oliv21 a écrit :
7. En France, les pouvoirs publics ne sont ni laxistes, ni incompétent et travaillent en permanence à adapter les mesures sanitaires et de restriction en fonction de l’évolution de l’épidémie.
Il est inutile d’imposer des mesures disproportionnées si elles ne sont pas encore indispensables. La phase 3 arrivera en temps voulu (très bientôt) avec des restrictions encore plus strictes sur les rassemblements / déplacements.
@oliv21C’est un point important, et nul doute qu’il fera l’objet de débats aigus si les résultats de cette gestion ne sont pas bons (et par "bons" je ne parle pas de valeur absolue de victimes, mais surtout en comparaison de ce qu’auront réussi les pays qui s’en sortiront le mieux, et en particulier écnomiquement puisque c’est ce qui nous intéresse sur ce forum).
Pour ma part je suis un peu dubitatif sur cette "riposte graduée", le cas italien montre qu’il est difficile d’avoir le bon tempo dans la montée en intensité des quarantaines (j’en veux pour preuve la première quarantaine de 15M d’habitants actée en pleine nuit, puis la quarantaine totale actée quoi 20H plus tard ?, signe à mon avis que le virus a mis en défaut les prévisions de l’éxécutif). Je pense qu’on ne peut pas exclure à ce stade qu’une réponse très forte très tôt ne soit pas gagnante in fine.
Je vous propose pour illustrer ce débat quelques extraits que je juge pertinents :
1. China’s cases of Covid-19 are finally declining. A WHO expert explains why.
Il s’agit d’une interview de Bruce Aylward, épidémiologiste de l’OMS ayant mené une mission d’observation en février en Chine. Je vous traduis quelques extraits :
Vox.com a écrit :
Journaliste :
L’OMS a suggéré que le monde devrait suivre l’exemple de la Chine, mais comme vous le savez, les effets de la réponse de la Chine à l’épidémie de Covid-19 sur les droits de l’homme suscitent des inquiétudes, notamment les restrictions à la liberté de circulation par le biais des bouclages et des cordons sanitaires. Comment réagissez-vous aux critiques qui s’inquiètent de cela?
Bruce Aylward :
Je pense que les gens n’ont pas suffisament prêté attention à ce qu’il s’est passé. La majorité des réponses en Chine, dans 30 provinces, concernaient la recherche de cas, la recherche des cas contacts et la suspension des rassemblements publics - toutes les mesures courantes utilisées partout dans le monde pour gérer la propagation des maladies.
Les blocages auxquels les gens font référence - les préoccupations en matière de droits de l’homme - reflètent généralement la situation dans des endroits comme Wuhan [la ville de la province du Hubei où le virus a été détecté pour la première fois]. Le verrouillage était concentré à Wuhan et dans deux ou trois autres villes qui ont également explosé avec des cas de Covid-19. Ce sont des endroits qui sont devenus incontrôlables au début de l’épidémie, et la Chine a pris cette décision de protéger la Chine et le reste du monde.
Vox.com a écrit :
Journaliste :
D’accord, la plupart des mesures utilisées en Chine pour arrêter le virus étaient des mesures de santé publique traditionnelles qui sont largement acceptées - et les mesures draconiennes étaient plus rares. Y a-t-il une idée de ce qui était le plus efficace dans la boîte à outils de la Chine?
Bruce Aylward :
Je pense que l’apprentissage clé de la Chine est la vitesse - tout dépend de la vitesse. Plus vous pourrez trouver les cas rapidement, les isoler et suivre leurs contacts étroits, plus vous réussirez. Un autre grand point à retenir est que même lorsque vous avez une transmission substantielle avec beaucoup de clusters - parce que les gens regardent la situation dans certains pays maintenant et disent: "Oh, mon Dieu, que peut-on faire?" - ce que la Chine démontre, c’est que si vous vous installez, retroussez vos manches et commencez ce travail systématique de recherche de cas et de recherche des contacts, vous pouvez certainement changer la forme de l’épidémie, en diminuer la cinétique et empêcher beaucoup de gens de tomber malade et beaucoup des plus vulnérables de mourir.
Bruce Aylward :
Vous devez avoir une organisation pour évaluer rapidement s’ils présentent réellement ces symptômes, tester ces personnes et, si nécessaire, isoler et retrouver leurs contacts.
Là encore, c’est là que j’ai vu des choses commencer à s’effondrer. On m’a dit que si vous pensez avoir été exposé et avoir de la fièvre, appelez votre médecin généraliste. Nous devons être meilleurs que ça.
En Chine, ils ont mis en place un réseau géant d’hôpitaux pour la fièvre. Dans certaines régions, une équipe peut aller vers vous et vous prélever et avoir une réponse pour vous en quatre à sept heures. Mais vous devez être organisé - la vitesse est primordiale.
Assurez-vous de disposer de mécanismes pour travailler avec eux très rapidement dans votre système de santé. Ensuite, suffisamment d’infrastructures de santé publique pour enquêter sur les cas, identifier les contacts étroits, puis s’assurer qu’ils restent sous surveillance. Cela représente 90% de la réponse chinoise.
Bruce Aylward : La clé est une population informée, trouver ces cas, les isoler rapidement. Le plus vite vous les isolez, c’est ce qui brise les chaînes. Assurez-vous que les contacts proches sont mis en quarantaine et surveillés jusqu’à ce que vous sachiez s’ils sont infectés. Entre 5 et 15% de ces contacts sont infectés. Et encore une fois, ce sont les contacts étroits, pas tout le monde.
Vox.com a écrit :
Journaliste :
Que dire de la gravité du virus en Chine - le taux de létalité ?
Bruce Aylward :
Le taux moyen de létalité est de 3,8% en Chine, mais cela est dû en grande partie au début de l’épidémie à Wuhan où les chiffres étaient plus élevés. C’est la mortalité en Chine - et ils trouvent rapidement les cas, les isolent, les traitent et les soutiennent tôt. La deuxième chose qu’ils font est qu’ils utilisent l’oxygénation extracorporelle [en retirant le sang du corps d’une personne et en oxygénant leurs globules rouges] lorsque la ventilation ne fonctionne pas. Il s’agit de soins de santé sophistiqués. Ils ont un taux de survie pour cette maladie que je n’extrapolerais pas au reste du monde. Ce que vous avez vu en Italie et en Iran, c’est que beaucoup de gens meurent.
Vox.com a écrit :
Journaliste :
Pouvons-nous faire confiance aux données de la Chine?
Bruce Aylward :
La grande question est de savoir s’ils cachent des choses? Non ce n’est pas le cas. Nous avons examiné de nombreuses choses différentes pour corroborer que les cas sont bien en baisse.
2.COVID-19: too little, too late?
Ceci est un article de la revue "The Lancet".
Thelancet.com a écrit :
Bien que l’OMS n’ait pas encore qualifié de pandémie de flambée d’infection par le SRAS-CoV-2, elle a confirmé que le virus est susceptible de se propager dans la plupart des pays, sinon tous. Quelle que soit la terminologie, cette dernière épidémie de coronavirus connaît désormais une augmentation plus importante des cas en dehors de la Chine. Au 3 mars, plus de 90 000 cas confirmés de COVID-19 avaient été signalés dans 73 pays. L’épidémie dans le nord de l’Italie, qui a vu 11 villes officiellement fermées et des habitants menacés d’emprisonnement s’ils tentent de partir, a choqué les dirigeants politiques européens. Leur choc s’est transformé en horreur en voyant l’Italie devenir l’épicentre de sa propagation sur le continent. Alors que la fenêtre de confinement mondial se ferme, les ministres de la Santé se bousculent pour mettre en œuvre les mesures appropriées pour retarder la propagation du virus. Mais leurs actions ont été lentes et insuffisantes. Il y a maintenant un réel danger que les pays en fassent trop peu, trop tard pour contenir l’épidémie.
En contraste frappant, le rapport de mission conjointe OMS-Chine qualifie les mesures de santé publique vigoureuses de la Chine envers ce nouveau coronavirus probablement de l’effort de confinement des maladies le plus ambitieux, agile et agressif de l’histoire.
Bien que d’autres pays ne disposent pas de la politique de commandement et de contrôle de la Chine, il y a des leçons importantes que les présidents et les premiers ministres peuvent tirer de l’expérience de la Chine. Les signes sont que ces leçons n’ont pas été apprises.
Les éléments de preuve indiquent certainement que les dirigeants politiques devraient agir plus rapidement et plus agressivement. Comme l’ont montré Xiaobo Yang et ses collègues, la mortalité des patients gravement malades atteints de pneumonie au SRAS-CoV-2 est substantielle. Comme ils l’ont écrit récemment dans The Lancet Respiratory Medicine, «La gravité de la pneumonie à SARS-CoV-2 fait peser une grande pression sur les ressources de soins critiques dans les hôpitaux, surtout si elles ne sont pas dotées de personnel ou de ressources adéquates.» Ce coronavirus n’est pas bénin. Ça tue. La réponse politique à l’épidémie devrait donc refléter la menace à la sécurité nationale que représente le SRAS-CoV-2.
Jusqu’à présent, les preuves suggèrent que les efforts colossaux de santé publique du gouvernement chinois ont sauvé des milliers de vies. Les pays à revenu élevé, confrontés à leurs propres flambées, doivent prendre des risques raisonnables et agir de manière plus décisive. Ils doivent abandonner leurs craintes quant aux conséquences négatives à court terme pour le public et l’économie qui pourraient découler de la restriction des libertés publiques dans le cadre de mesures de lutte contre les infections plus énergiques.
Quelques rappels en conclusion :
- le "lockdown" de Wuhan a été ordonné le 23 janvier. L’épidémie dans la ville dénombrait alors 571 cas détectés et 17 morts. La vague épidémique a été maîtrisée, le bilan ce jour est de plus de 67000 cas détectés et plus de 3000 décès. Comme bien décrit par Bruce Aylward, la Chine a poursuivi une gigantesque campagne de tests et de traçage des cas contacts lors de la phase aigue.
- le "lockdown" de l’Italie a été ordonné le 10 mars. L’épidémie dans le pays dénombrait alors 9172 cas détectés et 463 morts.
Dernière modification par MetalFlakeGreen (11/03/2020 12h00)