D’abord le projet, ensuite seulement les outils à mettre en face.
Commençons donc par le projet : d’après mon expérience, les projets du type "c’est trop grand, c’est pas grave, on fera du cowork ou de la location de salle" ne fonctionnent pas. Le taux de remplissage reste très bas. Parce que la tête des propriétaires est focalisée sur l’activité professionnelle, ce qui empêche de faire les efforts de commercialisation et de gestion (et la réactivité, etc) nécessaires pour que ça se loue bien et/ou parce qu’il y a peu de demande, en tout cas à cet endroit et dans ces prix.
Si vous avez les moyens financiers d’avoir un faible taux de remplissage : pourquoi pas. Vous achetez très grand, essentiellement pour vous ; la location vous fait du bien moralement mais très peu financièrement…
Si vous voulez vraiment que l’activité de location fonctionne, il faut vous poser beaucoup de questions : qui va s’en occuper ? Comment trouver la personne disponible, compétente, très réactive voire proactive, toujours aimable, etc (c’est un métier !). Si on compte la rémunération de cette personne, est-ce toujours rentable ? Quelle est la demande ? De quels services accessoires les demandeurs ont-ils besoin (traiteur et/ou plateaux-repas, animateur, location de matériel, etc) ; saurons-nous les fournir ou recommander des prestataires adéquats ? Quelle est la concurrence sur le secteur ? Comment s’assurer que les clients viennent chez nous et pas à la concurrence ? En fait, je dois écrire le business-plan de cette activité ! Voilà des questions et des réflexions classiques pour toute personne qui veut lancer une nouvelle activité, en fait !
A mon sens, le problème de ces projets cowork/location de salles, c’est que ce sont surtout des prétextes pour acheter trop grand, et non pas des projets d’activité aussi mûrement réfléchis que tout autre projet d’activité.
Il faut aussi, bien sûr, se poser la question de la croissance prévisible de l’entreprise de votre compagne.
: à quel rythme les locaux devront-ils être réaffectés de l’activité location de salles à l’activité de votre compagne ?
Voyons maintenant les outils à mettre en face du projet :
l’expert comptable nous indique que pour de la location commerciale on ne peut pas être en SCI
Ecrit comme cela, cela fait bondir. Soit cette personne est incompétente, soit vous avez mal retranscrit ses propos. Essayons d’y voir plus clair.
Une SCI doit exercer une activité civile. La location de locaux commerciaux est une activité civile. Fiscalement, pour une personne physique, la location de locaux commerciaux est imposée en revenus fonciers. Donc elle pourrait être dans une SCI, y compris dans une SCI à l’IR.
Mais…
- pour que la location de locaux commerciaux reste imposable en revenus fonciers, il faut que le matériel nécessaire à l’activité ne soit pas inclus dans la location et que le bailleur ne soit pas intéressé au résultat (clause recette dans le bail, ou participation dans la société de l’exploitant ou toute autre forme d’intéressement).
- la location de locaux d’habitation meublés est civile par nature comme l’a rappelé le conseil constitutionnel, car la location immobilière est prépondérante et la location des meubles accessoire, mais elle est imposée en BIC en vertu de l’indépendance du droit fiscal. C’est donc une activité commerciale du point de vue fiscal uniquement, imposable en BIC ou IS si société. Dans une SCI IR, cela pourrait être toléré si le CA de cette location meublée reste <10 % du total, sinon IS obligatoire.
- concernant la location de salles à usage professionnel, il faut se poser la même question. Je n’ai pas envie d’approfondir (je ne suis pas payé pour, contrairement à vos experts-comptables et avocats, donc je trouve ici ma limite), mais ça semble en tout cas une activité commerciale, au moins du point de vue fiscal.
Donc, en fait, la personne vous disait surtout : "attention, la SCI ne doit pas exercer une activité commerciale". Ce qui est bien différent de "ne doit pas faire de location commerciale" (au sens de "location de locaux commerciaux").
Je me permets d’insister sur la différence droit général / droit fiscal. Est-ce qu’une société civile a le droit dans l’absolu, d’exercer telle activité, ça va dépendre du droit général (code civil / code de commerce). Est-ce que le fait d’exercer telle activité a telles conséquences fiscales, ça dépend du CGI. Ce sont deux choses différentes, du fait de l’"indépendance du droit fiscal". En particulier, une SCI a le droit d’exercer de la location d’habitation meublée puisque activité civile par nature ; mais IS obligatoire si plus de 10 % du CA.
Par contre, si une SCI exerce une activité franchement commerciale (location de vélos par exemple), là ça pose un vrai problème car son activité n’est pas civile donc cette SCI est illégale. Cela dit, les conséquences d’une SCI exerçant une activité commerciale sont essentiellement fiscales ; donc c’est vrai qu’une SCI à l’IS qui exerce une activité commerciale ne pose de problèmes démesurés puisqu’elle a déjà l’imposition d’une société commerciale, mais enfin si on peut éviter de faire un truc mal fagoté dès le début, c’est mieux.
Au final, quelles solutions ?
A mon avis, la SCI est une très bonne solution pour acheter un tel bien immobilier. Plein de gens utilisent une SCI pour posséder leur immobilier d’activité. Si c’est si répandu, c’est que c’est une bonne solution. La principale raison, c’est que les entreprises, ça meurt : liquidation volontaire ou sur faillite… Ca déménage aussi, quand les locaux s’avèrent inadaptés (trop petits, trop éloignés de la clientèle, etc.). Les gens qui exercent l’activité de l’entreprise, divorcent parfois, partent à la retraite, souvent, et meurent, toujours. En gros, les activités professionnelles et les gens changent beaucoup plus vite que la propriété foncière. La SCI est donc la bonne solution pour dissocier la propriété foncière de l’activité professionnelle exercée dedans. C’est la solution de la pérennité.
Ensuite, quelle solution pour les activités de location de salles et de chambre meublée ? C’est une seconde question.
- Peut-être par la SCI, si elle est à l’IS et que l’activité de location de salles est bien de nature civile (à approfondir). A mon sens, cela reste possible.
- La location de salles et de la chambre pourrait être réalisée par la société de votre compagne. Celle-ci louerait donc à la SCI la totalité de la maison sauf votre habitation, puis exercerait à titre secondaire l’activité de location de salles et de location meublée. Avantage : quand la société de votre compagne a besoin d’un local supplémentaire : ça tombe bien, elle est déjà locataire ! On s’en fout qu’elle y mette une salle louée à des tiers ou un bureau pour ses salariés. Donc il n’y a aucun écrit à faire dans ce cas. On s’en fout également qu’en pratique elle ne loue quasiment pas de salles à des tiers (ma mise en garde sur cette activité qui peut être un prétexte pour acheter trop grand) : tant qu’elle paie à la SCI le loyer sur la totalité de la maison moins votre habitation, elle en fait bien ce qu’elle veut.
- Pourquoi pas par une société commerciale dédiée ? Ca permettrait au moins de bien dissocier trois choses : la propriété foncière et l’activité civile de location de la locaux nus, c’est la SCI ; l’activité de votre compagne, c’est la SAS Voilà Madame ; tandis que l’activité de location de salles de chambre meublée, c’est la SAS La Joyeuse Loc. Cela ramène à la question du début : l’activité de location de salles et de la chambre est-elle rentable en elle-même ? Petit inconvénient : à chaque fois que la société de votre compagne a besoin définitivement d’un pièce supplémentaire, il faut modifier 2 baux par avenants : celui de la SAS La Joyeuse Loc, qui a une pièce en moins (et un loyer qui baisse) et celui de la SAS Voilà Madame, qui a une pièce en plus (et un loyer qui augmente). Si c’est une location temporaire, pas besoin de modifier les baux, la SAS La Joyeuse Loc peut louer temporairement la salle à la SAS Voilà Madame.
Dernière modification par Bernard2K (16/04/2025 10h01)