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Comme investisseur,quel est votre intérêt principal pour les banques ?


Je me préoccupe surtout de la sécurité de mes dépôts

25% - 52
Je m'intéresse aux actions bancaires pour investir

54% - 110
Je m'intéresse aux obligations bancaires pour investir

4% - 10
Prêt à déléguer la gestion de mon épargne à une banque

0% - 2
Je ne veux pas être exposé aux banques (pas confiance)

13% - 28

14    #1 08/05/2018 00h36

Membre (2017)
Réputation :   2535  

Delta a écrit :

Bonjour Scipion8,

    Scipion8 a écrit :
    Par ailleurs, jusqu’à fin 2015, j’étais strictement contraint sur mes opérations en bourse, en application des règles de mon ex-employeur (je détenais des informations privilégiées sur toutes les banques de la zone euro).


Pourriez-vous nous donner, en quelques lignes, votre avis / appréciation sur les banques de la zone euro, en particulier les établissements français, dont nous sommes sur ce forum principalement clients ? Bien évidemment, je comprendrais parfaitement que vous ne puissiez ou ne souhaitiez pas répondre à ma question.

M_erci.

Je crée une file de discussion dédiée pour répondre cette question de Delta dans ma file de présentation. Il y a quelques files de discussion sur des sujets proches, notamment ici et , mais sauf avis contraire des modérateurs, il vaut peut-être mieux une file dédiée pour une discussion plus générale. (Je souhaite aborder les différents produits pour l’investisseur : actions, obligations, dépôts…)

Je précise que je présente ma vision des banques, qui m’est personnelle et donc évidemment contestable. Je ne suis pas banquier, mais banquier central, et je ne suis pas un superviseur bancaire (qui a, ou devrait avoir, une compréhension globale d’une banque), mais un spécialiste des opérations de politique monétaire et de la liquidité bancaire (donc j’ai tendance à voir les banques sous cet angle de la liquidité, qu’on peut voir comme le "petit bout de la lorgnette", ou au contraire comme le "nerf de la guerre").

Je pars de zéro, (I) en énonçant des principes généraux, avant d’en venir précisément à la question de Delta, (II) en présentant ma perception générale des banques françaises et européennes, et je conclurai (III) en présentant quelques stratégies possibles pour l’investisseur particulier, selon son niveau de sophistication et de compréhension du système bancaire. Je commence aujourd’hui par les principes généraux.

I - Principes généraux

1) Une action bancaire est un produit financier risqué : En règle générale, je considère une action bancaire comme plus risquée qu’une action d’une entreprise industrielle, pour 5 raisons essentielles :

a) Les banques sont fortement exposées au cycle économique. Dans la banque de détail comme dans la banque d’investissement et d’affaires, l’activité et la rentabilité fluctue fortement avec le cycle économique. Outre le ralentissement de l’activité, les récessions sévères entraînent généralement des pertes pour les banques, en raison de l’augmentation des défauts sur leurs prêts aux entreprises et particuliers. Evidemment, ce caractère cyclique n’est pas unique aux banques (constructeurs automobiles etc.).

b) Les banques ont par essence des bilans complexes et peu transparents. C’est particulièrement le cas des banques qui, comme les banques "universelles" françaises, ont à la fois des activités de détail, d’investissement / finance de marché etc. Même les superviseurs, qui ont accès à une information bien plus riche que l’investisseur particulier, ne peuvent affirmer qu’ils comprennent exactement tous les risques pris par une banque. En période de crise, on découvre toujours des "cadavres dans le placard" : quand les superviseurs exigent d’une banque qu’elle réévalue à leur valeur de marché des actifs risqués, ils s’aperçoivent souvent que le traitement comptable de tel ou tel actif risqué n’en fait pas ressortir une image fidèle. Ainsi, les pertes sur réévaluation d’actifs peuvent augmenter massivement en période de crise, affectant la solvabilité de la banque.

c) Les banques ont par essence un levier très important. Les capitaux propres d’une banque ne représentent qu’une fraction de son bilan, de telle sorte qu’un pourcentage de perte même minime sur ses actifs peut entièrement effacer son capital. Dans le cadre de Bâle III, les ratios de solvabilité bancaires (capitaux propres sur actifs ajustés des risques) ont été rehaussés afin de rendre les banques plus résilientes (a fortiori quand elles sont systémiques), mais il est illusoire de penser que ces "coussins de sécurité", même plus prudents qu’avant la dernière crise, peuvent entièrement protéger le système bancaire de chocs majeurs.

d) Les banques font face à des risques constants sur leur liquidité. Une banque fait de la "transformation de maturités" : elle prend des ressources majoritairement à court terme, comme des dépôts, et les affecte sur des opérations majoritairement à long terme, comme des prêts immobiliers etc. Il s’ensuit une forte vulnérabilité à des retraits massifs des ressources à court terme, si la banque ne peut liquider aussi rapidement ses actifs, souvent illiquides (a fortiori en période de crise). Les régulateurs ont mis en place de nouveaux ratios de liquidité (LCR = Liquidity Coverage Ratio et NSFR = Net Stable Funding Ratio), qui obligent les banques à garder un minimum d’actifs liquides et de ressources tables, mais le risque de liquidité inhérent à l’activité bancaire demeure. La banque centrale joue un rôle majeur pour permettre aux banques de rester liquides en temps de crise, mais ses opérations sont contraignantes pour les banques : en particulier, les banques centrales ne prêtent aux banques que contre des actifs de bonne qualité présentés en garantie (collatéral).

e) En cas de résolution de la banque, l’actionnaire fait généralement face à une perte totale. Dans un scénario de liquidation de la banque, l’actionnaire peut espérer un paiement sur la liquidation des actifs uniquement après paiement de l’ensemble des créanciers de la banque : déposants, banque centrale, créditeurs sur le marché monétaire (notamment autres banques), détenteurs d’obligations senior et subordonnées… En raison (i) du levier très important, spécifique au secteur bancaire, et (ii) de l’utilisation massive de financement collatéralisé, l’actionnaire d’une banque en liquidation peut en toute probabilité espérer un taux de recouvrement de 0%. Par exemple, quand une banque centrale intervient pour soutenir une banque en difficulté, en lui fournissant de la liquidité d’urgence (agissant comme prêteur en dernier ressort), elle exige que la banque lui fournisse en garantie ses bons actifs disponibles (c’est une de mes spécialités) - qui dès lors ne seront plus disponibles pour les autres créditeurs, et a fortiori les actionnaires. Or, les banques sont généralement opaques dans leur communication sur leur asset encumbrance = la non-disponibilité d’actifs présentés en garantie à divers créditeurs collatéralisés (dont la banque centrale).

Pour toutes ces raisons, être actionnaire d’une banque comme BNP Paribas (au demeurant une bonne banque, dont je suis actionnaire) est généralement plus risqué qu’être actionnaire d’une bonne small cap dont on peut estimer assez simplement la valeur de liquidation, ou même d’un conglomérat industriel complexe du type LVMH. Je considère même les conglomérats industriels les plus complexes comme plus simples à analyser qu’une banque (a fortiori une banque universelle).

2) Analyser une banque, c’est l’évaluer sous 3 dimensions différentes : la profitabilité, la solvabilité et la liquidité.

Quand on s’intéresse à une action d’une entreprise industrielle, l’analyse fondamentale "rapide" consiste à regarder sa profitabilité passée et future, puis appliquer des ratios sectoriels à divers postes de résultats (PER, VE/EBITDA, P/CAF etc.). Un investisseur deep value, lui, va regarder plus en détail le bilan de l’entreprise, et par exemple estimer la valeur de liquidation de ses actifs.

Ces approches ne fonctionnent pas pour une banque. On peut bien sûr calculer des ratios et comparer les banques, mais cette approche est insuffisante, voire trompeuse. Quant à essayer de calculer une valeur de liquidation, c’est mission impossible (notamment en raison du manque de transparence sur la disponibilité des actifs, dans un contexte de prolifération des financements collatéralisés).

Pour analyser une banque, il faut à mon sens examiner une à une 3 dimensions bien distinctes :

a) La profitabilité est la capacité de la banque de générer un résultat positif de façon régulière. Les banquiers centraux comme moi (quand je dois proposer de sauver ou non une banque par l’apport de liquidité d’urgence) utilisent la notion de "viabilité" : le business model de la banque lui permet-il de générer des profits réguliers, ou bien la banque est-elle condamnée à des pertes et des recapitalisations répétées à cause d’un business model obsolète ? Cette question, l’investisseur particulier doit aussi se la poser : quelle est la position compétitive de la banque ? A-t-elle un avantage compétitif sur un segment donné ? Son activité est-elle diversifiée ou est-elle un acteur de niche ? etc. Des réponses à ces questions résultent une appréciation de la viabilité du business model de la banque, et de sa profitabilité "structurelle".

b) La solvabilité mesure la capacité de la banque à résister à des pertes sur ses actifs. Les capitaux propres sont le coussin de sécurité d’une banque face à une dépréciation de ses actifs. Idéalement, l’investisseur doit avoir une idée des risques principaux sur les actifs de la banque : quelle est la part des prêts par rapport aux titres ? Quelle est la qualité des prêts aux entreprises et particuliers ? En particulier quel est le niveau des créances en souffrance (NPL = non-performing loans) ? La banque les a-t-elle suffisamment provisionnées ? A quels titres obligataires la banque est-elle principalement exposée ? (risque souverain etc.) Il s’agit donc d’avoir une idée relative des risques pris par les banques sur leurs actifs, puis d’évaluer si les capitaux mis en face de ces risques sont suffisants ou non: on va éviter de s’exposer à une banque dont les ratios de solvabilité dépassent à peine les minima prudentiels, si son bilan semble particulièrement risqué.

c) La liquidité mesure la capacité de la banque à satisfaire ses obligations de paiement en toutes circonstances. Une banque doit en permanence faire face à des retraits de ressources : des obligations qu’elle a émise viennent à maturité, et parfois leur renouvellement (rollover) est difficile ; de même, des prêts interbancaires peuvent ne pas être renouvelés à maturité ; des retraits de dépôts ont lieu tous les jours, de façon parfois irrégulière et difficilement prévisible. Le rôle du trésorier de la banque (mes interlocuteurs au quotidien dans mon travail), c’est de maintenir la banque liquide à tout moment. L’erreur est interdite : une défaut de paiement, même mineur aurait des conséquences catastrophiques pour une banque (rupture de confiance, retrait des créditeurs et déposants etc.). Le trésorier doit donc garder en permanence une position de cash suffisante (sans toutefois l’exagérer bien au-delà du nécessaire, ce qui aurait un coût pour la banque) ainsi qu’un stock suffisant d’actifs liquides pouvant être vendus rapidement en cas de besoin.

Il faut bien comprendre que ces 3 dimensions peuvent ne pas être alignées pour une banque donnée :

a) Une banque solvable peut être illiquide. Une banque qui aurait un seul actif de très grande qualité, mais très illiquide, disons le Château de Chambord, et se financerait à 50/50 par des capitaux propres et des dépôts serait solvable (ratio de solvabilité très élevé, actif excellent) mais absolument illiquide, et condamnée à un défaut rapide, car elle ne pourrait pas faire face au moindre retrait de dépôt.

b) Une banque profitable peut être illiquide. Au début de la dernière crise financière en août 2007, le marché monétaire de la zone euro s’est gelé instantanément, sous nos yeux dans la banque centrale où je travaillais. Aucune banque, même très solide et très profitable, n’avait plus accès à la liquidité interbancaire indispensable à son fonctionnement, nécessitant une action immédiate de la BCE.

c) Une banque liquide peut perdre de l’argent et devenir insolvable. Imaginons une banque dont la priorité absolue est la liquidité : elle ferait en sorte de n’avoir que des actifs très liquides (disons des bons du Trésor français et allemands), elle cesserait tout prêt aux entreprises et particuliers. Il va sans dire qu’elle ne gagnerait pas d’argent au niveau actuel des taux sur ces titres d’Etat ! A terme, cela affecterait sa solvabilité.

Donc l’investisseur intéressé par le secteur bancaire ne peut se contenter de regarder la profitabilité de la banque. Il lui faut aussi évaluer sa résilience à des chocs sur ses actifs (= sa solvabilité) et à des retraits soudains de ressources (= sa liquidité). Occulter une de ces dimensions, c’est risquer une très mauvaise surprise.

Je voulais introduire ces idées générales et cette grille de lecture avant d’en venir dans un autre message au secteur bancaire français et européen, et aux stratégies possibles pour l’investisseur particulier.

Mots-clés : banques, liquidité, solvabilité

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3    #2 08/05/2018 10h29

Membre (2017)
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Quelques idées générales de plus, avant de passer spécifiquement aux banques françaises et européennes :

3) Les banques ont des liens étroits avec les Etats, d’où des risques de contagion réciproque risque bancaire / risque souverain. Les canaux de transmission entre risque souverain et risque bancaire sont multiples. En particulier :

a) Les banques jouent un rôle crucial dans le financement des Etats : par exemple les banques SVT (Spécialistes des Valeurs du Trésor) en France permettent de redistribuer la dette émise par l’Etat à l’ensemble des investisseurs. Les banques elles-mêmes sont des investisseurs majeurs dans les titres d’Etat, car elles ont besoin en permanence d’actifs liquides et sûrs (besoin accru par les nouvelles normes prudentielles sur la liquidité, notamment le LCR = Liquidity Coverage Ratio). On peut même dire que le cadre prudentiel encourage les banques à détenir beaucoup (parfois trop) de dette souveraine, notamment par le traitement favorable de ces actifs dans le calcul des actifs pondérés par le risque, le dénominateur des ratios de solvabilité.

b) Les Etats jouent un rôle crucial dans la minimisation du risque de liquidité bancaire. Les mécanismes nationaux de garantie des dépôts bancaires (dans la zone euro, protection des dépôts jusqu’à 100k€ par dépôt) sont souvent insuffisamment dotés (par les contributions annuelles des banques) pour faire face à une crise bancaire majeure qui nécessiterait l’activation de cette garantie. En fait, c’est l’Etat qui joue le rôle (le plus souvent implicite) de garant du système d’assurance des dépôts bancaires - car nous vivons dans des "démocraties d’épargnants", et des pertes importantes sur les petits dépôts bancaires entraîneraient sans doute une déstabilisation politique.

c) Les agences de notation et les marchés tiennent compte de la forte corrélation entre risque bancaire et risque souverain. C’est même explicite dans la méthodologie d’une agence de notation comme Standard & Poor’s : quand ils notent une banque, ils prennent d’abord en compte la qualité de la garantie implicite de l’Etat, puis ils affinent la note par la prise en compte des spécificités de la banque (qualité des actifs, risques divers…). Donc un downgrade de l’Etat entraîne généralement une cascade de downgrades des banques. De même, sur le marché des Credit Default Swaps (CDS, produits d’assurance contre un défaut d’un émetteur obligataire), on observe une forte corrélation entre les CDS souverains et les CDS bancaires (qui traitent à CDS souverain + prime de risque dépendant des spécificités de la banque).

Compte-tenu de ces forts liens entre banques et souverains, l’investisseur intéressé par une action ou obligation bancaire doit inévitablement prendre en compte la situation de l’Etat concerné (par exemple soutenabilité de la dette publique).

4) Certaines banques ont un caractère systémique, qui doit être pris en compte par l’investisseur. On parle de "système bancaire" car il s’agit d’un ensemble d’entités étroitement liées et interdépendantes. Par exemple :

a) Le marché interbancaire est essentiel à la gestion par les banques de leur liquidité. Si une banque fait défaut, le marché interbancaire va généralement se geler immédiatement (les prêteurs cessent de prêter), entraînant la nécessité d’une action immédiate par la banque centrale.

b) L’effondrement d’une banque pose des risques majeurs pour les autres banques, en raison des effets de contagion psychologique des créditeurs et déposants. Une banque en parfaite santé peut se retrouver soudainement avec de gros problèmes de liquidité si une banque "voisine" plus fragile se retrouve dans l’impossibilité d’honorer les demandes de retrait de ses déposants (files d’attente devant les agences bancaires).

Les banques centrales et les superviseurs essaient de mesurer le caractère plus ou moins systémique des banques, c’est-à-dire à quel point un événement négatif sur une banque donnée peut affecter l’ensemble du système, et donc la continuité de la fourniture de services financiers à l’économie (= la stabilité financière). Pour cela, on utilise différents critères objectifs (taille de la banque, importance des dépôts, interconnexions avec les autres banques…), mais on doit reconnaître que les risques pour la stabilité financière dépendent aussi du contexte (ils ne sont pas les mêmes dans une période de forte croissance ou de récession).

Les banques jugées systémiques ont (depuis Bâle III) des obligations de solvabilité renforcées, et (a priori) peuvent davantage espérer être sauvées par la banque centrale (soutien de liquidité d’urgence) et/ou par l’Etat (recapitalisation) en cas de besoin, car elles sont too big to fail. Donc le caractère systémique ou non d’une banque est évidemment important pour l’investisseur.

5) L’activité bancaire nécessite une gestion intelligente des risques, une certaine sophistication, et une éthique irréprochable. Lors de l’attribution des licences bancaires, le superviseur évalue la capacité (technique, morale, financière) des actionnaires et du management, et peut refuser d’attribuer une licence si les critères minimaux sur ce plan-là ne sont pas atteints.

Lorsque le superviseur ne fait pas correctement son travail (par exemple à Chypre avant 2013), les conséquences sont immédiates : gestion des risques non professionnelle, pratiques éthiques contestables voire frauduleuses (prêts à des parties liées, absence de recouvrement des créances en souffrance sur des "amis", blanchiment d’argent…).

Donc l’investisseur intéressé par les banques doit prendre en compte :
- le sérieux et la compétence du superviseur
- la qualité des actionnaires majoritaires
- le respect strict ou non des normes éthiques et légales (risques judiciaires…)
- la capacité technique du management et des équipes de la banque
 : très souvent, des banques de détail traditionnelles veulent s’aventurer dans des activités de marché pour lesquelles elles ne sont pas équipées intellectuellement (gestion des risques notamment), avec des conséquences désastreuses pour l’actionnaire.

Voilà, j’ai fait le tour je pense des grandes idées générales que je voulais présenter en intro.

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17    #3 10/05/2018 20h48

Membre (2017)
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Maintenant une analyse superficielle des banques européennes (un échantillon d’une quarantaine de banques, cotées en bourse). Plus que d’une véritable analyse, il s’agit d’un exercice de screening.

Comme expliqué dans mes précédents messages sur cette file, des approches similaires à celles utilisées pour du stock-picking de valeurs industrielles (évaluation de l’actif net réévalué, multiples du type VE/EBITDA…) sont difficiles et/ou inadaptées pour sélectionner des banques.

Une action bancaire étant un produit financier particulièrement risqué, il faut porter beaucoup d’attention au profil de risque de chaque banque. Mais une approche purement comptable se heurte à la complexité et au manque de transparence de la plupart des bilans bancaires. Par ailleurs, les banques sont des adeptes expertes du window dressing (opérations de fin de mois ou de trimestre visant à afficher un bilan plus solide), à la fois pour des raisons de respect des règles prudentielles et pour donner une bonne image au marché.

Par ailleurs, une approche statique, sur la base des derniers comptes publiés par la banque, risque d’ignorer des développements en cours et des facteurs de risques importants.

Enfin, la résilience d’une banque dépend largement de perceptions et de facteurs psychologiques : lorsqu’elles sont généralisées, des anticipations négatives sur une banque peuvent devenir auto-réalisatrices et destructrices, car aucune banque au monde ne peut résister à une perte de confiance totale de ses créditeurs et déposants.

Pour toutes ces raisons, j’utilise des indicateurs de risques dynamiques (forward-looking), provenant de multiples sources, que je croise entre elles :

1) Les ratings attribués par les agences de notation reflètent les risques pour un émetteur obligataire, et ont une dimension prospective. En outre, ils ont l’avantage de refléter une méthodologie uniforme (pour chaque agence de notation), et permettent donc une comparaison directe entre banques. Les agences de notation prennent en compte la qualité du soutien implicite du souverain aux banques (c’est-à-dire la capacité et la volonté de l’Etat de soutenir les banques en cas de besoin). Sans surprise, les banques les mieux notées de l’échantillon sont des banques scandinaves, grâce à la solidité des finances publiques dans ces pays, alors que ce facteur handicape les banques des pays méditerranéens.


2) Les recommandations des analystes sont aussi un facteur pertinent, car elles reflètent la confiance de ces observateurs dans chaque banque, et peuvent influencer le marché. (Un investissement contrarian, dans une banque mal-aimée, n’est pas impossible, mais il est particulièrement périlleux, en particulier si la conjoncture économique se dégrade.) Par ailleurs, les banques sont en général largement couvertes par les analystes (à la différence des small caps industrielles). Je calcule un indicateur synthétique sur la base des recommandations des analystes :

Indicateur synthétique (en %) = [nb Acheter * 100% + nb Accumuler * 50% + nb Conserver * 0% + nb Alléger * (-50%) + nb Vendre * (-100%)] / nb Total Recommandations

On peut rapprocher cet indicateur synthétique du sentiment de marché, de ratios de valorisation, par exemple le Price-to-Book ratio, pour essayer d’identifier des actions bancaires populaires mais a priori pas trop chères :


3) Les stress tests effectués par la BCE et l’Autorité bancaire européenne (EBA) reflètent l’évaluation dynamique par le superviseur de la résilience des banques, leur capacité à résister aux chocs. La BCE et l’EBA calculent les ratios de solvabilité des banques dans différents scénarios, pour vérifier si le "coussin de sécurité" que représentent les capitaux propres sont suffisants dans ces scénarios. Il vaut mieux je pense regarder le scénario adverse (Banco Popular, qui a dû être sauvée par Santander l’an dernier pour éviter la faillite, au prix de pertes totales pour ses actionnaires, avait un ratio de solvabilité > 6% dans ce scénario adverse…). J’ai utilisé les derniers stress tests disponibles (2016), mais tout investisseur intéressé dans les banques européennes devrait regarder de près les résultats des nouveaux stress tests 2018 lorsqu’ils seront publiés.

On peut rapprocher par exemple cette mesure de la résilience des banques d’une mesure de leur profitabilité, par exemple le ROE, pour identifier des banques à la profitabilité "solide" (forte profitabilité + forte résilience). Les banques scandinaves se distinguent particulièrement.


4) Les Credit Default Swaps (CDS) sont un produit d’assurance contre le risque de défaut d’un émetteur obligataire, sur un horizon donné (ici 5 ans). La prime de CDS est proportionnelle à la probabilité de défaut de l’émetteur. Le marché des CDS est fortement réactif et dominé par des professionnels du risque : ça ne veut pas dire qu’il ne se trompe jamais, mais il est moins influencé que les marchés actions et obligations, par exemple, par des biais d’investisseurs (aversion au risque, effets grégaires…). Selon mon expérience, l’information fournie par les CDS sur les risques relatifs des banques (donc la comparaison des risques entre banques, plus que le niveau absolu) est de qualité comparable, voire supérieure, à l’évaluation des superviseurs (ce qui ne devrait pas être le cas en théorie, au vu de l’information confidentielle disponible pour les superviseurs). Donc le CDS est pour moi le meilleur reflet de l’appréciation du marché sur le risque d’une banque.

On peut rapprocher le CDS du dividende (par exemple), afin d’identifier les banques qui versent un dividende intéressant tout en ayant un niveau de risque (tel que perçu par le marché) assez faible.


Je croise donc 4 sources d’information différentes me donnant une appréciation à la fois synthétique sur les risques de chaque banque : le superviseur (BCE / stress tests), les agences de notation, et le marché (analystes + CDS).

Ensuite, un aspect important de l’analyse sur des banques, qui diffère du stock-picking de valeurs industrielles, est le rôle important des dividendes :

- Pour une valeur industrielle, je n’exige pas a priori de dividendes, surtout si je pense qu’il vaut mieux que l’entreprise augmente ses investissements et tire parti d’un potentiel de croissance. (Evidemment, s’il s’agit d’une entreprise mature sans gros potentiel de croissance, je vais vouloir un dividende.)

- En revanche, pour une banque, il est tout à fait normal (voire nécessaire) que l’actionnaire soit compensé du risque important qu’il prend par un dividende satisfaisant. En outre, l’activité bancaire en Europe est une activité mature, sans gros potentiel de croissance, donc le dividende doit être suffisant pour l’actionnaire.

Dès lors, je vais chercher à obtenir des actions bancaires à dividendes satisfaisants et soutenables, tout en essayant de minimiser le risque et de ne pas surpayer ces actions.

Par exemple, on peut mettre en rapport le dividende avec le PER (ou d’autres ratios de valorisation, comme le P/B).


Mes conclusions avec cette approche :

1) Les actions des banques françaises semblent assez intéressantes : bons dividendes et faibles CDS (fort soutien implicite de l’Etat). En revanche, en termes de profitabilité et de résilience aux chocs (stress tests), elles se situent dans la moyenne. Ma préférée est BNP Paribas (je suis actionnaire), Crédit Agricole semble aussi intéressante. Natixis me semble un peu chère (P/B), alors que SocGen est moins populaire sur le marché. Un risque évident à long terme est le risque d’un soutien moins fort de l’Etat (risque politique).

2) Les banques scandinaves semblent très profitables et affichent des PER raisonnables, mais souffrent d’une appréciation négative du marché et leurs P/B semblent élevés. La faiblesse de la couronne suédoise peut néanmoins offrir un point d’entrée intéressant pour un investisseur €. Je vais creuser ce sujet avant d’envisager un éventuel investissement (je ne comprends pas pourquoi leurs ratios P/B sont si élevés alors que leur ratios de solvabilité aux stress tests sont les plus solides).

3) Il pourrait y avoir des opportunités intéressantes en Italie et en Espagne, si l’amélioration de la profitabilité et des dividendes se poursuit.

4) Les banques allemandes Deutsche Bank et Commerzbank sont des investissements risqués, avec une appréciation de marché actuellement défavorable. Mais leur faible P/B peut être intéressant d’un point de vue spéculatif…

Il s’agit d’un simple screening, et une analyse plus détaillée est nécessaire avant de sélectionner des actions bancaires.

Pour la suite de l’analyse, je regarde en particulier les points suivants :

1) Compétence, sophistication et réputation de la banque : Cela n’apparaît pas forcément dans les chiffres, mais cette dimension est évidemment cruciale. Après mon expérience professionnelle en 2007-2008, je suis très sceptique sur les banques de détail qui se lancent dans la banque d’investissement : sans capacité technique et intellectuelle pour apprécier et gérer les risques, elles finissent généralement comme les "dindons de la farce", en absorbant (au prix fort !) les actifs les plus risqués du système. Des banques comme Dexia, Fortis, Natixis, des Landesbanken allemandes, etc. étaient gorgées de subprimes US, de CDOs, d’expositions à l’Islande etc., en 2007 (Goldman Sachs et consorts les ayant identifié à raison comme de "bons clients"). C’est pour cela que je n’achèterai jamais une action Natixis (même s’ils ont pu s’améliorer depuis lors), et que je suis très sélectif sur les banques qui ont des activités importantes de finance de marché. A terme, je pense qu’il n’y a de la place en France que pour une seule banque vraiment active sur ce business risqué.

2) Diversification internationale : Par principe, je n’investis que sur des valeurs qui ont un potentiel de croissance. Des entreprises qui opèrent sur un marché mature sans aucun potentiel ne m’intéressent pas, même si elles versent de bons dividendes. Donc je recherche des banques européennes actives hors d’Europe : Afrique (BNP Paribas, SocGen, HSBC, Standard Chartered), Amérique Latine (BBVA), Asie (HSBC, Standard Chartered)…

3) Qualité du superviseur : Avec le Mécanisme de Supervision Unique, la BCE est maintenant le superviseur pour toutes les banques de la zone euro. Néanmoins, l’échelon national demeure important, et même s’il y a une harmonisation progressive, je pense que certains superviseurs nationaux sont plus compétents que d’autres (ce que semble confirmer le cas récent de la liquidation de la 3e banque lettone). En France, nous avons d’assez bons superviseurs - à mon sens meilleurs qu’en Espagne ou en Italie, par exemple. Je suis très positif sur la compétence de la Riksbank en Suède en particulier (même si les banques suédoises ont eu des déconvenues pendant la crise en raison de leurs expositions aux pays baltes), et je pense que les superviseurs irlandais se sont beaucoup améliorés, en tirant les leçons de la crise.

Conclusion : Je suis actionnaire de BNP Paribas (qui performe assez bien dans cet exercice de screening) et de HSBC (plus chère, mais qui offre le meilleur profil de diversification internationale). Je suis également actionnaire de Deutsche Bank, dans une optique purement spéculative (donc particulièrement risquée).

Par ailleurs, je m’intéresse au Crédit Agricole, aux banques suédoises, à Santander / BBVA, et à d’éventuelles opportunités en Italie.

Je passerai aux stratégies d’investissement (selon le profil de risque et de sophistication de l’investisseur) dans un prochain message.

Je mets un screenshot de la base de données pour le screener pour ceux que ça intéresse.

Dernière modification par Scipion8 (10/05/2018 21h24)

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#4 10/05/2018 21h26

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ISTJ

Bonsoir Scipion,

Tout d’abord un grand merci pour votre générosité dans le partage de vos connaissances…

Juste une remarque de non qualifié du domaine, mais personnellement après avoir vu plusieurs films sur les subprimes et compris le rôle des agences de notation dans ce fiasco j’ai du mal à leur accorder le moindre crédit.

Economie.gouv a écrit :

A posteriori, la plupart des observateurs font valoir que les agences ont accordé trop généreusement des notes AAA (la meilleure note) sur les paquets titrisés. Cela a contribué à la formation de la bulle spéculative. Sans cette notation, le risque réel aurait sans doute été mieux appréhendé et l’euphorie aurait été moins grande.

Ensuite, lorsque le marché de l’immobilier s’est retourné, les agences n’ont pas dégradé correctement et en temps utile les titres de créances hypothécaires. Elles ont réagi trop tard et par des dégradations brutales, ce qui a aggravé la crise.

Au final 93 % des titrisations de produits hypothécaires commercialisés en 2006 avec la note AAA ont maintenant la note « d’obligation pourrie ».

Source du texte

En tout cas, encore merci pour vos explications, vivement la suite!


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1    #5 10/05/2018 21h51

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Bonjour scipion8,
Votre méthodologie est d’une incroyable précision!

J’aurais une remarque :
- dans votre analyse, vous ne semblez pas tenir compte du changement de normes (IAS39 en IFRS9) qui va impacter le bilan des entreprises cette année (surtout le bilan des établissements financiers).

En effet, les groupes bancaires avec une forte activité de banque de détail, et qui souscrivent donc beaucoup de prêts, subiront un impact important sur leurs capitaux propres cette année (à hauteur d’un milliard d’euros pour certains). Les années suivantes, les dépréciations supplémentaires (notamment celles dues aux dépréciations des prêts considérés comme "sains") impacteront quant à elles le résultat.

Il pourrait être intéressant de se focaliser plutôt sur des banques d’affaires ou avec un plus faible volume de prêts au passif.

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#6 11/05/2018 00h53

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@Bibike : Effectivement, la dernière crise financière avec l’épisode des subprimes et les CDOs a porté un grand préjudice à la réputation des agences de notation. Elles avaient clairement un problème méthodologique pour ces produits structurés, ainsi qu’un problème de fond sur leur mode de rémunération. Depuis, il y a eu des réformes et ces agences sont régulées plus strictement, mais je ne saurais affirmer si les racines du mal ont été éliminées.

Cela dit, perso je suis persuadé que les agences de notation sont indispensables. On a besoin d’intervenants neutres, indépendants et spécialisés, qui fassent ce travail technique d’évaluation du risque de crédit. C’est indispensable pour permettre à beaucoup d’émetteurs (souverains, entreprises, banques) de mettre leurs produits à disposition de la masse des investisseurs.

En effet, malgré les dégâts sur la réputation des agences de notation, la plupart des investisseurs continuent de réclamer une notation de crédit avant de pouvoir investir sur un produit financier. C’est indispensable à une bonne gestion des risques.

Dans le cas particulier de mon screening des banques, j’utilise les ratings comme une source d’évaluation du risque parmi d’autres, car aucune des sources que j’utilise n’est parfaite :
- les stress tests de la BCE/EBA ont aussi leurs limites (le fait que Banco Popular soit tombée en quasi-faillite seulement 1 an après le stress test, alors que dans le pire scénario du stress test, la banque gardait un ratio de solvabilité de 6%, jette quelques doutes) ;
- les CDS peuvent être très volatils ;
- les recommandations des analystes ont des biais bien connus (effets grégaires, caractère procyclique etc.)

[Juste pour l’anecdote, dans le cadre de mon travail dans une zone monétaire africaine, j’ai mis en place un système de gestion du collatéral à la banque centrale, qui incite les Etats à avoir une notation par une agence de notation reconnue par la banque centrale. C’est tout nouveau, et j’espère que je vais étendre cette innovation à d’autres zones monétaires. L’idée est de permettre une meilleure gestion du collatéral souverain par la banque centrale, et aussi d’accroître la transparence sur les comptes publics en Afrique (par le regard extérieur des agences de notation). Mon employeur m’a demandé d’écrire un Working Paper sur le sujet, pour publication. Je le circulerai éventuellement ici quand il sera publié - mais ça me coûterait mon anonymat.]

@Investir75 : Merci pour ce point. Effectivement, je laisse de côté la question des changements apportés par l’IFRS 9. J’ai limité l’exercice de screening aux banques européennes précisément pour éviter les biais comptables importants quand on essaie de comparer les banques européennes et américaines. Je pense (ou j’espère) que les résultats des stress tests de l’UE sont directement comparables et qu’il n’y a pas de biais comptables dans cet échantillon européen.

Mais s’agissant de l’IFRS 9, vous avez sans doute raison sur l’impact différencié selon le business de la banque. J’imagine que les nouveaux stress tests en préparation par la BCE et l’EBA prennent cet impact comptable en considération, je regarderai donc leurs résultats de très près.

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#7 11/05/2018 08h13

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Pour l’anecdote, Romain Burnand, analyste bancaire avant sa vie chez Moneta, disait des banques européennes que les dernières évolutions législatives les ont fait passer à un statut de "quasi-utility". Il semble estimer que le risque systémique a été significativement réduit et Moneta détient des positions significatives en BNP ou encore GLE.

A titre personnel, j’ai longtemps été actionnaire des banques canadiennes. A l’instar de leurs collègues scandinaves, leurs ROE sont très élevés : (exemple : 18% chez National Bank, 17% chez RBC etc). Et elles ont traversé la crise des subprimes pour ainsi dire sans broncher grâce, apparemment, à la robustesse du système de supervision canadien. Si par hasard vous avez un avis sur ce qui le distingue de ses homologues américains et européens…

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#8 11/05/2018 11h00

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Très bonne analyse que je partage. Le point principal que j’ai toujours pensé et qui me fait éviter les banques (bien que travaillant dans le domaine depuis 20 ans),  c’est votre point selon lequel "les banques ont par essence des bilans complexes et peu transparents". Je me sens personnellement incapable d’analyser un bilan bancaire.

Sur la partie solvabilité, je me rappelle avant la crise de 2008 quand j’avais un portefeuille de trading dans une banque ci-dessus, que pour un portefeuille de 200 millions (en partie short), j’avais une value at risk de peut etre 2 millions  et des fonds propres mis en face entre 5 et 10 millions. Ce n’était pas quelque chose que je regardais donc les chiffres sont approximatifs mais ca donne une idées de l’effet de levier.

Sur la partie competition, je suis partagé entre 2 facteurs:

- la banque est un "sticky business", quand on est client on a tendance à le rester meme si on n’est pas satisfait. Changer de banque est un processus long et compliqué et on ne le fait souvent que lorsqu’on cherche un crédit immobilier. Donc ca c’est un facteur qui joue en faveur des banques.

- A quel moment les nouveaux acteurs vont entrer dans le marché (Google, Amazon). La nouvelle génération a plus confiance en ces entreprises là que dans les banques. Le jour ou ils entrent sur ce marché, que va-t-il se passer ? Je suis curieux d’avoir votre point de vue la dessus.

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#9 11/05/2018 12h20

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Encore une fois j’aimerais attirer votre attention sur la Norvège smile Je n’ai pas du tout la même profondeur d’analyse que vous, mais j’ai grossièrement appliqué une méthode similaire : partir en premier lieu de la crédibilité/santé économique du pays, et ensuite examiner les banques au cas par cas en fonction de leur pertes en bad loans/secteurs d’activité privilégiés (immobilier, industrie pétrolière, …), avec une bonne dose de subjectivité dû à la complexité du sujet et mon inexpérience.

Toutefois, les banques du groupe Sparebank 1 me paraissent très intéressante : elles sont relativement comparables aux CRCAM Française, mais avec une structure d’actionnariat moins tortueuses. Leurs valorisations sont très bon marché (souvent PB < 0.5) et elles ont un historique plutôt bon, même si évidemment variable suivant la caisse.

J’avais particulièrement aimé la branche Nord Norge, situé dans une région avec beaucoup de potentiel de développement et une exposition moindre au secteur pétrolier (auquel je suis déjà beaucoup exposé par ailleurs) - dont je suis maintenant actionnaire.

Je continue de surveiller Sparebanken Vest, qui a aussi un profil intéressant mais plus risqué il me semble.

Il y aussi des petites banques indépendantes intéressantes et peu chères, comme Sandnes Sparebank et Høland og Setskog Sparebank.

Le système bancaire Norvégien me paraît tout aussi solide que le Suédois (attention, toujours de mon point de vue de profane !) mais avec beaucoup plus de marge de manoeuvre en cas de crise sérieuse : la Norgesbank n’a pas de programme de QE en cours, et leur taux directeur est encore au dessus de 0.

Je serais très intéressé par votre opinion sur tout ça : je ne suis qu’un analyste du dimanche, alors que vous avez une vraie expérience du secteur. Merci beaucoup pour tous vos messages sur ce forum dans tous les cas, ils sont très bien écrits (très pédagogiques) et instructifs !

Déontologie : je détiens une position acheteuse/vendeuse sur une ou plusieurs société(s) listée(s) dans ce message.


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#10 11/05/2018 13h38

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Kapitall a écrit :

Pour l’anecdote, Romain Burnand, analyste bancaire avant sa vie chez Moneta, disait des banques européennes que les dernières évolutions législatives les ont fait passer à un statut de "quasi-utility". Il semble estimer que le risque systémique a été significativement réduit et Moneta détient des positions significatives en BNP ou encore GLE.

Effectivement. Je me pose aussi la question de surpondérer les banques dans un portefeuille d’actions orienté rendement et faible volatilité.

Auparavant, pour ces objectifs, on surpondérait les utilities. Mais avec la dérégulation européenne, les utilities semblent être devenus de mauvais investissements. Les investissements sont lourds et les sociétés n’ont plus la "garantie" d’un minimum de rentabilité. Et elles ne bénéficient plus de la baisse des taux pour se refinancer toujours moins cher. Aux USA, les utilities qui surperforment bénéficient complètement d’une relation gagnant-gagnant avec l’Etat régulateur : en gros, le RoA est fixé par le régulateur. Mais là-aussi, la hausse des taux pèse sur les profits futurs.

Aujourd’hui, ce sont les banques qui sont très réglementées dans leur activité, mais pas dans leur prix et la concurrence entre elles semblent mesurée avec des frais bancaires toujours élevés. Les fintechs qui devaient leur faire de l’ombre ont fait pétard mouillé et les plus prometteurs ont été rachetés ou espèrent l’être.

Au final, dans un contexte de hausse des taux, les banques aujourd’hui assainies sont peut-être de nouveau intéressantes pour l’investisseur particulier, même si celui-ci ne peut comprendre leur bilan.

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#11 11/05/2018 14h28

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Votre analyse, Philippe, résume assez précisément ce que je pense, à la nuance près que le beta des banques reste tout de même élevé (en réaction à « faible volatilité ») et qu’il est fort probable, comme Scipion8 le rappelle, que le prochain ralentissement économique provoquera une baisse marquée du cours des banques.
Les stress test de la FED impliquent pour les banques de pouvoir maintenir leur dividende inchangé : j’espère que les stress tests de la zone Euro ont le même degré d’exigence.

(pour être transparent : actionnaire d’un panier de banques françaises, néérlandaises, allemandes & finlandaises).

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1    #12 12/05/2018 12h27

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@Kapital, IH :

1) La thèse d’une évolution des banques européennes en "quasi-utility" est intéressante, mais je pense trop optimiste / complaisante sur les risques dans le système bancaire. La régulation bancaire a été renforcée après la crise (ratios de solvabilité renforcés, ratios de liquidité, renforcement des règles Know-Your-Customer…), mais la prise épisodique de risques excessifs est inhérente à l’activité bancaire, à l’économie et, plus généralement, à la psychologie humaine. Les régulations peuvent réduire un peu les risques mais pas les éliminer, et même si la prise de risques excessifs a lieu hors du système bancaire (comme c’est le cas actuellement, à mon avis), les banques finissent par se retrouver indirectement exposées à ces risques (le système bancaire est comme le foie dans le corps humain).

2) Cela dit, historiquement les cycles de renforcement de la régulation et de dérégulation de l’activité bancaire durent plus longtemps que les cycles économiques. On peut donc considérer (et espérer) que le cycle de renforcement de la régulation qui a commencé au début des années 2010 ne va pas s’affaiblir trop vite, ce qui pourrait justifier une évaluation plus optimiste du risque bancaire. Cela dit, on voit bien avec Trump que la dérégulation et une attitude "enough with regulation" pointe déjà son museau. Il faut bien comprendre que la psychologie de complaisance et de prise de risques excessifs affecte aussi les régulateurs et banquiers centraux ! (je l’ai vécu dans mon environnement professionnel quand, "intoxiqués" par les opinions des banques, nous avons initialement minimisé l’importance du problème des subprimes US, début 2007)

3) Perso je pense que tout portefeuille un peu significatif doit comprendre une exposition aux banques, qui sont un moyen simple de parier sur l’économie et de profiter du cycle économique. A mon sens, on doit idéalement faire évoluer la pondération du secteur bancaire dans le portefeuille selon le cycle économique (par exemple 5% en haut du cycle, 15% en bas du cycle pour un portefeuille en phase de capitalisation - je suis autour de 5% actuellement ; je reviendrai sur les stratégies dans un autre message).

4) Pour un portefeuille générant des rentes (phase de consommation), la pondération des banques doit sans doute être un peu renforcée, mais toujours avec (i) cette idée de faire varier la pondération selon le cycle et (ii) une diversification par devises / pays / régions suffisante (car le risque est plus important que sur des aristocrates du dividende dans l’industrie).

5) Cela dit, pour un portefeuille de rente, les obligations bancaires peuvent être un produit plus adapté (et moins risqué !) que les actions bancaires. (Je reviendrai sur ce point dans mon message sur les stratégies) Comme pour les actions, il faut utiliser le cycle pour optimiser le point d’entrée pour les obligations bancaires.

6) Perso je suis un peu sceptique sur les stress tests menés dans l’UE (BCE et EBA), que je trouve insuffisamment exigeants. A ma connaissance, il n’y pas de critère de continuité du dividende. Je me concentre sur le scénario adverse, mais même celui-là semble parfois insuffisamment exigeant (l’exemple de Banco Popular, qui survivait sans problème à ce scénario, mais a coulé un an plus tard alors que les conditions économiques étaient bonnes en Espagne, est assez perturbant). Je pense que les stress tests sont un peu pollués dans l’UE par la compétition entre pays (aucun pays ne veut se retrouver avec un système bancaire apparaissant plus faible que celui des voisins). Il faut être un peu indulgent et patient car il s’agit d’un exercice nouveau, mais j’espère que la BCE va assurer la crédibilité des prochains stress tests et qu’ils ne seront pas complaisants. En tout cas, il faut croiser les sources sur le risque bancaire (CDS, stress tests, agences de notation, analystes).

------------------------------------------------------------------------------------------------

@Biapi :

La question de la compétition par des nouveaux entrants dans le secteur bancaire est intéressante. A mon sens, il y a trois conditions nécessaires pour l’arrivée de nouveaux entrants dans ce secteur :

1) une rupture technologique : est-ce que des nouveaux entrants tels que Google ou Amazon peuvent "disrupter" le modèle des banques traditionnelles ? Celles-ci se sont adaptées au nouveau modèle de la banque en ligne, elles investissent massivement dans les nouvelles technologies, donc ce n’est pas certain que de nouveaux acteurs, partant de zéro, puissent les dépasser (mais évidemment le potentiel d’innovation d’une firme comme Google est impressionnant et difficilement prévisible).

2) la barrière de la régulation : depuis la crise, la régulation bancaire est devenue plus complexe et exigeante. Les banques ont dû beaucoup travailler et investir pour s’adapter à ce nouvel environnement réglementaire. A mon sens, ça rend plus difficile l’entrée de nouveaux acteurs sur ce secteur.

3) la profitabilité : une autre conséquence du renforcement de la régulation bancaire, c’est l’évolution du rapport risk / reward dans le secteur bancaire : moins de risques, mais moins de profits (même si parler de "quasi-utility" va un peu trop loin à mon sens). Aujourd’hui un ROE de 10% est satisfaisant pour une banque, alors qu’avant la crise 15% était un must. Aujourd’hui, Google et Amazon ont des ROE beaucoup plus élevés (20% et 28% respectivement) : quel intérêt auraient ces entreprises à "envahir" un secteur à ROE structurellement beaucoup plus faible ? Je pense que cela n’arrivera pas, à moins d’une grande rupture technologique. (En revanche, on voit qu’un acteur comme Orange, qui a un ROE de 9%, s’intéresse à l’activité bancaire.)

------------------------------------------------------------------------------------------------

@Kapitall :

Oui, les banques canadiennes ont une excellente rentabilité, un profil de risque solide (ratings comparables aux meilleures banques européennes), et bénéficient d’un bon sentiment de marché. Mais je les trouve chères à ces niveaux (P/B élevés), ce qui rend leur rendement assez moyen. Je préfère les banques françaises et scandinaves actuellement.


La capitalisation boursière des 5 plus grandes banques canadiennes totalise 322 milliards € actuellement, contre "à peine" 171 milliards € pour les 4 plus grandes banques françaises, un pays dont la population est le double du Canada et dont les banques peuvent en outre bénéficier d’une meilleure exposition à des pays en développement, notamment en Afrique et en Europe de l’Est. (Même si cette comparaison est biaisée par le fait qu’une part importante du secteur bancaire français n’est pas cotée, et même s’il faut bien sûr reconnaître au marché canadien un plus grand dynamisme que le marché européen, ne serait-ce que pour des raisons démographiques.)

Cela dit, sur une correction de marché de 20% ou plus (les actions des banques canadiennes, comme celles des banques US, devraient subir un effet amplifié du retournement économique qui arrivera tôt ou tard en Amérique du Nord), ce sont clairement pour moi des actions très intéressantes pour du fond de portefeuille (en vérifiant que le taux de change EUR/CAD ne les rend pas trop chères pour l’investisseur € : une autre raison pour laquelle je préfère les banques suédoises actuellement).

Expliquer la meilleure profitabilité des banques canadiennes par rapport à la plupart des banques européennes n’est pas évident, je pense que les facteurs suivants jouent :

1) Un très bon business mix entre banque de détail et marchés de capitaux. RBC, par exemple, tire 50% de ses revenus de la banque de détail, 22% des activités de marchés, 16% de la gestion d’actifs (une activité souvent externalisée, peut-être à tort, par beaucoup de banques européennes), 6% de l’assurance et 6% des services de gestion des titres : un beau modèle de banque universelle, où les activités de marchés sont complémentaires de la banque de détail, sans devenir le principal moteur du profit (et des risques !) - ce qu’on peut (ou a pu) reprocher à BNP Paribas ou SocGen. Même prédominance de la banque de détail pour Toronto-Dominion  et Nova Scotia. Il faudrait faire une analyse beaucoup plus fine, mais mon impression est que les activités de finance de marché des banques canadiennes sont sans doute moins variées et moins risquées que celles de ces 2 banques françaises (ou a fortiori, de Deutsche Bank) : sans doute une meilleure sélectivité dans ces activités. Les activités de finance de marché, avec tous leurs risques opérationnels et de réputation (incidents du type Kerviel, scandale du LIBOR etc.), portent un stigma dans la perception des marchés boursiers, ce qui pénalise sans doute les banques qui y sont fortement exposées, par exemple en termes de coût de financement.

2) De façon plus conjoncturelle, la remontée du taux directeur de la Banque du Canada (actuellement 1,25%) améliore sans doute la profitabilité de la banque de détail au Canada, alors que les banques de la zone euro souffrent dans un environnement de taux très bas voire négatifs.

3) La perception d’autorités publiques compétentes et proactives joue aussi sans doute dans la perception de risques faibles pour les banques canadiennes, se traduisant par des coûts de financement faibles. Le Canada apparaît plus solide sur le plan budgétaire que beaucoup de pays européens, et l’Etat Canadien est sans doute perçu (à tort ou à raison) comme davantage disposé à sauver ses banques en cas de besoin que l’Etat US (dont le cas Lehman Brothers a montré la logique plus "darwinienne"). La Banque du Canada est une des toutes meilleures banques centrales au niveau technique, et même probablement plus innovante que la BCE (par exemple, ils sont en train de tester un CADcoin, cryptomonnaie de banque centrale). Au début de la crise en 2007-2008, la Banque du Canada a dû intervenir de façon très énergique pour empêcher un problème majeur de liquidité pour le système bancaire canadien, qui utilisait jusqu’alors massivement les ABCP (Asset-Backed Commercial Paper) pour financer ses actifs à long-terme. Après quelques frayeurs, tout s’est bien terminé, et les banques canadiennes ont traversé la crise sans encombre (et Mark Carney a même été "volé" par les Britanniques pour devenir Gouverneur de la Banque d’Angleterre) : les banques canadiennes continuent sans doute de profiter de cette période bien surmontée, les perceptions positives du marché se traduisant par des coûts de financement faibles.

Dernière modification par Scipion8 (12/05/2018 13h12)

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3    #13 13/05/2018 11h58

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Bonjour Doubletrouble,

Quelques réflexions sur le système bancaire norvégien (je m’appuie essentiellement sur des rapports récents de la Norges Bank, auxquels j’ajoute mon interprétation) :

1) Les risques politiques semblent très faibles. Pas d’extrême-droite (ce qui est remarquable dans le contexte européen), une extrême-gauche reléguée à moins de 5% par un parti travailliste qui résiste bien (résultats de l’élection législative de septembre 2017).

2) Le contexte économique est très bon, mais l’augmentation continue de la dette des ménages représente un risque majeur. La hausse continue des prix de l’immobilier jusqu’en 2017 (il y a eu une correction l’an dernier) a entraîné une forte accumulation de dette par les ménages norvégiens. Un contexte comparable avait conduit à une crise bancaire majeure en 1988-1993 (traitée avec succès par la Norges Bank), qui avait d’abord affecté les caisses d’épargne, puis les grandes banques systémiques. En cas de retournement économique, beaucoup de ménages norvégiens pourraient avoir du mal à honorer leurs dettes, entraînant une hausse des créances en souffrance et des pertes pour les banques.

Norges Bank (Monetary Policy Report, mars 2018) a écrit :

Household debt has risen faster than household income for many years, and debt ratios increased further through 2017. Owing to high and rising household debt, and despite the low level of interest rates, the household debt service ratio, ie the ratio of interest and normal principal payments to income, has reached the levels prevailing at the time of the banking crisis at the end of the 1980s.

Norvège : Encours de crédit en proportion du PIB


Norvège : Dette des ménages


Dans son "mapping" des risques, la Norges Bank identifie clairement la dette des ménages comme un risque majeur.


3) En comparaison internationale, les actifs bancaires en proportion du PIB semblent à un niveau raisonnable, mais le ratio des prêts sur dépôts atteint une cote d’alerte. Le système bancaire norvégien ne semble pas obèse par rapport à ses voisins, mais il faut se méfier de ces comparaisons internationales : le système bancaire norvégien est sans doute avantagé, par rapport à ses voisins, par la faiblesse des activités de finance de marché et de ses activités internationales. En revanche, le rapport entre prêts et dépôts atteint un niveau inquiétant : pour moi, un niveau de 120% est un premier niveau d’alerte ; à 150% il faut commencer à envisager des actions pour modérer le crédit ; à 200% on appelle le FMI (je simplifie, hein).

Comparaison internationale des actifs bancaires totaux en fonction du PIB


Norvège : Structure de bilan des banques


4) L’immobilier commercial, qui représente près de la moitié des prêts aux entreprises, est un facteur de risque potentiel pour les banques norvégiennes.

Norvège : Prêts bancaires aux entreprises


5) Ces dernières années, les banques norvégiennes ont maintenu ont bon niveau de profitabilité. Cette performance est remarquable dans un environnement de taux bas peu favorable à la profitabilité de la banque de détail.

Norvège : ROE des banques


6) Les banques norvégiennes ont des niveaux de solvabilité solides, qui devraient les protéger en cas de choc. Outre le niveau assez élevé des ratios de solvabilité, il faut noter une certaine homogénéité entre banques, signe probable que la Norges Bank est attentive à éviter la présence de "maillons faibles" dans le système bancaire.

Norvège : Ratios de solvabilité des banques


7) Les banques norvégiennes n’ont actuellement aucun problème de financement mais :

a) Le fait qu’elles se financent sur le marché interbancaire de façon non sécurisée (sans collatéral), plutôt que de façon sécurisée (comme c’est largement devenu la règle en zone euro), est une vulnérabilité potentielle en cas de crise (risque accru de "gel" soudain du marché interbancaire). Le recours important aux swaps de change est une autre source de risque potentielle (ce marché a été épisodiquement très dysfonctionnel lors de la crise, particulièrement en 2007-2008).


b) Les banques norvégiennes se financent de façon très importante sur la maturité la plus courte (au jour le jour), d’où un risque de liquidité en cas de choc soudain.


c) Les banques norvégiennes ont un recours très importants aux covered bonds (OMF en Norvège, comparable aux Pfandbrief en Allemagne, obligations foncières en France) : un véhicule de financement très solide mais qui entraîne une hausse de la non disponibilité des actifs (asset encumbrance) pour les créditeurs et actionnaires en cas de liquidation.


8) La baisse globale du nombre d’intervenants sur le marché bancaire norvégien, notamment par les regroupements de caisse d’épargne, est un facteur positif pour l’investisseur. Une prolifération des banques et une pression compétitive trop forte poussant à une prise de risques excessive sont des facteurs de risque pour l’investisseur. A noter que la croissance du nombre de mortgage companies est due à des filialisations effectuées par des banques.





9) Les caisses d’épargne norvégiennes ont des spécificités qui doivent être prise en compte par l’investisseur :

- Les caisses d’épargne ont un rôle social particulier. Ce rôle particulier peut-il éventuellement empêcher une maximisation des intérêts des actionnaires, ou doit-il être au contraire considéré comme faisant partie de "l’image de marque" des caisses d’épargne, contribuant à leur succès sur la durée (et, plus cyniquement, à un plus grand soutien des pouvoirs publics en cas de besoin) ?

Norges Bank a écrit :

Savings banks are expected to support communities, even if no legal obligation exists, both by offering reliable banking services and by using portions of local earnings to support local activities.

- Les syndicats jouent un rôle particulier dans la gouvernance des caisses d’épargne. En particulier, la Confédération norvégienne des syndicats LO est actionnaire à hauteur de 9,6% de SpareBank 1 Gruppen (les autres actionnaires étant 5 SpareBanken régionales : SR-Bank, Nord-Norge, SMN, Ostlandet, et Samarbeidende). (Donc même question sur la maximisation des intérêts des actionnaires des SpareBanken régionales.)

- Depuis les années 1990, certaines caisses d’épargne s’organisent en "alliances", comme SpareBank 1 Gruppen et Eika Alliance. Ces structures ont été formées surtout pour mettre en commun les ressources des SpareBanken régionales pour développer des activités non-bancaires, alors que chaque SpareBank garde une entière autonomie sur ses activités bancaires. [Je ne suis pas convaincu que le parallèle avec le Crédit Agricole et ses caisses régionales soit totalement pertinent : mon impression est que ces "alliances" norvégiennes sont beaucoup plus lâches, avec beaucoup plus d’autonomie que les caisses régionales du Crédit Agricole, outre les différences capitalistiques comme l’absence en Norvège, de participations croisées qui existent au Crédit Agricole.]

- Il semble y avoir occasionnellement des bisbilles entre SpareBanken. En tout cas, c’est l’impression que me donnent le fait que certaines SpareBanken soient restées totalement indépendantes, voire aient quitté l’Alliance (comme Vest). Il faudrait creuser pour identifier les raisons du problème, et voir si on doit en tirer des conséquences pour l’investisseur particulier intéressé par les SpareBanken.


10) La Norvège semble avoir un régulateur / superviseur bancaire compétent, mais peut-être un peu inexpérimenté dans le traitement des crises. Je connais mal la Norges Bank (alors que j’ai eu beaucoup de contacts avec la Riksbank en Suède). Leurs publications me semblent excellentes. Ils ont récemment fait (légèrement) évoluer leur cadre de politique monétaire, avec une cible d’inflation explicite à 2% et une transparence sur leurs prévisions (j’interprète ça comme une sorte de fusion des modèles BCE et Riksbank).

En revanche, je me pose des questions sur leur capacité à faire face à une crise systémique : ayant largement échappé à la crise de 2007-2013, il leur manque sans doute une expérience de "combat". J’ai remarqué ça notamment dans une publication où ils expliquent les S-loans qui ont parfois été attribués par la Norges Bank à des banques en difficulté (fonction de prêteur en dernier ressort) : certains de ces prêts ont été attribués sans collatéral, et parfois pour des périodes très longues - en rupture avec les bonnes pratiques internationales appliquées notamment par la BCE (et que je diffuse maintenant un peu partout). J’espère que la Norges Bank se met à la page aussi sur ces sujets, car c’est crucial en cas de crise systémique (qu’on ne peut exclure au vu notamment des risques sur la dette des ménages).

Conclusions :

- Les actions des banques norvégiennes me semblent un produit intéressant comme fond de portefeuille, en raison de la force de l’économie norvégienne, de la compétence des autorités publiques, des risques politiques faibles, et de la bonne profitabilité et solvabilité des banques.

- Néanmoins, je pense qu’il faut être prudent sur la taille de cette exposition aux banques norvégiennes, en raison de signaux d’alerte actuellement à l’orange (notamment dette des ménages et ratio prêts sur dépôts). Une réédition d’une crise façon 1988-1993 n’est pas à exclure, même si on peut espérer un scénario moins défavorable de dégonflement progressif de la dette des ménages, de ralentissement des prix de l’immobilier (qui a commencé en 2017) et de décélération des prêts bancaires.

- Au sein du système bancaire norvégien, je préfère DNB aux SpareBanken en raison (i) d’un risque a priori plus limité (voir notations Moody’s), (ii) d’une exposition aux pays baltes en croissance (via la joint-venture Luminor avec Nordea dans ces pays), (iii) des risques spécifiques aux SpareBanken (que j’ai un peu de mal à analyser car je n’ai pas de liens personnels avec la Norvège, contrairement à la Suède - dans l’ignorance j’ai tendance à m’abstenir), et (iv) de la taille trop petite des SpareBanken pour que je m’y intéresse (autant j’aime les micro caps dans l’industrie, autant pour des actions bancaires en fond de portefeuille, je préfère des leaders). Cela dit, une petite ligne sur une SpareBank au sein d’un portefeuille diversifié et une optique de long-terme (donc au-delà du cycle économique et d’une potentielle crise bancaire) ne me choque pas.

Dernière modification par Scipion8 (13/05/2018 20h15)

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1    #14 14/05/2018 08h18

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Je me permet d’ajouter quelques remarques d’ordre général à vos propos sur les banques canadiennes :

- Les hauts ROE affichés découlent pour partie du fait qu’elles oeuvrent dans un marché national qui les protège relativement de la concurrence : The current acadaemic consensus is that the banking sector in Canada is “monopolistically competitive” or “imperfectly competitive” . Leurs services sont par ailleurs relativement chers : $220 par an pour les services de base en 2017 (tenue de compte etc)… Pour avoir vécu quelques temps au Canada, j’ai été étonné du peu d’intérêt des canadiens pour les banques en ligne gratuites (comme Tangerine, ex-ING, rachetée par BNS). L’inertie des consommateurs protège les parts de marché des banques historiques.

- Concernant la capitalisation boursière : n’oubliez pas que les big 5 sont assez actives à l’étranger : 37% des revenus de BNS au 1er trimestre 2018, par exemple, viennent de l’étranger (Amérique centrale et latine, en particulier), contre 43% du marché retail au Canada.   

- Les canadiens sont structurellement très endettés : $22.837 d’endettement par personne, hors crédit immobilier. Ou au sens plus large : 170% du revenu annuel net après taxes. Stephen Poloz explique que c’est, pour partie, une conséquence de la hausse continue des prix de l’immobilier résidentiel (un trait partagé avec d’autres pays comme la Norvège etc). En tout cas, selon la BIS : certains ratios sont au rouge vif :

BIS a écrit :

« The latest report by the Bank of International Settlements (BIS) said Canada’s credit-to-GDP gap and debt-service ratios have surpassed critical thresholds and are signaling red, pointing to vulnerabilities.
BIS, however, cautions that these indicators should not be treated as a formal stress test, but as a first step in a broader analysis.
The country’s credit-to-GDP gap is 9.6, above the group’s critical red zone threshold of nine. This indicator measures the gap between the country’s credit-to-GDP ratio and the overall long-term trend over time — a widening of which can indicate a possible financial imbalance. Canada is one of four countries in the red zone on this metric along with Hong Kong, China and Switzerland, at 30.7 per cent, 16.7 per cent and 16.3 per cent, respectively. The United States, for comparison, is -6.9.
As well, Canada’s debt-service ratio, which measures interest payments and amortizations relative to income, is at 2.9 per cent. That surpasses BIS’ critical threshold on this measure of 1.8 per cent. »

- A titre personnel, je suis sorti des banques canadiennes il y a quelques mois. Je n’arrive pas à être à l’aise avec la conjonction de plusieurs facteurs : prix de l’immobilier extravagant dans les grandes villes, hausse continue de l’endettement des ménages, haut de cycle économique probable, cours des banques à des multiples qui ne sont pas bon marché (P/B, write-offs très bas etc). J’ai préféré, à la place, prendre des postions sur des banques européennes.

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#15 31/05/2018 09h37

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Scipion8 a écrit :

@Kapital, IH :

1) La thèse d’une évolution des banques européennes en "quasi-utility" est intéressante, mais je pense trop optimiste / complaisante sur les risques dans le système bancaire. La régulation bancaire a été renforcée après la crise (ratios de solvabilité renforcés, ratios de liquidité, renforcement des règles Know-Your-Customer…), mais la prise épisodique de risques excessifs est inhérente à l’activité bancaire, à l’économie et, plus généralement, à la psychologie humaine. Les régulations peuvent réduire un peu les risques mais pas les éliminer, et même si la prise de risques excessifs a lieu hors du système bancaire (comme c’est le cas actuellement, à mon avis), les banques finissent par se retrouver indirectement exposées à ces risques (le système bancaire est comme le foie dans le corps humain).

Bien vu !

La "crise" italienne et l’impact sur les banques/assureurs européens qui sont "exposés" à ce pays le montre à nouveau.

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#16 11/10/2018 18h43

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Cela fait quelques temps que je m’interroge sur l’opportunité d’investir dans le secteur bancaire et suite à la lecture de cette file j’ai essayé de regarder certains historique de cours / dividendes. Cela me conduit à plusieurs observations ci-dessous. N’hésitez pas si cela vous fait réagir.

Sur certaines grosses banques françaises (bnp, socgen), le dividende est actuellement de 6%.
Sur un ETF financial européen (iShares MSCI Europe Financials ETF) le dividende annualisé est à 4,82%
( iShares MSCI Europe Financials ETF | EUFN )
Donc en gros, en achetant le secteur bancaire actuellement, on est sur un rendement équivalent au rendement long terme historique sur un ETF world.

L’historique de rendement de la bnp (50€) - https://www.tradingsat.com/bnp-paribas- … ende.html, rapporté au cours actuel est au minimum de 2% (2008) et il a été de 3% pendant la phase de "rattrapage". Au plus fort de la crise (2008, 2011), le cours se positionnait à 50% du cours actuel (donc 50% de perte en capital si on retombe sur ces niveaux)

Pour la socgen (36€) - https://www.tradingsat.com/societe-gene … dende.html - le dividende a été plus volatil. Il est de 6% actuellement mais c’est assez récent (2 ans) avec pas mal d’année à 3% par rapport au cours actuel. Au plus fort de la crise, le cours perdait un peu plus de 55% par rapport au cours actuel.

En cas de faillite d’une banque, je comprends que l’actionnaire risque de retrouver 0% donc le risque de perte de capital et de rendement existe bel et bien. On connaît l’historique, 2008, le renforcement des règles de solvabilité, l’opacité globale du système, la thématique du "risque systémique" qui peut mettre à plat le système.

Selon moi si un risque systémique devait se produire, en tant que semi-rentier, j’aurais du souci à me faire car il y aurait probablement des faillites d’établissements financiers, augmentations d’impôts, hair-cuts ?

En parallèle, les taux devraient augmenter aux us et en europe pour revenir à des niveaux pre-crise plus habituels. Si je comprends bien, cela va bénéficier aux banques (en dehors du fait que certains états vont avoir la vie dure avec une hausse de taux associée à la hausse du pétrole)

J’ai l’impression que la crise a finalement surtout montré que sans les banques, le monde financier n’existe pas, et que le monde est loin de pouvoir fonctionner sans les banques, leurs conseillers, leurs produits douteux et leurs appétit de l’argent. Après tout, "if you can’t beat them, join them" il vaut peut-être mieux être actionnaire que client.

Si on fait le pari de la normalisation progressive de l’économie post-crise (peut-être pendant encore 8 ans ?) l’investissement d’une partie non négligeable de patrimoine dans les bancaires me semble être une thèse intéressante.

Qu’en pensez-vous ? Quel part de votre patrimoine investissez-vous dans les bancaires ?

Dernière modification par tikou (11/10/2018 18h58)

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#17 11/10/2018 21h02

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Une bonne part de la thèse bear sur les bancaires est que la crise et les règles additionnelles limitent leur rentabilité. On serait passer sur une logique d’utilities avec la réglementation.

A moyen/long terme, il y a aussi la disruption par les fintech qui vont faire fondre les marges des banques (ou du moins les motiver sà réduire leur base de coût, ce qui n’est jamais facile).

Etant actionnaire de Société Générale et d’HSBC, je pense que le marché est trop négatif.

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1    #18 12/10/2018 10h38

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@tikou : Quelques remarques :

1) Il faut voir tout l’évantail des risques : le risque de faillite / liquidation n’est que le plus extrême. Pour des banques suffisamment grandes, d’importance potentiellement systémique, et dans des Etats "solides" (disons rating > AA) comme la France, la probabilité que ce risque se matérialise est très faible. En effet les autorités feront tout pour éviter un tel scénario. Sur l’échantillon d’une cinquantaine de banques de la zone euro en grande difficulté pendant la dernière crise (2007-2014), une seule a été liquidée - et il s’agissait d’une liquidation "organisée", avec un impact parfaitement limité par les autorités irlandaises.

Dans tous les autres cas on a trouvé une solution pour maintenir l’activité de ces banques : recapitalisation (par fonds privés ou par l’Etat), reprise pour 1€ symbolique par une autre banque (P&A, purchase & assumption), séparation good bank/bad bank… Il s’agit de différentes formes de "résolution", qui permettent généralement de protéger les déposants et créanciers seniors des banques… mais pas les actionnaires ! Les actionnaires des banques ont la position la plus risquée, et dans ce genre de scénarios, il subissent souvent une perte quasi totale, par dilution : la dilution par recapitalisations successives est le principal risque pour l’actionnaire, pas la faillite / liquidation !

Si je schématise (en simplifiant beaucoup) les différents scénarios à risques pour les banques, et leurs effets pour les différents apporteurs de capitaux (actionnaires, détenteurs d’obligations, déposants) :


En termes de probabilités, le principal risque (et de loin) pour l’actionnaire est représenté par les scénarios 1 et 2 : des pertes sur le portefeuille de prêts de la banque (typiquement pendant une récession), entraînant une coupe du dividende et un besoin de recapitalisation, donc un risque de dilution importante pour l’actionnaire. En effet les banques opèrent dans un environnement régulé : en cas de baisse de leur solvabilité en-dessous des minima prudentiels, elles doivent se plier aux demandes du superviseur et se recapitaliser de gré ou de force - par les actionnaires existants, par de nouveaux investisseurs, ou, en dernier ressort, par l’Etat. Si l’Etat doit intervenir, la dilution est souvent très importante. Par ailleurs, face à une telle situation le superviseur tend à demander un apport de capitaux important, en anticipation de potentielles futures pertes.

2) Les banques sont un véhicule d’investissement très pertinent en phase de rente, mais il faut réfléchir aux poids respectifs des actions et des obligations. Du fait du caractère mature et cyclique de leur activité, les banques (profitables) se doivent de verser des dividendes importants à leurs actionnaires. Elles sont donc intéressantes pour le rentier - davantage que pour un épargnant en phase de capitalisation.

Mais le 100% actions n’est pas forcément approprié ! Vous voyez sur mon schéma que le détenteur d’obligations seniors (et même subordonnées) a un risque de perte en capital beaucoup plus réduit que l’actionnaire d’une banque. En phase de rente (et pour ceux qui ont un patrimoine financier suffisamment important), il peut donc être avantageux de s’intéresser aux obligations bancaires, en complément des actions bancaires. C’est ce que font certains sur ce forum, et ils ont bien raison. Pour un rentier, il peut être avantageux de "sacrifier" un peu de rendement en faveur de flux plus prévisibles et d’un risque de perte en capital plus réduit - ce que permettent les obligations bancaires.

3) Dans le choix des banques, il faut prendre en compte notamment (i) le business model (les banques de détail pures sont moins risquées que les banques universelles ou les banques d’investissement), (ii) la qualité du soutien implicite de l’Etat (en termes de capacité, Allemagne > France > Italie / Espagne > Grèce ; en termes de volonté, ça dépend de la situation politique du pays), et (iii) la taille et l’importance systémique de la banque (too big to fail). Les autorités auront tendance à vouloir sauver coûte que coûte une banque jugée systémique, alors qu’une petite banque dans la même situation pourrait être condamnée. Pour l’actionnaire, il y a de toute façon un risque de forte dilution, mais pour le détenteur d’obligations, cela peut changer beaucoup de choses (choix de différents scénarios dans ma table ci-dessus).

4) Mes principes et rules of thumb perso (mais ce ne sont pas des principes universels, et puis il faudrait les backtester) :

a) N’investir que sur des grandes banques d’importance potentiellement systémiques.

b) Ajuster le rendement minimum exigé selon le risque souverain perçu : je m’intéresse aux grandes banques françaises (BNP, SocGen, Crédit Agricole - pas les autres) si dividende > 5%, aux grandes banques italiennes (Intesa Sanpaolo, Unicredit - pas les autres) et espagnoles (BBVA, Santander - pas les autres) si dividende > 6% etc.

c) Sous-pondérer les banques en haut de cycle, surpondérer en bas de cycle (sur la base des signaux macroéconomiques et des résultats des banques).

d) Pour les actions bancaires, ne pas dépasser 5% du portefeuille en phase de capitalisation / 10% en phase de rente. A multiplier par 2 si compétence professionnelle d’appréciation du risque bancaire (10%/20% - mais il s’agit de plafonds, hein).

e) Pour un portefeuille >1-2M€ et en phase de rente, diversifier en obligations bancaires, en ciblant 50% actions / 50% obligations pour le segment bancaire. (En haut de cycle : sous-pondérer les actions et les obligations subordonnées, sur-pondérer les obligations seniors. Et vice versa en base de cycle.)

f) Eviter les paris contrarians sauf compétence avérée par rapport au marché.

g) Regarder les primes de CDS (Credit Default Swaps) : éviter les banques dont le différentiel de CDS par rapport à leur souverain > 50-100 points de base.

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#19 12/10/2018 11h43

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Merci pour vos remarques toujours très étayées.

Oui je comprends que le véritable risque pour l’actionnaire sur les grosses banques est un risque de recapitalisation (augmentation de capital par exemple). Je n’avais pas vu que cela peut arriver très vite à la demande du régulateur si certains ratios ne sont plus respectés.

En situation de rente, il peut alors être difficile de participer à la recapitalisation pour suivre.

En cas de récession ou de défauts importants dans un secteur, vu les montants qui ont été prêtés ces dernières années, j’imagine que cela peut finalement arriver assez vite sans être totalement attendu.

Les CDS seraient alors un moyen relativement réactif de mesurer l’apparition d’un risque sur le marché et de réagir en conséquence.

Pour mieux comprendre, j’ai regardé ceux de la BNP et SOCGEN sur datagrapple (cf DataGrapple par exemple). le graphique montre une valeur de 50 pour le spread (bps). Est-ce bien ce chiffre que vous mentionnez dans votre message ? autrement dit est-ce que le spread affiché par datagrapple est bien selon vous le spread par rapport au taux souverain le plus approprié pour le titre ou est-ce qu’il faut faire un retraitement ?

Dans ce cas BNP et SocGen sont à la limite de ce que vous surveillez (> 50-100 points de base) ? HSBC à 40 serait considéré comme moins risqué (mais plus cher comme vous l’avez fait remarqué plus haut)

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#20 12/10/2018 13h00

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Les CDS des banques sont intéressants à 2 titres :

a) Le CDS donne une idée du risque sur la banque en termes absolus (c’est la prime d’assurance contre un risque de défaut, à un horizon donné). En gros, pour des CDS 5 ans : <50 points de base = pas de souci, 50-100 points de base = vigilance, 100-200 points de base = il faut comprendre ce qui se passe, > 200 points de base = rester à l’écart.

b) Le différentiel entre le CDS d’une banque et le CDS de son souverain (CDS BNP Paribas - CDS France, par exemple) donne une idée du risque bancaire "pur", après neutralisation du risque souverain. C’est à cette mesure que je faisais référence dans mon précédent message.

Voici une table qui présente cette mesure du risque relatif pour un échantillon de banques :


Commentaires :

1) Le fait qu’une banque X ait un CDS plus bas qu’une banque Y n’est pas forcément signe d’une meilleure gestion. Il peut aussi s’agir d’un business model différent, moins risqué : par exemple Crédit Agricole a un business model (un peu) moins risqué que BNP Paribas, Wells-Fargo a un business model moins risqué que Goldman Sachs etc.

2) Du point de vue du risque, les 3 grandes banques françaises me semblent OK en ce moment. Du point de vue des dividendes aussi. La seule question pour moi c’est faut-il attendre le prochain point bas de cycle ou pas ? Je suis actionnaire de BNP Paribas (fond de portefeuille) et de SocGen (mini-ligne), je prévois d’augmenter nettement ces lignes au prochain point bas de cycle.

3) Pour l’Allemagne j’indique un CDS souverain 5 ans de 13 bps et non 7 bps indiqué par DataGrapple. Je fais cette correction sur la base du graphique historique. Le problème des CDS sur des pays très solides comme l’Allemagne c’est qu’ils sont illiquides, donc il faut se méfier des cotations affichées.

4) Les 2 grandes banques italiennes sont dans une situation exceptionnelle (CDS banques < CDS souverain) qui s’explique par le contexte politique. Si l’Italie fait un jour défaut, Intesa et Unicredit feront aussi défaut - je n’ai pas de doute sur cela. C’est pour ça que "normalement" les banques ont toujours des CDS inférieurs au CDS du souverain. Mais il ne faut pas oublier que le CDS reflète la combinaison de 2 paramètres : la probabilité de défaut, bien sûr, mais aussi le taux de recouvrement du prêteur obligataire en cas de défaut de l’émetteur. Le marché considère que l’espérance de recouvrement sur les banques italiennes est supérieure à l’espérance de recouvrement sur l’Etat italien.

Il faut comprendre que lors d’un défaut souverain, le taux de recouvrement pour les prêteurs obligataires dépend essentiellement de paramètres politiques : l’Etat en défaut est-il prêt à se fâcher définitivement avec la communauté financière et, derrière elle, la communauté internationale ? Si oui, le taux de recouvrement sera faible. Donc ce que nous dit le marché des CDS, c’est que si l’Italie fait un jour défaut, ce sera probablement de façon brutale, en rupture avec l’UE = crise politique majeure.

5) Les banques britanniques ont souvent 2 CDS - pour le groupe et pour la banque. Cela s’explique par leur structure juridique : une banque peut lever des capitaux via différentes structures juridiques dans le groupe (différents niveaux sous la holding), avec des risques de défaut différents. Dans la table j’ai pris les CDS les plus bas.

S’agissant du risque de recapitalisation, une mesure intéressante est le stress test publié par la BCE et l’Autorité Bancaire Européenne. Cela représente la vue "officielle" sur le risque bancaire. Ces stress tests sont loin d’être infaillibles - pas plus que le marché des CDS. Une bonne pratique est de regarder régulièrement les 2 avant de prendre des positions sur les banques.

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#21 12/10/2018 14h25

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Bonjour

Scipion8 a écrit :

c) Sous-pondérer les banques en haut de cycle, surpondérer en bas de cycle (sur la base des signaux macroéconomiques et des résultats des banques).

Pourriez vous approfondir un peu, en particulier concernant l’analyse "des résultats des banques".
Je suppose que cela ne se réduit pas à une simple comparaison annuelle des bénéfices par action.

Compte tenu du niveau des taux d’intérêt, de l’évolution permanente des actifs (les prêts), des risques, de la casse, et donc des bénéfices en résultant, il me semble difficile de déterminer les hauts et bas de cycle, en tout cas sur le moment.
Par exemple, où en sommes nous actuellement pour la BNP, puisque vous en êtes actionnaire ? (et que je me tâte).

Cordialement


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3    #22 12/10/2018 17h36

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@Durun : Les banques cotées fournissent publiquement beaucoup d’informations - mais il faut savoir un peu les décrypter et lire entre les lignes pour en tirer toute l’essence. Les explications fournies par les banques sont aussi importantes que les chiffres ; il faut les challenger et parfois chercher les vraies explications, parfois implicites. Il y a différents niveaux d’analyse, tous utiles, mais pour une position importante il est évidemment recommandé de faire une analyse détaillée. J’explique ces niveaux, en les appliquant à BNP Paribas (analyse très rapide, hein, sur la base d’une lecture de la présentation du 2e trimestre de 2018).

1er niveau : Croissance et rentabilité de l’activité : la banque étend-elle ses activités, gagne-t-elle des parts de marché, ou au contraire est-elle en phase de retrait ? La croissance du volume des prêts est-elle rentable ? Si non, pourquoi ? (intensité concurrentielle, environnement de taux bas, prise de risques excessive…)

BNP Paribas affiche une croissance globale de son PNB de +1% au T2 2018, mais l’évolution est très différente selon les activités :

- Le pôle "Marchés domestiques" stagne, en partie à cause de l’environnement de taux bas selon BNP. Cette explication me semble partielle (les taux étaient déjà bas au T2 2017). Quand on regarde plus en détail les résultats de BNP sur la banque de détail en France, on voit une belle croissance des crédits (+6%) mais une baisse du PNB (-1%), expliquée par moins d’indemnités de renégociation et de remboursement anticipé (ça me semble crédible) et moins de commissions. Pas d’explication sur la baisse des commissions : signe possible d’une intensité concurrentielle plus forte ? Le coût du risque a baissé donc a priori pas de signal d’alerte à ce niveau (mais il faut toujours se méfier avec cet indicateur : certaines banques ont une gestion procyclique du risque, sous-estimant les risques en haut de cycle). Les frais de gestion ont baissé via l’optimisation du réseau (-1%) : très bien.

- Belle croissance du pôle "International Financial Services" (+9%), un segment un peu fourre-tout. Dans le détail : forte croissance de l’activité "Personal Finance" (mais garder un oeil sur la forte hausse des frais de gestion), belle croissance du segment Europe Méditerranée et maîtrise des frais de gestion (mais en partie due aux effets de change)… BNP a une banque digitale avec 560 000 clients en Turquie : j’aime beaucoup (promesse de croissance), mais ça peut devenir un facteur de risque. Les actifs sous gestion croissent gentiment (+3%) mais sur longue période la croissance me semble modérée, il faudrait comparer avec la concurrence.

- Forte baisse du PNB du pôle "Corporate and Institutional Banking" (CIB) (-7%). Dans le détail : bonne croissance des securities services (+4%) et de l’activité marché actions (+12%), mais je trouve les explications de BNP assez légères s’agissant de la forte baisse des activités fixed income, currencies and commodities (FICC, -17%) et du corporate banking (-14%). Le "contexte de marché" ne me semble pas une explication suffisante (en 2017, les taux étaient déjà bas). Il faudrait comparer avec les résultats de concurrents pour voir si la vraie raison n’est pas une perte de parts de marché.

Globalement, mon sentiment c’est que BNP Paribas maîtrise bien ses frais de gestion et sa prise de risques, mais manque un peu de relais de croissance : les marchés matures comme la France, l’Italie ou la Belgique ne vont pas lui donner un gros potentiel de croissance, et le recul de ses activités de marché serait problématique s’il se prolongeait. A moyen terme, les principaux relais de croissance de l’activité et des profits me semblent être la banque digitale dans les marchés émergents (Turquie, Pologne… - bien sûr risqués) et une (hypothétique) hausse des taux dans la zone euro.

Tout cela justifie à mon sens des multiples de valorisation modeste (PER<10?) et un dividende minimum de 5-5,5%. A un PER de 8,2 et un rendement de 6,2%, je suis actionnaire et acheteur de BNP Paribas comme fond de portefeuille, mais le potentiel de hausse du cours est modeste et il est possible que le cycle économique offre un meilleur point d’entrée. [Cela dit dans les résultats de BNP Paribas, il est difficile de voir une indication d’un prochain retournement économique en France (baisse du coût du risque.)]


2e niveau : Risques : Pour l’appréciation des risques, je combine 3 sources :

- L’appréciation du marché est donnée par le marché des CDS - pertinents en termes absolus et relatifs par rapport au souverain.

Un CDS à 5 ans de 51 bps, 22 bps au-dessus du souverain, traduit une certaine confiance du marché : malgré des activités de marché (perçues comme risquées) nettement plus développées, BNP a un CDS à peu près équivalent à celui du Crédit Agricole. Peu ou pas de contagion du risque italien = signe que le marché considère BNP comme résiliente.

- Les stress tests de la BCE/EBA traduisent l’appréciation "officielle" des risques.

Les stress tests de 2016 montraient un ratio Core Equity Tier 1 "fully-loaded" (Bâle III) de 8,5% pour BNP Paribas, contre 7,5% pour SocGen (ce qui justifie la décote de l’action SocGen par rapport à BNP, à mon sens) et 10,5% pour le Crédit Agricole. Au niveau européen, BNP ressort en milieu de peloton. Il y a bien d’autres banques qui apparaissent moins risquées à cette aune, par exemple en Suède (je suis actionnaire de Nordea et de Skandinaviska Enskilda Banken). Je vais suivre de près les résultats des stress tests 2018 pour voir si la position relative de BNP dans l’échelle des risques s’est améliorée ou dégradée.

- La communication publique par la banque offre des informations cruciales pour l’appréciation des risques, mais il vaut mieux apprécier ces informations de façon relative : (i) au cours du temps et (ii) en comparaison avec les banques comparables concurrentes :

a) Les ratios de solvabilité donnent une idée de la résilience de la banque à des pertes sur ses actifs. Si les pertes entraînent une baisse de ces ratios de solvabilité en-dessous des minima prudentiels, la banque devra recapitaliser, diluant ses actionnaires.

BNP Paribas a un CET1 ratio de 11,5% à fin juin 2018, confortablement au-dessus des minima prudentiels. Mais en tant que banque systémique, elle doit respecter une obligation de solvabilité renforcée par rapport à une petite banque. La baisse du CET1 ratio au T2 2018, due à une augmentation des actifs pondérés, pourrait être problématique si elle se prolongeait (i.e. si la croissance des actifs continuait à se faire de façon non profitable). Pour les actionnaires, cela mettrait potentiellement en cause la pérennité du dividende à son niveau actuel. Ce risque justifie des ratios de valorisation modestes.

b) Le ratio de levier fournit une information complémentaire clef par rapport aux ratios de solvabilité, puisqu’il s’agit d’une mesure "brute" sans pondération des risques comme pour les ratios de solvabilité. (Les banques sont souvent accusées d’"optimiser" les pondérations des risques, pour "embellir" leurs ratios de solvabilité, particulièrement en fins de périodes de reporting : window-dressing.)

A 4,0% le ratio de levier de BNP Paribas présente une marge assez confortable par rapport au minimum prudentiels (3%), particulièrement pour une banque ayant des activités de marché développées.

c) Le Liquidity Coverage Ratio (LCR) donne une idée de la capacité d’une banque à résister aux chocs de liquidité (par exemple des retraits massifs de dépôts, un dysfonctionnement du marché interbancaire…).

A 111% le LCR de BNP est au-dessus du minimum prudentiel (100%), mais avec une marge assez réduite. Cela dit (i) le LCR n’est pas ma mesure préférée du risque de liquidité et (ii) un LCR trop élevé peut être le signe d’une gestion peu optimale.

d) La réserve de liquidité immédiatement disponible est à mon sens un bien meilleur indicateur du risque de liquidité. Selon la définition de BNP, il s’agit des "actifs liquides de marché ou éligibles en banques centrales tenant compte des règles prudentielles, notamment américaines, et diminués des besoins intra-journaliers des systèmes de paiement". Malheureusement, il n’y a pas de définition harmonisée, je préfèrerais que toutes les banques cotées soient obligées de publier le montant de leurs actifs éligibles aux opérations en banques centrales et immédiatement disponibles (donc non-encumbered : pas mobilisés auprès de la banque centrale ou d’autres prêteurs, en nantissement ou en pension livrée).

Cette réserve de liquidité immédiatement disponible s’élève à 308 milliards € pour BNP : un montant confortable (même s’il faut le mettre en rapport avec l’énorme taille du bilan de BNP). Je n’aime pas trop la définition de BNP, mais au moins BNP donne systématiquement cette information, qui permet une évaluation au fil du temps. Je considère le risque de liquidité faible pour BNP par rapport à la plupart des autres banques.

e) La part des créances douteuses sur les encours bruts est un excellent indicateur avancé : si le cycle économique se retourne, on doit voir rapidement augmenter la part des créances douteuses.

A 2,9%, cette part continue de diminuer pour BNP : au-delà de la bonne gestion de la banque, cela traduit un contexte macroéconomique globalement en amélioration. Pas encore de signe de retournement économique, même s’il faudrait élargir cette analyse à d’autres banques.

Au final, je considère la configuration des risques sur BNP Paribas plutôt favorable, même si on peut trouver des banques moins risquées en Europe. Et BNP Paribas, première banque systémique d’un Etat solide, bénéficie a priori d’une bonne protection " politique" face au risque systémique.

3e niveau : Communication non-verbale et actions révélatrices : C’est le niveau "pro" de l’analyse. Il s’agit d’aller au-delà de ce qui est publié (sans pour autant tricher en utilisant des informations privilégiées, hein).

L’analyse de l’évolution de la communication d’une banque peut trahir des problèmes dont elle ne souhaite pas discuter publiquement. Par exemple, pour le risque de liquidité (qui peut augmenter très rapidement en cas de choc systémique), je suivrai de près la communication de la banque sur sa réserve de liquidité immédiatement disponible : il ne s’agit pas d’une information prudentielle, et la banque n’a pas à la divulguer. Si elle cesse tout d’un coup d’en parler, c’est mauvais signe…

Détecter et analyser les actions révélatrices d’une banque permet aussi de détecter les risques avant que la banque ne communique explicitement. Par exemple :

- Les banques peuvent se servir du taux de couverture comme d’une variable d’ajustement en situation difficile. Si on voit le taux de couverture baisser en-dessous de la moyenne historique alors que les créances douteuses augmentent et que le taux de solvabilité baisse, il faut se poser des questions. Cela peut traduire une tentative de la banque d’éviter une recapitalisation.

- Les ventes d’actifs sont une des informations les plus révélatrices sur la situation réelle d’une banque. Quand une banque se met à vendre massivement des actifs, notamment des "bijoux de famille" (des actifs précédemment présentés comme stratégiques dans la communication de la banque), cela peut être un signe de graves difficultés de liquidité. Une banque sous ELA (liquidité d’urgence fournie par la banque centrale) est souvent forcée par la banque centrale de vendre des actifs : alors que l’ELA est strictement confidentiel, la nouvelle de ventes d’actifs ne l’est pas, et un investisseur avisé saura interpréter cette information.

Bon, à ce niveau, je ne vois rien d’inquiétant pour BNP Paribas. Le taux de couverture a légèrement baissé, à 79%, mais reste proche de sa moyenne historique (je garderai un oeil dessus). BNP Paribas a vendu un portefeuille italien de crédits douteux de 0,8 milliard € au T1 2018, mais continue d’augmenter sa taille de bilan.

Désolé pour le pavé, mais c’est comme ça que j’analyse une banque (et encore, très superficiellement).

Dernière modification par Scipion8 (12/10/2018 22h37)

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1    #23 12/10/2018 18h11

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Bonjour,

je suis en total désaccord sur l’importance des notations des agences et des ratios ou autres CDS.
Ces choses la étaient souvent au vert avant les faillites de banque ou des recapitalisations. Le processus est simple.

1-L’économie va bien, le ROE est haut, les agences notent AAA, les CDS indiquent une forte solvabilité, très bien!.

2-Et la, le marché immobilier ralentit, puis chute, l’activité de la construction s’arrête totalement, tous les employés de la construction, travaux publics et privés sont au chômage, des immigrants retournent au pays car beaucoup travaillent dans ces industries, la population ne croit plus autant ou baisse un peu. la banque commence a avoir un taux d’impayé très fort car les gens qui sont maintenant au chômage, ont du mal a repayer. En plus, plus personne ne prend de nouveaux prêts, même la dépense publique chute pour pouvoir faire faire à l’augmentation des dépenses sociales et garder un semblant de rigueur budgetaire pour les marchés.

3-Le ROE Baisse, les agences de notation commencent a mettre des CCC, les CDS s’affollent, une partie du capital part. Et la effectivement on peut avoir faillite, recapitalisation, etc. Pourtant c’est la meme banque avec tous les voyants au vert il y a un an!

Ce que la banque a sur son bilan pert en valeur, ses prêts, ses actifs immobiliers, ces obligations de votre état etc, sa monnaie peut valoir moins également. Donc votre super solvabilité, elle ne sert plus a rien! A moins d’être un as des stress test et de pouvoir confirmer que la banque survivra a -4% de croissance sur deux ans. Je ne le suis pas.

Ce qu’il faut faire c’est avoir une banque qui évitera de passer de 1- a 2-.

Donc il faut voir la macro economie. Plutôt que de prévoir quel pays va croître, ce qui est difficile, il est plus facile de voir quel pays a beaucoup eu de croissance d’investissements physiques nécessitant des emprunts. Le plus souvent, des emprunts immobiliers. On peut comparer le taux de personnes travaillant dans la construction, le nombre de nouvelles constructions, les prix immobiliers, si il y a une industrie cyclique qui boome dans une region (pétrole par exemple), le degré de diversification de l’économie, la speculation immobilière. Par example les pays nordiques, je ne connais pas, mais l’immobilier est très cher il me semble, ensuite il faut regarder quel est la solidité réelle de ces pays.

Si l’activité de la construction est en bas de cycle, bien. Si ca fait des années qu’elle bat des records, attention.

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#24 12/10/2018 21h02

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Bonsoir

@Scipion8

Merci pour cette analyse qui est déjà très fouillée même si superficielle pour vous, et pour le temps que vous y avez consacré. Votre réponse mériterait bien 2 points.

Je ne vais pas aussi loin que vous, mais vous me donnez des pistes pour mieux analyser un business qui n’est pas facile à cerner.

J’analyse surtout les produits et les grandes masses du bilan (prêts, dépôts, créances douteuses et provisions), les évolutions sur plusieurs années, mais j’ai beaucoup plus de mal à me faire une idée de la liquidité, car il est difficile de savoir si une banque est très engagée auprès de la BCE ou pas.

Idem pour le niveau de risques. Certaines banques, comme la Société Générale ont une certaine propension à être limite niveau réglementation, ce qui se traduit quasi chaque année par des litiges et, généralement, des pénalités qui entament sérieusement les résultats. Cela en devient désagréable à la longue (mais je reconnais que les 7 Mrds payés par la BNP, c’était pas mal non plus).

Je vais intégrer les éléments que vous donnez.
Et refaire plus précisément mon analyse de la BNP. Encore merci.

Cordialement


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#25 12/10/2018 22h50

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Cher Scipion, beaucoup de travail pour proposer du BNP.
Un point important que vous avez soulevé: on est peu payé pour prendre des dossiers compliqués.
C’est vrai.

Au delà, la vraie méthode est de choisir les banques qui ont un plus de part leur gestion ou position concurrentielle.
Deux indicateurs pertinents pour moi: RoA et loan losses en bas de cycle.

A ce jeu là, peu de banques sont intéressantes en Europe.
Une vraie position de fonds de portefeuille serait Handelsbanken, probablement la banque de taille importante la mieux gérée en Europe.


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