GoodbyLenine a écrit :
- si l’état a 1 Mds€ de dettes en plus, mais possède des biens en plus dont la valeur est supérieure ou égale à 1 Md€ (par ex des terrains, des immeubles des parts d’entreprises, des brevets, un système de santé, un système d’éducation, etc.) ce n’est pas un problème : certains de ces "biens" pourraient un jour être cédés, et la plupart sont créateurs de valeur.
Contrairement à une dette fraîchement contractée, des biens matériels se déprécient. Prenez une école toute neuve construite en 1970 (et bourrée d’amiante, le top des normes modernes!), dans un village aujourd’hui dépeuplé, aujourd’hui elle ne vaudrait même pas le coût du terrain, du fait du coût de démolition.
Beaucoup de biens immeubles appartenant à l’Etat sont anciens, copieusement amiantés et situés dans des coins où les promoteurs ne se bousculent pas (typiquement, une tour de HLM ou des locaux administratifs / éducatifs / hospitaliers / d’infrastructures industrielles). Hormis le cas particulier des monuments historiques et ministères / administrations centrales, ce sont donc plutôt des biens mal entretenus (car ça creuserait les déficits de les rénover) et mal situés, dont la valeur a tendance à partir à la baisse.
La seule exception à ma connaissance, ce sont les biens légués à l’Etat, notamment en l’absence d’héritier ou en cas d’héritage refusé, qui peuvent être bien entretenus et bien situés, donc avec une valeur qui augmenterait dans le temps, mais ça fait mince, comme volume par rapport au patrimoine total. Quant aux biens immatériels (parts d’entreprises, brevets…), il faudrait que leur valeur croisse chaque année à la même vitesse que les déficits budgétaires, pour que le raisonnement tienne.
Je crains que si les choses étaient aussi simples, alors l’Etat vendrait tout un tas de choses chaque année, puis le gouvernement du moment fanfaronnerait en affichant un excédent budgétaire, quand bien même cela résulterait de produits exceptionnels. La réalité, c’est que l’Etat vend ce qu’il peut mais que cela ne change pas grand chose au poids de la dette, ce sont des économies de bouts de chandelle afin de financer des dépenses supplémentaires (au sens "normales et prévisibles, mais volontairement sous-estimées pour faire passer la Loi de Finances et que l’on fait mine de découvrir avec émoi en cours d’année").
GoodbyLenine a écrit :
- si l’état a 1 Md€ de dettes en plus, mais que les français possèdent des biens en plus dont la valeur est de 10 Mds€, ce n’est pas un problème (et , l’état pourra un jour récupérer bien plus que 1 Md€ grâce à ces biens, en impôts, sur ces biens, ou sur la richesse que générera leur usage).
Sauf que les personnes imposables d’aujourd’hui ne seront pas forcément celles de demain. Un riche, taxé comme pas possible, pourrait décider de se domicilier à Dubaï. Sans aller jusque-là, le patrimoine peut être cédé à l’étranger. Marginalement, il peut aussi être dilapidé dans les mains d’une personne qui ne paiera pas d’impôts dans les faits. Pour prendre un exemple caricatural, si vous dilapidez votre fortune auprès du vendeur d’herbes aromatiques ou de sucre-glace magique de la banlieue la plus proche, ce patrimoine sera peu taxé (y compris à la TVA), puis non déclaré par son nouveau détenteur et très dur à saisir.
Par ailleurs, il y a un risque politique, si vous misez sur la fiscalité : la politique fiscale d’aujourd’hui sera différente de celle de demain, surtout si un parti "extrême" arrive au pouvoir. Il y a également la question de la pression fiscale et du taux de recouvrement : on peut imposer le patrimoine à 200% des revenus, ça ne veut pas dire que l’Etat encaissera les impôts correspondants. Et je ne parle même pas de la fraude fiscale, ni des "optimisations" et des longs contentieux à l’issue incertaine qui en découlent…
GoodbyLenine a écrit :
On devrait pouvoir en conclure que la valeur absolue de la dette, ou même le ratio dette /PIB annuel, n’est pas un paramètre à évaluer seul, dans l’absolu, isolement de la valeurs des actifs de l’état et des français.
Ce qui est pratique avec l’augmentation du PIB, c’est que la croissance de la valeur créée sur le territoire implique une croissance des recettes fiscales, sans avoir à changer quoi que ce soit. Cela va également de paire avec une baisse des prestations sociales (car moins de chômage), donc moins de dépenses de l’Etat. Cerise sur le gâteau, cela fait un surplus de recettes à investir pour développer davantage l’économie. Donc l’enrichissement de l’Etat se fait tout seul, sans avoir à taxer davantage ni à vendre son patrimoine.
Un PIB en baisse, ce sont des recettes fiscales en baisse, moins d’investissement étatique et plus de dépenses sociales. Le ratio dette / PIB est bien plus important que la valeur absolue de la dette, cf la situation du Japon, pour prendre un exemple emblématique. De fait, en mettant de côté les situations de type "emprunts russes lors de la création de l’URSS", je ne vois pas de situations à considérer en dehors du ratio dette / PIB. L’argument "plus de patrimoine en France implique plus de recettes pour l’Etat" me semble à écarter, ne serait-ce que parce que contrairement au PIB (et aux opérations taxées qui le constituent), le patrimoine taxable peut intégralement partir à l’étranger en un claquement de doigts.
GoodbyLenine a écrit :
J’ajoute que l’évaluation de ce que possède l’état et les français, est sans doute plus difficile à faire que juste l’évaluation du montant de la dette nominale de l’état (sans oublier que l’état a aussi une dette "hors bilan", elle aussi pas si simple à quantifier). On se focalise sans doute un peu trop sur ce qui est facile à évaluer (la dette nominale), alors que ce n’est pas la seule chose qui compte (ni même la plus importante).
Au contraire, c’est très simple d’évaluer les patrimoines. l’Etat évalue son patrimoine régulièrement : les biens meubles ou immatériels, ce sont les comptables publics, les biens immeubles ce sont les évaluateurs du Domaine. Quant aux Français, il suffit d’additionner les bases imposables déclarées chaque année.
La seule difficulté, pour laquelle il est effectivement impossible pour l’Etat d’évaluer un patrimoine, c’est lorsqu’il n’est pas encore imposable (par exemple un PEA, qui n’est pas déclaré annuellement et dont on ne connaît pas la valeur future au moment de la clôture, donc le montant de recettes fiscales qui viendra avec), voire qui n’est pas encore créé (par exemple le patrimoine que vous percevrez en gagnant à l’Euromillions l’an prochain) ou tout simplement dissimulé (cf mon exemple du vendeur d’herbes aromatiques). Je n’ai pas les chiffres à ce sujet, mais je pense que ça doit néanmoins constituer une part très marginale du total de la fiscalité sur le patrimoine, sachant que la fiscalité sur les revenus (IR / IS) et sur les ventes (TVA) constituent à elles seules plus de 70% des recettes fiscales. Si l’on tient compte des recettes non fiscales (par exemple le paiement des amendes), alors la fiscalité du patrimoine représente encore moins.
Le PIB annuel, qui tient compte des ventes (TVA), ainsi que de leurs coûts (IR sur salaires) et de la distribution de leurs bénéfices (IR / IS), est sans doute un meilleur indicateur de la capacité à lever des recettes fiscales facilement, plutôt que de miser sur une augmentation de la pression fiscale qui se traduirait par des impôts effectivement recouvrés, ou sur la fiscalité du patrimoine qui viendrait équilibrer le budget. D’ailleurs sur ce dernier point, il faut constater qu’avec le temps, la "mode" n’est plus vraiment à l’augmentation des recettes issues de la taxation du patrimoine (PFU, ISF, priorités et moyens alloués au contrôle fiscal…).
Dernière modification par Leukie (23/03/2024 06h25)