piwai a écrit :
Pour faire court, chaque année en France, nous faisons le choix collectif de restreindre l’accès à des options thérapeutiques pour des motifs économiques. En effet, parce que certains traitement ont été jugés "économiquement inefficients", ils sont en France restreints à des populations plus faibles que celles pour lesquels ils ont prouvé une valeur thérapeutique, voire ne sont pas disponibles.
Le traitement du Covid-19 lui aussi a un coût. Celui de la prise en charge des patients Covid-19 bien sûr, ce qui inclut une mobilisation sans précédent du système de santé et une débauche de moyens (on pourra penser au transferts en TGV médicalisés). Celui aussi d’un traitement dégradé de l’ensemble des autres pathologies. Et celui bien sûr du confinement. Alors oui, il s’agit plus d’un coût d’opportunité. Mais la richesse que nous avons décidé de ne pas produire est d’environ 150 milliards d’euros par mois.
Combien de vies a t’on sauvées avec le traitement de choc contre le Covid-19 ? Je n’ai pas trouvé de sources. En revanche, nous nous pouvons évaluer le nombre de vies sauvées par mois pour que ce "traitement" soit considéré économiquement efficient. Il suffit de faire une division :
En fait, comment compter l’incomptable?
Ca fait des années que je dis que la santé est un investissement structurellement à perte, qui, s’il n’est pas fait, induit un coût infiniment pire que celui qui serait si on le faisait, en acceptant un système qui n’est pas fait pour gagner ni économiser quoi que ce soit, mais investir sur la vie.
Perso, je ne mesure pas l’énergie que je dois mettre sur mon inspiration et mon expiration, mon énergie va juste dans ce geste qui me fait juste vivre.
Bien sûr, ce que je dis n’a pas la construction argumentaire de tout ce que je lis.
Mais ce que je vois, comme dit dans l’extrait que je cite, et aussi ce qu’a dit exilefiscal, c’est l’impact non mesuré ni pris en compte de toutes les pathologies "autres" qui sont complétement laissées à la ramasse.
Et moi aussi je m’interroge sur les conséquences psys, et sur bien d’autres plans, qui vont avoir un coût monstrueux, sauf à penser, et j’ose le dire, que perdre des vieux, des malades, des cassos, bref toute cette frange de la société qui coûte plus qu’elle ne produit de richesse, bah au final on s’en foute.
Parce que ce que je vois, c’est qu’en France, on ne sait rien faire d’autre que dans le tout ou rien.
Et là on ne jure que par le covid19, et quid des cardiaques, malades rhumatos, suivis cancer, suivis psys, etc etc? On n’en sait rien. Idem pour ceux qui n’ont pas de kiné depuis plus d’un mois.
Là où je bosse, on a eu un patient soit disant covid+. Je dis soit disant, car en fait on n’a eu aucune preuve, test négatif et foireux, juste sur les symptômes. Or que veulent dire des symptômes respis chez un patient bronchitique obstructif chronique ancien? Je ne sais pas du tout. Et pour moi on pilote sans cesse à vue.
Et bien s’il a été contagieux, à ce moment-là aucune mesure de protection n’était existante, il a pu contaminer tous ceux qui l’ont approché, qui sont confinés depuis presque 15 jours et seront libres demain. Ouf. Mais alors qu’il est revenu d’hosto et qu’en fait il est censé être guéri, on doit s’habiller comme des cosmonautes pour sûrement un effet inutile maintenant. La contagiosité potentielle la pire était avant qu’il parte. Ce que je vois, c’est surtout un bouleversement majeur pour l’équipe, 20 patients qu’on enferme dans leur chambre, un qui nous a fait trois jours sans boire manger ni prendre ses psychotropes.
Bien sûr le principe de précaution est normal.
Sauf que le patient psy a été aux urgences vendredi. Comme il avait de la fièvre, on l’a fait passer en filière covid19. Puis en fait ils ont considéré que ça allait (il faut savoir que dans ce foyer il n’y a aucune présence infirmière le week end, et le médecin est en arrèt maladie depuis des semaines), ils ont décidé de le renvoyer le soir-même. Sauf que du coup comme il est passé dans le service covid plus, on est donc obligé de l’enrermer 14 jours en chambre. Ma collègue a demandé si il n’y avait pas moyen de le mettre en psy, réponse fort courtoise et empreinte d’empathie du médecin en face: "c’est la vie"…genre démerdez vous, quoi.
C’est donc ça en fait la médecine en France: beaucoup de gesticulations et de transfert, les patients étant des patates chaudes à refourguer ailleurs, personne ne voulant se mouiller, et ceux le voulant ne le pouvant pas faute de moyens.
Bien sûr ces déplacements de patients ont un impact, comme par exemple là où travaille ma compagne: en vidant l’hopital du chef lieu de notre département dans son petit établissement à 25 kilomètres dans la campagne, pour créer une unité covid19 dédiée, ils ont envoyé des patients de SSR qui en fait étaient infectés et contaminés.
Bien sûr on me dira qu’on ne pouvait le savoir etc etc c’est la faute à pas de chance etc…
Bien sûr.
Sauf que si on avait un minimum d’outils pour gérer sur place dans chaque place, au lieu d’avoir déconstruit tout ça que ce soit en terme de matériel, de compétence etc, on aboutit à des choses où tout le monde et personne ne gère. Donc des gens qu’on transfère sans savoir s’ils sont sains, et ma compagne, si ce n’était elle à demander des réponses, alors qu’elle se balade sur 4 sites de son hôpital différents, donc potentiellement bombe contaminante, n’aurait eu aucune info. Son cadre, qui n’est pas médical, n’a jamais eu de réponse de la direction quand il leur a envoyé un mail.
Ca me fait penser à ce maire d’une commune de l’Est, qui disait que lui non plus n’a jamais eu de réponse de l’ARS, quand il voulait des réponses au sujet de la gestion du foyer de personnes âgées de sa commune.
Pour finir, j’ai une collègue russe, et elle me dit avec grand bon sens qu’elle ne comprend pas qu’en France, quand on appelle le 15 pour son enfant qui est tombé, on vienne juste pour prendre les constantes puis appeler l’hopital. Elle dit que ça elle est capable de le faire, par contre que ce serait tellement mieux s’ils avaient les moyens de faire des points de suture sur place. Ce qui se faisait encore du temps préhistorique des médecins maintenant retraités dans leurs cabinets.
Mais bon, elle est sage femme diplômée russe, spécialisée en kiné massage enfants, mais comme elle me dit: "en Russie j’assistais les médecins en réa, ici au mieux on me laisse tenir le broc quand on fait un lavement"….Je caricature à outrance, mais la gestion de la compétence, et de la médecine en France, c’est un peu beaucoup ça: créer des systèmes protocoles et procédures, bien cloisonner les champ de compétence de chacun plus pour des raisons dogmatiques, égotiques et de préservation de pouvoir personnel, et surtout bien tenir en laisse les personnes qui montreraient d’autres voies qui bouleverseraient l’ordre établi et les hiérarchies en place.
Mais l’important est que les cases soient cochées dans le logiciel pour dire que tout a été bien géré. Même si en fait dans la réalité réelle des choses concrètes, en fait, bah des fois, non!
Dire que quand j’ai été en Suisse un étage de l’hôpital où j’étais sur 3 était vide et dédié uniquement à l’éventualité d’un conflit militaire, c’est peut-être ça, prévoir, et non pas des tonnes de rapports et de suppositions sur des modèles mathématiques complexes, qui en cas de crises, nous servent donc à quoi de concret, visible, et réalisable?
Mais je conçois que je pose des questions et émet des réflexions peut-être un peu trop ras de plancher.
Mais nous les soignants, on est un peu habitués à ce qu’on ne nous demande rien sur ce qui concerne ce qui marcherait sur le terrain.
D’où peut-être le sacré merdier qu’on voit maintenant, peut-être?