de SC à prépondérance immobilières (ce qui est le cas si elle détient en majorité des immeubles ou parts de SCPI) sont de 5% du montant de la donation, les dettes de la société (crédits et CCA notamment) venant en déduction de la valorisation. Un minimum de 25 euros est dû dans le cas où son calcul serait inférieur à cette somme (par exemple dans les cas similaires à celui exposé en contexte).
b) Lors du passage devant le notaire, le donateur doit payer des émoluments au notaire dont le montant diffère selon les notaires et est généralement soumis à un minimum (compter environ 2% de la valeur en PP avec un minimum de 500€ - potentiellement plus coûteux pour une donation à terme).
c) L’impôt à régler au Trésor Public varie selon le montant de la donation, auquel il peut être appliqué une décote de la valeur des parts généralement comprise entre 10 et 15% puis auquel il convient de déduire l’abattement habituel (100k€ par enfant si pas déjà utilisé). Dans une cession à titre gratuit entre parents et enfants, le taux d’imposition est évolutif :
Montant des parts cédés après abattement Taux d’imposition
Moins de 8.072 euros 5%
Entre 8.072 et 12.109 euros 10%
Entre 12.109 et 15.932 euros 15%
Entre 15.932 et 552.324 euros 20%
Entre 552.234 et 902.838 euros 30%
Entre 902.838 et 1.805.677 euros 40%
Plus de 1.805.677 45%
d) Les plus-values constatées au moment de la cession (aucune dans le contexte évoqué ci-dessus) sont également imposées, soit au taux forfaitaire de 30%, soit à l’IR.
e) Une fois la donation effective (ce qui ne sera pas le cas immédiatement pour une donation à terme), il conviendra d’effectuer les démarches administratives obligatoires. Les frais à prévoir sont d’environ 100€ pour la publication de l’annonce légale, environ 50€ pour la mise à jour de la déclaration des bénéficiaires effectifs, ainsi qu’environ 15€ de dépôt d’actes au greffe.
5. FRAIS LIÉS À LA DONATION DU CCA
La donation de CCA s’apparente à une donation de créance, qui implique 3 types de frais :
a) Un droit fixe de 125€ (CGI art. 680), qui n’est pas dû si la cession est concomitante et indissociable de la cession des parts sociales.
b) Des frais de notaire, nuls en cas de donation manuelle et pour un montant dont les modalités de calcul sont inconnues à ce jour pour d’autres types de donation.
c) Une imposition selon les mêmes modalités que pour les parts sociales (cf. 4c).
[Edit 17/02/2023]: Précision à la fin du 2.d) concernant le versement de dividendes en quasi-usufruit.
[Edit 20/02/2023]: Ajout de l’option de don manuel du CCA en 3.d) et 5.b). Clarifications des effets de la donation à terme en 2.d).
[Edit 01/03/2023]: Clarification de l’intérêt d’une convention de blocage des CCA et précision de l’impact d’une donation à terme des parts sociales sur la donation de CCA (à la fin du 3).
[Edit 02/03/2023]: Regroupement de la précision précédente concernant la donation de CCA avec une clarification supplémentaire à la fin du 2.d).
Dernière modification par Nicofil (02/03/2023 02h34)
Mots-clés : donation à terme, donation, parts sociales, sci
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