Mercredi j’ai eu la chance de passer la matinée dans les locaux de Gay-Lussac, je remercie Philippe de Finance Académie pour l’invitation, et bien sûr toute l’équipe de Gay-Lussac pour nous avoir ouvert leurs portes.
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>> je vous mets des liens vers les pages de Philippe, il ne m’a rien demandé mais vu le partage je pense que c’est la moindre des choses.
Nous avons été reçus chaleureusement par Louis De Fels, Paul Edon et Arthur Bernasconi, tous deux analystes (8 analystes en tout).
https://www.linkedin.com/in/arthurbernasconi/
https://www.linkedin.com/in/paul-edon/
Tous les trois ont des traits de caractères communs, une grande passion pour ce qu’ils font, cela se ressent quand ils parlent sans retenue, avec des étoiles dans les yeux, et une grande accessibilité, une ouverture à l’échange. Merci à tous les trois pour cet accueil.
Vous trouverez ci-joint la présentation qui nous a été commenté (et que nous sommes autorisés à partager).
Nous avons également eu une présentation sur l’épargne retraite par Lotfi LAHIBA, qui est un réservoir de croissance très important pour GL Gestion.
Je n’ai évidemment pas tout noté de nos échanges qui ont duré un peu plus de 4 heures.. mais voici quelques notes et quelques questions que j’ai pu poser.
Sur l’objectif de performance de 7%/an :
Parce que ça permet de doubler le K en dix ans, en réalité on délivre mieux, on préfère surdélivrer que surpromettre. Le biais différenciant de GL c’est la « promesse » d’un rendement annualisé de 7% / an minimum, qui dure dans le temps, et sans volatilité >> on ne sera jamais dans les meilleures perfs (en tout cas ce n’est pas l’objectif), mais on ne sera jamais dans les pires. Nous ce qu’on veut c’est délivrer 7% avec régularité, un minimum de volatilité et de stress pour nos clients.
>> moi j’en déduis que GL, c’est comme acheter comme un fonds « patrimonial »… dans le sens où ils minimisent le risque (la volatilité étant considérée comme un risque par la « majorité » des « investisseurs »). Il ne faut pas espérer la performance absolue avec GL.
Sélection de titres compléments
Low Vol low beta momentum = ça guide tout le process. Tout part de là.
Concrètement on utilise un terminal Bloomberg (abonnement à 30 keur annuel pièce…).
On sort la vol, le beta, et le momentum.
Le momentum concrètement c’est la perf de l’action vs le marché sur 1 mois, 3 mois, 6 mois un an, deux ans etc…
Ensuite on fait une exponentielle à l’envers, c’est-à-dire qu’on fait une formule de scoring maison, dans laquelle on surpondère le momentum le plus récent dans l’agrégat (donc le momentum un mois compte plus que le trois mois etc).
Un particulier peut faire comme nous, et sans Bloomberg, les données sont trouvables ailleurs sur le net et pour des données techniques comme celles-ci c’est juste calculatoire donc fiable (contrairement aux états financiers).
On calcule ça une fois par mois, un export Bloomberg, et un fichier Excel clic bouton qui nous calcule le scoring et le classement.
On stock pick dans les 200/210 premières valeurs uniquement.
>> c’est ce classement qui nous a fait vendre Esker en janvier février 2022, car le momentum s’est retourné fortement et le score global de la valeur la faisait descendre au-delà du top 200. De ce fait on ne vend pas au plus haut mais on ne se prend pas l’intégralité du drawdown massif.
Sur notre échantillon, on applique aussi un gros filtre ESG : pas d’extraction de pétrole, charbon, tabac, armements (donc on ne peut pas acheter Rheinmetal…).
GL ne fait pas les IPO car il n’y a pas d’historique de volatilité, beta, momentum…
Peu de cyclique dans le portefeuille, pas qu’on aime pas ça mais elles ne cochent que rarement les cases de notre process quantitatif.
On a une poche de 10% de cash, notre ratio d’ajustement pour acheter des titres hors process, comme Jacquet Metals, qui ne correspond pas à nos critères techniques (vol/beta etc) mais qui est tellement peu chère qu’on en prend dans notre poche bonus.
Groupe Crit est considérée cyclique mais elle coche les critères quantitatifs de base + gros cash flow historiquement.
Jacquet, Trigano… on achète que quand l’EBITDA frôle le zéro, avec un PE très élevé (du Peter Lynch quoi).
Catana on aime pas le discours trop orienté quand ça va bien, ni les conventions réglementés, on préfère Fountaine plus transparent.
Analyse d’un titre
Le midi j’ai eu la chance d’échanger longuement avec Arthur sur comment se passe concrètement la mise en portefeuille d’un titre.
Donc chaque analyste suit avec précision 30 à 35 valeurs par an. C’est leur plus value, et c’est aussi le coût d’une gestion comme GL, le temps homme. Chacun d’eux a une géographie à couvrir, si je ne dis pas de bêtise Arthur c’est plutôt Microcaps Europe et Paul c’est pour le fonds MicrocapsMonde (Monde = USA, Australie, Japon et Europe).
Les analystes piochent des titres qui rentrent dans les 200 meilleures valeurs en termes de scoring.
Ensuite ils vont s’intéresser à des valeurs selon leur propre grille de lecture, ils peuvent passer beaucoup de temps sur une analyse en pensant acheter le titre et finalement ne pas acheter le titre en fin d’étude. >> Arthur me disait passer entre 2 et 3 semaines par valeur suivant sa complexité.
Ils utilisent des bases de données internes, c’est un fichier Excel par valeur avec quelques onglets, états financiers (les 3 états + des tas de variations de fondamentaux année par année sur 15 à 20 ans, les marges, la décomposition du CA etc…). Ce sont des données qu’ils ont mis dans Excel à la main. Bloomberg est faux, Bloomberg ne connait pas la norme IFRS 16 etc etc bref, pas le choix rapports annuels et saisie manuelle dans Excel. + 3 ans de prévisionnels calculés par les analystes de GL.
Ils utilisent aussi IdMidcaps mais n’utilisent pas les données financières. C’est juste pour avoir l’avis du broker sur des titres et une lecture différente des publications.
Dans l’excel il y a aussi un onglet sur l’allocation du capital, comment il est utilisé par la société.
Un onglet transactions d’initiés. Et je dois oublier quelques autres onglets.
Ils font aussi un DCF pour leur valorisation. Pas 50 valo avec table de sensibilité, ils prennent des hypothèses conservatrices, les assument et les exposent ensuite.
>> par exemple difficile de trouver de l’upside sur Robertet, fair value à 930/950 € d’après leur valo, soit le cours actuel. Mais ils peuvent en acheter quand même pour se « contenter » de l’upside des fondamentaux année après année. Ils ne sont pas value, ne sont pas super regardants sur la valo, eux ils veulent de la résilience des fondamentaux, du prévisible etc, quitte à acheter « cher ». Et pour ce titre, reste malgré tout moins cher que Givaudon. Impossible de répliquer la captation client, Chanel n°5 ne changera pas de fournisseur de senteur.
Ensuite Arthur déroule son analyse complète dans un email tout simplement. Il m’a montré en gros il déroule beaucoup sur l’entreprise, son business, ses avantages concurrentiels, le management, comment il est incentivé, conventions réglementés etc bref, analyse stratégique, moteurs de croissance. Un peu de fondamentaux économiques avec génération de trésorerie, BFR, dettes, des KPI et extraits de comptes issus de l’Excel, ses prévisions, + la valo DCF avec les hypothèses prises en compte (au moins ça permet de savoir ce qu’on attend comme croissance et marge, et de challenger au fur et à mesure des publications, plutôt qu’un multiple X ou Y dans lequel les hypothèses fondamentales sont totalement masquées).
Le mail est très long, c’est une initiation comme on peut en voir par les brokers (mais ça fait pas 30 pages non plus). Il précède son analyse par un commentaire synthétique avec les points clés de son analyse et sa recommandation d’achat ou non.
Ils comparent également leurs analyses à celles de brokers. Ils n’utilisent pas l’analyse des brokers comme le font certains fonds, mais ils comparent le point de vue, le leur, avec le broker le plus bull ou le plus bear, comparent les valos cibles, vérifient qu’ils n’auraient pas manqué un red flag bref ils font en sorte de challenger leur biais d’optimisme…
Ils envoient ça à l’équipe, Paul fait la même chose mais avec une trame d’un document Word de 7 pages de mémoire.
Ensuite si besoin, ils en débattent ensemble en comité d’investissement dans la salle ou nous étions (la même que celle où ils font leurs vidéos). Plutôt collégial. Je ne sais pas si quelqu’un a le dernier mot, on a été coupé dans d‘échange à ce moment-là.
Les décisions d’allègements dépendent des critères de scoring « d’AT », de l’évolution des fondamentaux, et du poids cible du titre dans le portefeuille, rarement de son prix/valeur de ce que j’ai compris.
Est-ce qu’ils intègrent de l’IA dans leurs différents processus ? Si oui, de quelles façons ?
Sauf erreur de ma part >> pas vraiment, c’est naissant.
Ils veulent notamment utiliser les « Xbrl balise » dans les pdf de rapports annuels par exemple pour trouver tout de suite les dépenses de R&D. Bon l’IA c’est pas ma tasse de thé à moi, donc à prendre avec des pincettes ce que je peux rapporter..
Outils informatiques :
Bloomberg, IdMidCaps, et le pack office, pour ce que j’ai entendu.
Régulièrement bloqué par Bloomberg car ils font trop de requêtes vs leur abonnement.
Bloomberg pas fiable sur les données financières, ils préfèrent faire eux même à la main et être certains des chiffres sur lesquels ils appuient leurs analyses.
Les données personnelles en base de données Excel ça permet aussi de voir à LT sur plusieurs cycles, comment les fondamentaux de la société se sont comportés pendant les crises.
Les passages d’ordres :
Ils n’ont pas de trader en interne (trop cher sur les frais de fonctionnement) ils passent par la société EXOE (comme bien d’autres OPCVM, mais pas Moneta ni Amiral qui sont gros et ont leurs traders). Je n’ai pas eu le chiffre exact mais j’ai cru comprendre qu’ils payaient des com à moins de 0.10% l’ordre (on a des tarifs similaires chez Saxo ou InteractiveBrokers).
Ils achètent des blocs quand nécessaire via différents brokers.
Sinon ils passent donc par EXOE, ils leur donnent des consignes précises, combien ils veulent de titres, comment ils acceptent ou non de faire bouger le marché sur un titre pas liquide, en combien de temps max ils acceptent d’être exécuté, fourchette de prix etc etc et EXOE se débrouille avec différents ordres algorithmiques pour remplir le cahier des charges.
Est-ce qu’ils rencontrent des différences significatives dans la manière de communiquer des sociétés par rapport à la France ?
Non pas vraiment, ça ne dépend pas des pays mais uniquement des dirigeants et de leur caractère. Y’a pas de règle. Ils arrivent à avoir des one to one via Teams avec un patron d’une PME japonaise, et à l’autre bout, ils n’arrivent jamais à avoir le management d’une petite boite familiale aux US dont les dirigeants veulent rester le plus discret possible et communiquent à minima.
Par contre les rapports annuels anglo saxons sont pratiques car tous structurés de la même manière, toujours le même modèle. Et bien sûr grosse appétence pour le buy back à bon prix dans leur culture, vs la France ou c’est considéré comme le « mal ».
A l’international ils utilisent les services de brokers locaux pour les aider à défricher le marché.
Les ETF
La Reglementation value for money : sort des allocations (d’assurance vie en gestion pilotée/mandat ?) les OPCVM aux frais de gestion trop cher, car ils sont mélangés avec des ETF …
248 k particuliers ont traité des ETF au T2 2024 +89% en un an
Néanmoins il n’existe pas d’ETF microcaps, et il y a beaucoup de déchets dans les indices microcaps (biotechs et boites dilutives par exemple d’où les perfs ridicules de ces indices) donc pour le moment cela leur laisse un peu le champ libre sur ce segment de la cote.
Le jour où il y aura trop d’ETF, il n’y aura plus de marché pour faire les prix, alors qu’est-ce qui donnera le cours des actions, uniquement les flux sur ETF ? Strange World.
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