Ce qui est embêtant c’est que vous voulez faire des choses compliquées sur les apports en nature, alors que vous n’aviez pas compris le B.ABA de l’apport en numéraire.
Reprenons les choses dans l’ordre, pour nos lecteurs.
Une société qui démarre a généralement besoin de trésorerie pour se lancer, pour payer les premières charges en attendant que des produits soient vendus. La première personne qui peut apporter de la trésorerie est son associé (je laisse au singulier, qu’il y ait un ou plusieurs associés).
L’associé a 2 façons d’apporter de la tréso :
1) en capital. Cette somme restera dans la société jusqu’à la fin de la société. Elle fait partie de l’identité de la société puisque toute communication commerciale doit en comporter la mention, par exemple "Elan Software, SAS au capital de 3000 €". En pratique, cette somme est bloquée quelque jours le temps de finaliser l’immatriculation de la société, puis elle versée sur le compte courant de la société qui en dispose à sa guise, notamment pour payer les premières charges.
2) en CCA.
2 a) CCA libre : l’associé peut demander la restitution de son argent à tout moment. En pratique, évidemment, s’il a deux sous de jugeotte, il ne va demander cette restitution que quand la société en a les moyens.
2 b) CCA bloqué : l’associé ne peut demander la restitution de son argent qu’après tel délai. Les gens qui demandent à ce que ce soit bloqué, ce sont généralement les autres associés ou bien la banque (elle le demande en contrepartie d’un prêt : si pas de prêt, elle n’a rien à dire à ce sujet). On sait que la boîte va avoir besoin de tréso pour 2 ans, on arrondit à 3, et on écrit donc dans le pacte d’associés et/ou la convention d’apport en compte courant : "bloqué 3 ans".
Remarques :
- Dans tous les cas, ces montants sont au passif du bilan. Le capital comme le CCA sont une dette de la société envers son associé. En fait, une société ne peut pas fonctionner sans une dette initiale. Le passif, ce sont les "ressources", et l’actif, ce sont les "emplois" donnés à ces ressources. Une société a besoin de "ressources" donc elle a besoin de dettes.
- le CCA peut être rémunéré ou non ; s’il est rémunéré, il faut obligatoire une convention d’apport en CCA écrite et signée, alors que s’il est non rémunéré, elle peut rester tacite. S’il est rémunéré, souvent, les intérêts sont capitalisés et augmentent le CCA, par contre l’associé doit payer de l’IR dessus : ça fonctionne comme s’il avait de l’épargne sur un livret fiscalisé. Alors que le capital n’est jamais réévalué. Vous apportez 3000 € aujourd’hui, et quand vous liquiderez la société dans 50 ans, vous ressortirez 3000 €. La rémunération (éventuelle) du capital, ce sont les dividendes.
Une fois qu’on a bien compris cela… Un apport en nature, c’est reconnaître que l’associé apporte une valeur initiale en nature. Pourquoi pas. Quelques remarques à ce sujet :
- l’apport en nature va être inscrit au passif et reste donc une dette de la société envers l’associé, à vie. Si l’associé apporte 3000 € en numéraire et 41000 € en nature, la société lui doit 44000 €. S’il liquide sa société 50 ans plus tard, il récupère 44000 € de capital.
- l’actif apporté, lui, se dévalue donc s’amortit. Un site internet s’amortit classiquement sur 3 à 5 ans. Cet amortissement venant diminuer le résultat de l’entreprise, il faut s’assurer qu’elle aura suffisamment de chiffre d’affaires pour le supporter.
- le capital est ce qui donne droit aux dividendes. Donc, l’apport en nature est surtout important s’il y a plusieurs associés, maintenant ou à l’avenir. Supposons que vous ayez mis au capital 3000 € en numéraire et c’est tout. Si dans 2 ans vous ouvrez votre capital à un associé qui apporte 3000 €, vous aurez 50/50. Si vous valorisez votre apport en nature à 41000 € + 3000 € en numéraire, il faut que le futur associé mette 44000 € pour être à 50/50. Et enfin, si c’est un apport en nature à 151000 € + 3000 € en numéraire, il faudra que votre futur associé apporte 154000 € pour être à 50/50/ (bien sûr, il faut éviter d’être à 50/50 et garder au moins 51 % de la société, mais c’était pour illustrer).
Notez bien que, si vous avez mis au capital 3000 € en numéraire et c’est tout, et si dans 2 ans votre société vaut beaucoup d’argent, vous n’allez pas accepter de donner 49 % de votre société à quelqu’un qui apporte seulement 2882 €. Il y a des moyens pour qu’un nouvel associé doive mettre bien plus de 2882 € pour arriver à 49 %. L’augmentation de capital est tout un art et on ne va pas le traiter en deux coups de cuiller à pot. C’est juste pour dire qu’un apport en nature contribue à attribuer un capital important à un associé, ce qui est potentiellement au détriment des autres associés actuels ou futurs.
Une dernière remarque : il y a des gens qui regardent seulement le capital, et c’est ce qui vous fait penser qu’avoir un capital élevé est important. Il y a aussi des gens qui vous demandent vos comptes et qui les regardent. Ca existe ! Et ce sont souvent des gens qui ont une grande habitude de la lecture de comptes et de la valeur des choses. Et qui vont voir que vous avez valorisé votre site de e-commerce, à peine crée, à 151 000 €. Est-ce ça fait bien sérieux ? Pourrez-vous leur affirmer sans sourciller que c’était bien sa valeur au moment où vous l’avez apporté ? Cette démarche pourrait aussi donner l’impression que vous avez gonflé la valeur du site pour vous donner de l’importance, et donc induire une méfiance du genre "il serait pas un peu mytho celui-là, il faudra que je me méfie de tout ce qu’il dira à l’avenir"… Je ne dis pas que c’est le cas, je dis que c’est un risque potentiel.
Personnellement, pour finir sur le sujet, je plussoie les conseils suivants que vous avez reçus et qui me semblent de bon sens : "c’est cosmétique" et "mieux vaut 41 k€ car ça éviter de plomber les premiers résultats avec de forts amortissements".
Dernière modification par Bernard2K (07/04/2024 14h43)