2 #1 07/02/2025 09h48
- Bernard2K
- Membre (2015)
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J’allais poster cela sur la présentation d’un membre, et je me suis dit que ça pourrait faire un nouveau fil de discussion et profiter à tout le monde. Si ce fil existe déjà (je ne l’ai pas trouvé), un modo voudra bien le regrouper avec ce fil existant.
Sur la reprise d’entreprise, quelques mises en garde rapides :
- être chef d’entreprise, dans une petite entreprise, nécessite d’être bon partout : relationnel, carnet d’adresse, commercial, technique, gestion RH, gestion financière… On peut être très bon dans certains domaines, mais mauvais dans d’autres ; il suffit souvent d’être mauvais dans un seul pour couler la boîte. Dans un tel cas, il ne faudra pas lésiner sur le recours à un (des) salarié(s) ou un(des) prestataire(s) pour vous seconder dans le(s) domaine(s) où vous êtes mauvais.
- être chef d’entreprise, ça s’apprend : gestion et management ; système lean ; se former et évoluer tout le temps (les méthodes de gestion évoluent très rapidement ces derniers temps, avec les apports du numérique et de startup innovantes ; cf des boîtes comme N2F pour simplifier les notes de frais ; si on reste sur de la gestion à l’ancienne en tout papier, on va rapidement perdre en compétitivité). Etc. Il faut être capable d’apprendre énormément et vite, et il faut pas se mettre à 100 % sur de l’opérationnel sous peine de ne plus avoir le temps d’apprendre, se former, lever la tête du guidon pour voir les évolutions stratégiques, etc.
- attention au secteur d’activité. Il faut des perspectives de croissance ; il ne faut pas qu’il dépende d’un marché conjoncturel sur lequel vous n’avez aucune prise. Premier exemple : recyclage de la matière X : quand le prix de la matière X neuve est très bas, vous ne vendez plus de X recyclé ; vous voilà en faillite alors que vous n’avez fait aucune erreur de gestion, vous avez juste misé sur un marché qui s’est dérobé sous vos pieds. Deuxième exemple : reprendre une entreprise du bâtiment un peu avant l’automne 2008.
- attention au savoir-faire spécifique ; lorsqu’on envisage de reprendre une entreprise d’un secteur qu’on ne connaît pas ; parfois, une personne qui vient d’un autre secteur apporte des méthodes novatrices et très efficaces, et réussit ; parfois il fait des erreurs de débutant et se saborde tout seul.
- attention aux chiffres bidonnés, en particulier dans les TPE. Il y a bien des façons de de bidonner des chiffres. Exemple : le chef d’entreprise et son conjoint ou son associé s’arrachent au travail, 70 à 80 h par semaine, réalisant à eux deux le boulot de 6 personnes, et se payant à peine. Les comptes sont dans le vert. Vous reprenez cette boîte : soit vous bossez autant jusqu’à péter une durite ; soit vous mettez 6 salariés pour faire le taf que faisaient les deux patrons, et le coût salarial vous fait passer les comptes dans le rouge. (En fait, pour que les comptes soient vraiment sincères, ils auraient dû mentionner en produits "apports en industrie gratuits des associés : 200 k€" ; sauf que personne n’écrit cela dans les comptes, évidemment). Deuxième exemple : le chef d’entreprise a son système de black bien rodé ; environ 30 % de son CA est fait en sous-main. Allez-vous reprendre ce système illégal avec le risque que cela comporte ? Ou allez-vous officialiser tout le CA en faisant exploser vos charges, taxes et impôts ? Troisième exemple : le chef d’entreprise, sa famille, ou ses amis, bénéficient d’avantages en nature indus. Le fait que ces avantages cessent après la reprise vont plutôt améliorer les comptes de la boîte ; sauf que vous pouvez tomber sur le cas où la famille met un veto à la vente de l’entreprise, pour ne pas perdre ces avantages.
- on peut bien sûr reprendre une entreprise dans les cas classiques de transmission : l’associé principal ou unique vend car retraite, problème de santé, ou volonté de lever le pied. Souvent, c’est vendu au prix fort.
- les entreprises les moins chères à reprendre sont à la barre du tribunal de commerce. On peut même avoir du 1 € symbolique (et même sans reprise du passif, donc vous êtes libéré des dettes), notamment si engagement de conserver les emplois.
- La façon suivante de reprendre une entreprise à pas cher, c’est d’attendre la liquidation. C’est une méthode de vautour : on rachète le matériel aux enchères, on embauche les meilleurs éléments (en évitant les tocards)… Il faut une connaissance très étroite de cette entreprise, ne pas être pressé tout en étant très réactif au bon moment, et accepter une probabilité de ne pas réussir (soit l’entreprise est rachetée avant la liquidation ; soit des salariés ou du matériel essentiels vous passent sous le nez).
Dans ces deux derniers tirets (racheter à la barre du TC ou reprendre des éléments à la découpe après liquidation), il faut être certain d’avoir identifié la ou les raisons qui ont poussé l’entreprise à la faillite, et être certain qu’on peut les corriger. Ce qui nécessite beaucoup de lucidité : ne pas sous-estimer ces raisons ; ne pas surestimer sa capacité à les résoudre.
- c’est évident mais je le dis quand même : attention aux entreprises où la clientèle est étroitement attachée à la personne du chef d’entreprise, pour des raisons de relationnel, de savoir-faire pointu, etc. Le changement de chef d’entreprise peut amener à une perte rapide des clients.
- attention à la résistance au changement chez les salariés. S’ils partent d’eux-mêmes, ça ne vous coûte pas cher, mais ils risquent d’emporter un savoir-faire essentiel ou de monter une boîte concurrente en siphonant une partie de la clientèle ; mais ils peuvent aussi rester et être une plaie ouverte : arrêts de travail y compris pour des accidents de travail impossibles à vérifier (mal de dos suite à une chute…) ; grève ; traîner les pieds ; démotiver les collègues ; négocier une rupture conventionnelle avec une grosse indemnité sous peine de continuer à vous faire suer, etc. Associer les salariés au changement et le leur faire accepter, préparer le changement en impliquant toutes les parties (dans une logique de nemawashi, en langage lean), et même idéalement placer les salariés comme moteurs du changement (kaizen), sans oublier de les récompenser pour les changements accomplis et de leur redistribuer une partie de la richesse produite par le changement, va être un point essentiel pour la réussite. Pour autant, vous le savez sans doute déjà : l’adhésion au changement ne peut être que de façade ("je fais semblant d’être content du changement mais en fait je traîne les pieds et/ou je cherche du boulot ailleurs").
Tous ces exemples et mises en garde que j’ai cités dans ce post correspondent à au moins un cas réel qui j’ai vu dans mon entourage. Pour autant, je ne suis qu’un petit poucet par rapport à ce sujet et je ne doute pas que d’autres forumeurs auront beaucoup plus à apporter sur ce sujet.
Dernière modification par Bernard2K (07/02/2025 14h42)
Mots-clés : entreprise, reprise, retraite, transmission
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