A mon sens, il convient de surtout raison garder, et ne pas tirer de conclusions sur la base de circonstances exceptionnelles.
Le télétravail se pratiquait avant le Covid-19, mais clairement pas de manière généralisée.
S’il s’est très largement imposé, c’est pour plusieurs séries de raisons :
- le confinement a eu pour objet de limiter les relations interpersonnelles, et il était demandé aux salariés de ne pas se rendre sur leurs lieux de travail ;
- pour maintenir une activité économique, les employeurs ont pu imposer le télétravail, dans la mesure où l’article L. 1222-11 du Code du travail dispose qu’ « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés » ;
- ce d’autant plus qu’il s’agissait d’une pratique recommandée par le Ministère du travail, lequel a affirmé, dans le cadre des questions/réponses, que « depuis le 17 mars et jusqu’à nouvel ordre, le télétravail doit être systématiquement privilégié. L’employeur doit donc démontrer que la présence sur le lieu de travail est indispensable au fonctionnement de l’activité ».
Aussi, les employeurs ont été contraints de faire passer leurs salariés en télétravail, ne serait-ce que se conformer aux directives du Ministère du travail, et continuer à exercer une activité économique. C’était quelque chose de subi, mais en aucun cas un choix managérial.
Dans le cadre du déconfinement, et de la reprise économique, le discours du Gouvernement a changé. Nous avons notre ministre de l’Economie qui a affirmé, le 15 juin, que « Le télétravail reste souhaitable dans la mesure où ça permet d’avoir une reprises progressive, de limiter la circulation du virus mais j’ai toujours considéré que ce n’était pas la panacée[…]. Cette approche "indispensable en période de circulation (…) n’est pas la solution définitive globale pour tout le monde du travail en France", a précisé le ministre en assurant que "la reconstruction économique est la priorité absolue nationale des prochains mois" ».
Enfin, le 24 juin, le Ministère du travail a actualisé son protocole de déconfinement (Phase 3), et a affirmé que « le télétravail n’est plus la norme mais il reste une solution à privilégier dans le cadre d’un retour progressif à une activité présentielle, y compris alternée ».
En somme, les entreprises ne font qu’appliquer les préconisations gouvernementales :
- les salariés sont, dans la majorité, passés en télétravail ;
- et petit à petit, le travail en présentiel redevient la norme.
Clairement, le télétravail a été une solution temporaire pour maintenir une activité économique, mais c’était quelque chose de subi, et pas un mode d’organisation du travail pensé et réfléchi. Peut être qu’il se démocratisera … ou peut être pas. S’il s’étend plus largement, ça se fera sur la durée, mais pas en quelques mois.
Ce d’autant plus que le télétravail ne pourra se développer que s’ils s’inscrit dans un cadre, cadre qui reste à définir au sein de chaque entreprise (négociation avec les organisations syndicales, avec les représentants du personnel, avec les salariés eux-mêmes). Il serait illusoire, et potentiellement dangereux, que de passer soudainement du « tout travail en présentiel » au « tout en télétravail ».