Une société commerciale a pour but de gagner de l’argent en poursuivant son objet social.
Un associé et dirigeant qui se paie à ne rien faire, et qui ne ramène aucun chiffre d’affaires à sa société, est en risque d’être poursuivi pour :
- "acte anormal de gestion". C’est une qualification fiscale.
Dalloz a écrit :
L’idée est ici que les actes accomplis au nom de l’entreprise, quelle que soit sa forme juridique, en particulier les dépenses qu’elle effectue, doivent avoir une contrepartie, autrement dit lui procurer un avantage économique ou financier.
Vous coûtez une rémunération sans ramener aucun CA : donc ces charges sans contreparties ne sont pas déductibles : elles sont donc sorties des comptes, ce qui remonte le résultat. Sauf qu’en l’absence de CA, le résultat remonte, mais il remonte en restant encore négatif (car faire fonctionner une société coûte toujours quelques centaines ou milliers d’euros par an : la banque, l’expert-comptable, peut-être une location de locaux ou de matériels…), donc ce redressement n’est pas fructueux pour l’administration, donc elle n’a pas intérêt à rechercher cette infraction dans ce cas.
- faute de gestion. C’est cette fois-ci une notion d’infraction au code de commerce. C’est quelque chose qui va souvent avec une faillite : est-ce que le dirigeant n’a pas précipité la faillite en faisant peser des charges abusives ? Si votre intention est de soutirer la tréso, puis de clôturer proprement, on ne voit pas bien qui va s’y intéresser.
- abus de biens sociaux. Allons jusqu’au bout du raisonnement des deux tirets précédents. Le dirigeant s’est rémunéré alors qu’il ne ramenait aucun chiffre d’affaires, qu’il ne procurait aucun avantage économique à sa société. Les deux tirets précédents nous disent que cette rémunération n’est pas déductible des comptes, que la société n’aurait pas dû payer. Donc, en droit, cet argent appartient toujours à la société. Donc, en fait, le dirigeant s’est servi dans la caisse, comme s’il s’était fait un virement de ce montant sans justification (sans fiche de paie, note de frais ni vote de dividendes, juste un virement, il y a de l’argent, il tape dedans). Ca s’appelle de l’abus de biens sociaux. Et là, c’est du pénal, puni de, au maximum : "un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros".
Alors certes, on peut dire que dans une EURL, il n’y a pas d’associé qui peut porter le pète, qu’en l’absence de chiffre d’affaires, l’administration fiscale n’a rien à gagner… Donc, autrement dit, on se dit que personne ne va s’y intéresser. En fait, les seuls qui pourraient s’estimer lésées sont les caisses de sécurité sociale (au sens large, y compris régimes de retraite) qui doivent assurer la sécurité sociale de ce dirigeant alors que 1) il cotise a minima 2) il n’a même pas le droit de cotiser puisque cette rémunération est illégale ; mais on peut supputer que ces caisses ont d’autres chats à fouetter que d’aller voir si leurs petits cotisants ont vraiment le droit de cotiser.
En faisant le raisonnement exposé au paragraphe juste au-dessus, on suppose que personne ne trouvera rien à redire. Autrement dit : on suppose qu’on peut faire une action illégale parce qu’on ne se fera pas prendre. On est à un panneau STOP, en rase campagne, aucun véhicule en approche, pas de gendarme à l’horizon, est-ce qu’on marque le stop ou est-ce qu’on passe sans s’arrêter ? Ca pose deux questions :
- Question de principe : est-ce que, même si je suis sûr de ne pas me faire prendre, je commets une action en sachant qu’elle est illégale ? Question de morale personnelle.
- Question de prendre des risques mesurés. Il s’agit de mener sa vie de façon prudente, en profitant des bons côtés, sans s’exposer à des conséquences fâcheuses et durables. Passer un stop, c’est 4 points et 135 € d’amende. Ca peut sembler à certains un risque acceptable. Pour l’abus de biens sociaux, c’est un risque d’une condamnation jusqu’à 5 ans et 375000 € d’amende. Est-ce un risque que vous trouvez acceptable ? Moi pas.