J’ai lu l’article reproduisant l’interview de G. Giraud sur France Inter, et voici quelques points qui m’y interpellent :
- "On est en train de découvrir que le fait d’avoir démantelé quasiment complètement notre système sanitaire en France nous coûte des vies aujourd’hui" ne me semble pas pertinent : on n’a jamais autant dépensé dans le système de santé (même si pour certains ce ne sera jamais assez, et pour d’autres c’est mal dépensé car l’organisation n’est pas parfaite -mais aucune ne l’est !- ou parce que untel n’y est pas assez valorisé/payé -mais je ne connais guère d’organisation de grande taille qui ne rencontre pas ce genre de critique-), des ressources ont été redéployées (des choix ont été faits, et on a pu faire des erreurs à ce niveau) pour améliorer certaines situations en visant un bénéfice plus conséquent que les inconvénients associés, mais le système n’a en aucun cas été démantelé (et il semble d’ailleurs pas si mal "tenir le choc", même si c’est au prix de nombreux efforts).
- À l’entendre, il faudrait disposer de réserves énormes, et/ou conserver des capacités de production, de tous ce qui pourrait un jour s’avérer une ressource critique, même si ça signifie des stocks énormes de plein de choses, et des ressources de production très sous optimales. Je veux bien qu’on ait sans doute baissé un peu trop la garde sur certaines ressources et capacités. Mais il faudra de toute manière toujours faire des choix, des arbitrages, et ne conserver des stocks de certaines ressources (et on pourra se tromper, et en oublier certaines qui s’avéreront ensuite "critiques") et idem pour les capacités de production. La réalité n’est pas manichéenne, avec toutes les erreurs possibles qui auraient été faites, et des choix évidents pour ne pas faire d’erreur sur ce qui s’avérera critique dans le futur.
- Il indique qu’on devrait pouvoir produire (ou stocker) des enzymes … mais oublie de dire que l’analyse PCR (qui les utilise, pour faire les tests de présence du virus) est une technique inventée il n’y a pas si longtemps (en 1983 si j’en crois cet article). A-t-on jamais eu en France une capacité importante à ce niveau ? On peut parier sans trop de risques que, pour une prochaine crise, on aura besoin d’une ressource qui n’existe même pas encore à ce jour…
- Il indique qu’il faudra "avoir des gestes d’hygiène élémentaire tout le temps, dès lors que nous serons sortis du confinement. Il faudra porter des masques pendant plusieurs mois, …". Je suis assez d’accord sur ceci pour la France. Mais comment ça se passera là où la pauvreté règne (et où l’hygiène est bien pire qu’en France) et où la culture va à l’opposé de la distanciation sociale ? Comme la pandémie est mondiale, cette partie (majoritaire sans doute) de l’humanité fait comment ? Elle subit les dégâts du virus jusqu’à ce que l’imunité grégaire soit atteinte ? (C’est bien ainsi que ce sont passées pas mal d’épidémies déjà, non ?).
- Il indique "On va avoir beaucoup, beaucoup de chômage à la sortie du confinement.". C’est sans doute vrai pour certaines zones géographiques. Mais quand on voit toutes les mesures qui ont été prises en France (et dans pas mal de pays de l’UE, et ailleurs) pour précisément minimiser l’impact de l’arrêt partiel de l’activité sur l’économie à terme, mesures prises rapidement (ça ne fait pas 3 semaines de confinement, et beaucoup de ces mesures sont déjà effectives… même si certains grincheux vont critiquer quelques ordres/contre-ordres à l’allumage, mais quelle organisation humaine n’en a pas quand elle doit réagir face à un tel tsunami ?), j’ai quand même un doute. On saura dans quelques années si, à ce niveau, on avait appris des crises précédentes, et on pourra comparer l’impact des systèmes en place, et des réactions qui on eu lieu, en France, Europe, et ailleurs. … et apprendre et progresser pour la prochaine fois.
- Il indique "Évidemment, à la sortie du confinement, il faudra relocaliser la totalité de la production, relancer une industrialisation verte en France avec les produits que nous produisons pour nous. On ne peut plus continuer à dépendre de l’offre internationale". Est ce si "évident" ? Il est vrai qu’une réflexion est nécessaire, que pour certains produits la situation évoluera, etc. Mais je doute que "toute" la production soit relocalisée un jour. Et il y a d’autres pistes de réflexion à creuser qu’une relocalisation complète. Par exemple : faut-il tout gérer à flux tendu ? La difficulté vient-elle de la géographie des productions ou de la vitesse (croissante) des échanges et des évolutions ? Est-il raisonnable/utile de vouloir produire certains produits chez nous (par exemple: si les ressources nécessaires à leur production sont de facto loin, ou si on dispose d’une alternative pour leur usage "critique") ? Qu’est ce qui est vraiment "critique", et comment s’assure-t-on d’en disposer le moment venu (en quelle quantité, et sous quel délai) ?