Bonjour,
1) La garantie des dépôts de 100k€ par déposant et par établissement bancaire n’est mobilisée que dans un cas (extrême) de liquidation d’une banque. Dans un situation moins extrême de résolution d’une banque (comme à Chypre), la garantie n’a pas besoin d’être activée : l’outil de renflouement interne (bail-in), s’il est activé, ne touche que les dépôts > 100k€ par déposant et par établissement bancaire. Tout ce qui est <100k€ reste intact sans même que la garantie ne soit activée.
2) Il est faux de dire que le fonds de garantie n’est pas suffisant pour assurer le plein exercice de la garantie de 100k€ par déposant et par établissement bancaire. En effet, l’Etat est derrière le fonds de garantie et l’abonderait autant que de besoin si vraiment c’était nécessaire. S’il ne le faisait pas cela équivaudrait à un défaut souverain - immédiatement l’Etat ne pourrait plus du tout emprunter et les conséquences politiques seraient majeures.
Pour ceux qui doutent que l’Etat serait, dans cette situation extrême, incapable d’abonder le fonds de garantie des dépôts, un indice : le financement monétaire des Etats de la zone euro par la banque centrale est interdit. En revanche, le financement de l’Etat par les banques nationales est permis. Et le financement des banques par la banque centrale est aussi permis, la seule limite étant la disponibilité de collatéral éligible : des obligations d’Etat, par exemple…
Bref, c’est juste insensé de penser que la garantie de 100k€ par déposant et par an ne serait pas respectée : de l’argent, on en a suffisamment, hein - il suffit d’en imprimer, il n’y a pas de limite. La seule vraie limite économique et politique, c’est l’inflation = la perte de crédibilité de la monnaie ; ça tombe bien, l’environnement est plutôt déflationniste…
Pour rappel, aucun déposant garanti (<100k€) n’a subi de pertes sur ses dépôts dans la zone euro, par exemple en Grèce et en Chypre, dans des situations vraiment extrêmes.
3) En revanche, le risque pour les dépôts non garantis (>100k€ par déposant et par établissement bancaire) est bien réel. L’outil de renflouement interne (bail-in) peut désormais être activé beaucoup plus facilement qu’avant l’adoption de la Bank Recovery & Resolution Directive (BRRD). Si votre banque fait l’objet d’une résolution avec bail-in, on ne va pas vous prendre tous vos dépôts au-delà de 100k€, mais on va leur appliquer un pourcentage de conversion en actions de la banque (qui dans ces cas-là, ne valent plus grand’ chose…), suffisant pour que la banque soit correctement capitalisée.
Donc oui, cela fait sens pour les gros épargnants, de diversifier leur exposition en cash aux banques jusqu’à 100k€ par établissement.
4) La diversification peut se faire en France si on a confiance en la garantie de l’Etat français (c’est mon cas, comme expliqué ci-dessus). En effet, la garantie fonctionne par établissement bancaire.
On peut éventuellement placer une partie de son cash dans un autre pays de la zone euro, si on a davantage confiance en tel ou tel autre Etat. (Perso, je ne fais pas particulièrement confiance en l’Etat français ; en revanche je fais totalement confiance à l’Etat français, plus qu’à tout autre en Europe, pour influencer les décisions des institutions européennes à son avantage.)
Outre la paperasse, il y a quand même des risques à s’exposer à des banques étrangères :
- risque pays / risque politique : si un jour un démagogue accède au pouvoir dans le pays étranger choisi et décide d’exproprier (en violation des règles de l’UE) les déposants étrangers, il ne faudra pas se plaindre… (par exemple un démagogue pourrait proposer de n’activer la garantie de 100k€ que pour les nationaux)
J’invite ceux que tente l’expatriation de leur argent à bien étudier le cas des épargnants britanniques floués par l’Islande en 2008-2009 dans l’affaire Icesave (et dans cette histoire, il n’y avait même pas besoin de démagogue).
- risque de change : uniquement pour les pays hors zone euro… ou pour un pays de la zone euro qui, volontairement ou de façon forcée, la quitterait (scénario peu probable, mais bon)
- risque fiscal : sans trop prendre de risque, je suppose que la détention de comptes à l’étranger fait partie des critères de risques pour l’administration fiscale, sans doute plus attentive sur ces profils. Donc il vaut mieux être bien en règle fiscalement avant de décider d’ouvrir des comptes bancaires à l’étranger.
A terme, si l’UE met en place un fonds commun de garantie européen, il n’y aura plus d’intérêt à diversifier géographiquement, puisque l’UE (et non seulement la France) sera derrière le mécanisme de garantie.
5) L’ajout de titulaires (compagne / compagnon, typiquement) à un compte bancaire est un moyen simple de mieux sécuriser son exposition bancaire. Un seul compte bancaire avec 2 titulaires (le couple, typiquement) dans un établissement sera garanti à hauteur de 200k€. En 2013, beaucoup de Chypriotes se sont précipités pour ajouter des titulaires à leurs comptes. Si on a beaucoup de cash en banque, c’est mieux de le faire avant la crise systémique…
6) Il faut bien connaître le périmètre de la garantie de 100k€. En particulier, la poche cash d’un CTO ou d’un PEA est à l’intérieur du périmètre de la garantie. Donc si on a son portefeuille boursier dans la même banque où on a quelques dizaines de k€ de liquidités, on peut rapidement atteindre le plafond (donc être exposé au risque de bail-in) si on liquide tout ou partie de son portefeuille boursier, dans un contexte de crise.
Je suis en train de réfléchir aux expositions maximales que je souhaite avoir pour mes portefeuilles actions, par banque ou par broker. J’en discuterai à l’occasion sur ma file de portefeuille. J’ai une compréhension correcte du risque bancaire - mais beaucoup moins du risque sur un broker. (A priori ce sont des firmes beaucoup plus "simples" et moins risquées que des banques, mais ce sont souvent des petites boîtes, donc je souhaite définir un plafond d’exposition.)